Secours Populaire
Photos de Hélène. Le libre-service solidaire de Montcalm.
Life

Avec une bénévole au Secours populaire

On a donné un appareil jetable à Hélène, bénévole au Secours populaire depuis trois mois, pour qu'elle documente son quotidien.

« Le monde est une souffrance déployée » écrit Houellebecq. Certains essayent de la contenir, d’autres voient ne rien foutre comme une possibilité enviable. Hélène fait partie de la première catégorie.

À 36 ans, Hélène combine son boulot de freelance dans le milieu de la musique en Espagne avec un bénévolat au Secours populaire. Depuis trois mois, elle fait l’aller-retour entre Barcelone et Paris pour filer un coup de main à l’association qui lutte depuis 1945 contre la pauvreté et l'exclusion en France.

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Pour ce nouvel article de la série « La Vie des autres », on lui a filé un appareil photo afin qu'elle documente son quotidien. À la réception du boîtier, on a discuté de son action, et plus largement de la nécessité de la charité dans une société postmoderniste, régie par la consommation et le nihilisme.

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Ismaël travaille au Secours populaire de la rue de Montcalm, qui est un libre-service solidaire. À Paris ce sont près de 6500 foyers qui bénéficient d'une aide alimentaire régulière chaque année. Chaque semaine des collectes de denrées alimentaires dans les grandes surfaces ou auprès de partenaires sont organisées afin de récupérer les produits frais proches de la date de péremption et autres invendus.

VICE : Salut Hélène, depuis combien de temps es-tu bénévole au Secours populaire ?
Hélène : J’effectue une mission de bénévolat à plein temps depuis presque trois mois. Je suis en freelance, alors je m’organise comme je peux. La journée je suis à Ramey, dans le centre de l’association, et le soir je bosse sur mon taf. Les journées sont intenses, mais c’est une sacrée expérience. C’est ma première mission au sein du Secours populaire, et j’espère que ce ne sera pas la dernière.

Qu’est-ce qui t’a fait rejoindre l’association ?
Depuis que je suis ado, j’ai toujours fait des missions de bénévolat en fonction du temps et des moyens que j’avais. Depuis près de cinq ans, j’essaie de m’investir davantage.

 « Tout ce qui est humain est nôtre » est le slogan du Secours populaire depuis 1938.

« Tout ce qui est humain est nôtre » est le slogan du Secours populaire depuis 1938.

Quel est ton rôle ?
Je travaille essentiellement à l’organisation d’opérations évènementielles de levée de fonds. Par exemple pour Boards To Be Solidaire, une exposition et vente aux enchères d’œuvres réalisées par des artistes de street art au siège Agnès b. Ou pour le Secours Pop’ Rocks, un concert au Bataclan avec Hocus Pocus.
Je fais aussi tout un tas de petites missions : tournée des Metro (grossiste alimentaire) pour récupérer les invendus, rangement des stocks, accueil des familles et des enfants pour la distribution des cadeaux du Père Noël Vert, mise en place de sorties pour les enfants bénéficiaires du Secours populaire.

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Ça en fait. Les bénévoles se répartissent les tâches, j’imagine.
Oui. Ça dépend de la disponibilité de chacun. Certains viennent en renfort ponctuellement sur des actions précises, d’autres sont présents de manière plus récurrente. Tout comme il n’existe pas de petits dons, il n’existe pas de petites actions. Chaque don et chaque action sont importants.

On voit beaucoup de collègues sur tes photos, et de tous âges. C'est plutôt rassurant de voir des gens donner de leur temps pour aider les autres.
Oui, ça donne de l’espoir. Tu te dis que tout n’est pas perdu, qu’il y a encore de la bienveillance malgré tout. Certains bénéficiaires deviennent bénévoles aussi parfois.

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Sur les clichés, on voit des salles de jeux, des pères noël, mais aussi de la nourriture et des conseillers. Quels sont les gens qui viennent vous demander de l’aide ?
Nous accueillons des familles ou des personnes isolées en situation de grande précarité. Le Secours populaire les accueille, les oriente, les conseille et répond souvent à des situations d’urgences.

