Life

Avec les millennials qui ont honte d'être des millennials

« Tout le monde nous déteste et nous voit comme des bouffeurs d’avocats égocentriques et paresseux. »
CJ
illustrations Christa Jarrold
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
millennials
Image : Christa Jarrold 

Quand j'entends le terme « Gen Z », je pense aux e-boys, aux mulets et à Greta Thunberg traversant courageusement la mer en bateau pour se rendre à un sommet sur la crise climatique. Quand j'entends « milliennial », une lumière rouge s’allume.

De l’obsession pour Harry Potter et les années 90 aux vieux mèmes embarrassants, il semble impossible pour nous d’échapper à une décennie d'humiliation. C'est peut-être la raison pour laquelle tant de millennials se décrivent comme « techniquement de la génération Z » ou « à la frontière entre les deux générations » ou encore comme des « zillennials ». 

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« Ce sont des millennials qui refusent d'être des millennials », explique Lisa Walden, co-auteure du livre Managing Millennials for Dummies. Walden pense que les millennials sont la génération qui a le plus honte de son groupe d'âge, ce qu'elle a remarqué en faisant des présentations devant des clients. 

« Quand on demande aux gens dans la salle : “Y a-t-il des boomers parmi vous ?”, on entend un tonnerre d’acclamations, idem pour la génération X. Mais quand on demande : “Y a-t-il des millennials parmi vous ?”, c'est le silence total. » Le problème ne semble pas être lié à l'âge – Lisa a remarqué que même les personnes de la génération Z font preuve de plus de fierté que les millennials. 

Aujourd'hui, de nombreux millennials aimeraient appartenir à la génération Z, comme Riikka, une Londonienne de 30 ans. « Le mot millennial a une connotation négative dans ma tête », dit-elle. Riikka préfère la génération Z pour deux raisons : ses valeurs sociales inclusives et son sens de l'humour moins prévisible. « La génération Z comprend tout. C'est une chose innée. Ces gens ont grandi en acceptant tout le monde. Parfois, j'aimerais avoir eu cette éducation, avec ces valeurs déjà ancrées en moi et dans mon entourage. »

Lorsque Riikka a téléchargé TikTok l'année dernière, elle a trouvé que la génération Z était plus drôle que les gens de son âge. « J'adore les tendances et les mots qu'ils inventent. À un moment donné, ils faisaient tous un classement des chaises les plus drôles dans les vidéos TikToks, car si vous faites glisser une chaise sur le sol, elle émet un son strident semblable au rire. C'est bizarre, mais c'est drôle. » 

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Ebony, 31 ans, s'identifie à la génération Z parce qu'elle la trouve plus aventureuse sur le plan professionnel. « Je pense définitivement que les jeunes de la Gen Z ont beaucoup plus de courage lorsqu'il s'agit d'essayer de nouvelles choses. Ils réfléchissent davantage à ce qu'ils veulent vraiment faire. Je me reconnais là-dedans, et c’est pour ça que je me sens plus proche d’eux que de ma génération. »

Il est facile de comprendre pourquoi les millennials admirent la Gen Z sur TikTok : il faut beaucoup plus de créativité pour faire des vidéos que pour faire ce pour quoi les millennials sont célèbres : Instagramer des cappucinos. Mais ce dégoût des millennials pour eux-mêmes ne concerne pas seulement la présence en ligne. Après tout, les millennials faisaient déjà semblant de ne pas être des millennials bien avant l'arrivée de la Gen Z. 

Vous vous souvenez de l'époque où les millennials étaient sans cesse taxés de paresseux ? Walden estime qu’il y a eu plus d'articles négatifs sur les millennials que sur toute autre génération. « Nous avons eu la malchance d'entrer sur le marché du travail alors qu'Internet était en pleine adolescence, si bien que les projecteurs étaient braqués sur nous », explique-t-elle. 

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Riikka n'a jamais aimé qu'on la qualifie de millennial et méprise la façon dont cette génération est dépeinte. « Tout le monde nous déteste et nous voit comme des bouffeurs d’avocats égocentriques et paresseux. Quoi qu’on fasse, les gens trouveront toujours quelque chose à redire », dit-elle.

Selon Riikka, ces critiques ne sont pas toujours méritées. « Vers 2017, tout le monde disait : “Oh, les millennials ne veulent pas acheter de maisons, ils ne veulent pas faire ceci ou cela, c'est à cause d’eux que le monde part en couille.” Mais la vérité, c’est que ce marché a été créé pour nous par une autre génération. Une génération qui pouvait acheter une maison pour 25 000 euros. » 

La génération Z a-t-elle réussi à échapper à l'intimidation ? Si oui, comment ? Ebony pense que la génération Z est moins ciblée que les autres générations parce qu'elle semble mieux informée.

« Les millennials étaient considérés comme indisciplinés. Les gens se demandaient quand nous allions grandir. Je ne pense pas que la même chose s'applique à la génération Z, car les gens la considèrent comme plus avisée en matière d'affaires », dit-elle, ajoutant que les gens étaient autrefois enthousiasmés par la génération du millénaire, les premiers « natifs numériques », mais que leurs attentes ont été déçues. « J'ai l'impression qu'il y a une sorte de comparaison entre ce que nous n'avons pas fait et ce que la génération Z réalise maintenant. »

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Rien ne reste cool éternellement, et peut-être que les bébés d'aujourd'hui (la génération Alpha) traiteront bientôt la génération Z de ringarde. Mais c'est difficile à imaginer. La génération Z semble trop forte pour être ridiculisée. Lorsque les baby-boomers ont essayé de le faire, ils ont été réduits au silence par deux mots : OK, boomer. Deux mots tous simples auxquels les millennials n'avaient jamais pensé.

Poppy, qui a 19 ans, pense que sa génération a la peau plus dure que les millennials. « Parfois, je me dis que je devrais peut-être être offensée par telle ou telle insulte, mais je pense aussi que la planète est en feu et que c'est ce qui devrait m'inquiéter », dit-elle. 

Si la Gen Z a la peau plus dure, selon Poppy, c’est parce qu'elle est en ligne depuis toujours. « J'ai ouvert un profil Instagram bien avant l’âge et j'ai appris à gérer le flot de commentaires et de haine. Je pense que la différence entre nos générations est que les millennials n'ont pas grandi avec la même attention en ligne. » 

CJ, 18 ans, a été surprise de savoir que des millennials auraient préféré être de la génération Z. « Je suis désolée qu'ils souffrent, dit-elle. Nous avons grandi avec les millennials en ligne, ils ont été les premiers à utiliser Internet pour parler de questions politiques. Ils ne devraient pas être si durs envers eux-mêmes. »

CJ apprécie également que les millennials ne répètent pas le cercle vicieux qui consiste à se moquer de la génération suivante. « L'ancienne génération s'est définitivement moquée des millennials beaucoup plus que les millennials ne se moquent de la génération Z. »

Il semble donc que ce complexe soit propre aux millennials. Les générations précédentes se sont comportées de manière inexcusable avec nous, mais nous devons aller au-delà. Alors, oui, nous sommes peut-être la génération la moins chanceuse de l'histoire, mais selon au moins une personne à qui j'ai parlé pour cet article, nous sommes plutôt cools à notre manière.

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