Quand je me suis rendu au centre d’accueil à Ramey dans le 18 e, c’était la cohue. Vous devez être débordés.
En France, il y a presque 10 millions de personnes qui vivent dans la pauvreté, voire l’extrême pauvreté. À Paris, le chiffre est de 340 000 personnes. Faut rajouter à ça le nombre de sans-abris qui augmente chaque année et les enfants qui dorment dans les rues. Ce sont des chiffres vertigineux, insensés et inacceptables. Les inégalités, la précarité, la pauvreté, l’isolement, tout augmente. Avec les politiques néo-libérales d’après la crise de 2008 et les coupes budgétaires tout ça s’aggrave encore plus. Exemple récent, l’encadrement du plafond des mécénats et la baisse de la réduction fiscale des dons faits par les entreprises. Ce genre de mesures fragilisent les associations solidaires, et par conséquent les plus démunis. Au niveau européen, c’est le FEAD (Fond Européen d’Aide aux plus Démunis) qui est menacé par le nouveau budget européen. Au Secours populaire de Paris, grâce au FEAD, nous recevons des produits alimentaires de base qui sont ensuite distribués aux familles via le libre-service solidaire de Montcalm. Donc oui, pour répondre à ta question, on peut dire que le Secours populaire est débordé du fait que le nombre des laissés pour compte progresse et les aides s’amenuisent. Mais grâce aux 80 000 bénévoles, on essaye d’aider un maximum de gens.

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Les stands du Père Noël Vert à Ramey où les familles bénéficiaires du Secours populaire viennent chercher les cadeaux qu’ils offriront à leurs enfants à Noël. Les jouets, livres etc sont divisés entre plusieurs catégories selon les âges. Cette année, nous avons eu beaucoup de dons de jouets pour les tout petits et très peu pour les grands 12-15ans

Certains buvaient un café ou rechargeaient leur téléphone portable, d'autres demandaient des conseils pour l'envoi de formulaires…
L’accueil et l’écoute permettent de recréer du lien social. Ramey se veut convivial pour que les gens soient à l’aise, même si parfois les situations sont tendues et compliquées. En tant que bénévole, il faut vraiment être fort mentalement, car on voit souvent des situations de misère sociale extrême.

Tu penses que la charité a disparu aujourd’hui ?
J’espère que non ! Le problème c’est que les gens deviennent de plus en plus indifférents à la misère humaine. Mais au lieu de claquer je ne sais combien d’euros en soirée ou acheter une énième fringue, on peut aussi faire autre chose… Je ne dis pas qu’il faut vivre en mode ascète ou s’auto-flageller, mais je pense que donner un peu aux autres c’est possible et facile. Acheter un produit alimentaire ou d’hygiène de temps en temps pour le donner à une association, ça ne me semble pas très compliqué. Aider les gens, c’est à la portée de tous.

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Gaël s’occupe du service courrier du Secours populaire. Suite à un accident de vie, Gaël a été aidé par le Secours populaire, suite à quoi il a décidé de s’y investir pour à son tour aider les autres. Gaël est auteur et acteur de la solidarité.

Un peu de solidarité, en somme.
Comme je le disais, il n’y a pas de petites actions. Donner un peu de son temps, même une heure, c’est génial ! Je suis d’une nature assez pessimiste, et je ne crois plus aux grands changements, mais je pense que chacun, à son échelle locale et avec ses moyens, peut faire un petit geste solidaire. On peut prendre contact avec l’antenne du Secours populaire de sa ville ou de son quartier, et demander ce dont ils ont besoin et voir en quoi on peut les aider, ça peut aussi se faire via leur site. En donnant un peu de son temps, on crée du bonheur pour ceux qui en ont besoin, et accessoirement pour soi-même. Ça peut paraitre con et naïf, mais c’est vrai.

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Merci Hélène.

La suite des photos ci-dessous :

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Retrouvez Felix sur son site et notre rubrique La Vie des autres.

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