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Je me suis rendue dans le plus grand musée hassidim de taxidermie au monde

Le rabbin Shaul Shimon Deutsch a revisité l’Arche de Noé dans sa propre demeure.

Photos : Sara Maria Salamone

La première chose que j'ai remarquée quand je suis allée au Torah Animal World, c'est l'énorme tête d'élan accrochée au-devant du bâtiment. C'est une chose étrange parmi tant d'autres dans ce « centre de taxidermie spirituelle » situé dans le quartier juif orthodoxe de Borough Park, à Brooklyn.

Cette version zombifiée de l'arche de Noé a été construite par le rabbin Shaul Shimon Deutsch. Elle se trouve dans son immense demeure qui s'étale sur trois immeubles différents. C'est un musée d'histoire naturelle sur 11 étages qui contient plus de 350 poissons, mammifères, oiseaux et reptiles empaillés.

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Le Torah Animal World est probablement le seul musée taxidermiste américain dont les gérants sont des Juifs hassidiques. C'est une vraie ménagerie peuplée d'animaux empaillés qu'on retrouve dans la Bible, comme les béliers ou les chèvres.

Mais bizarrement, il y a aussi de nombreux animaux qui ne sont pas dans la Bible, comme cette mère kangourou avec son bébé à la fenêtre du bâtiment.

Comme me l'a expliqué Deutsch, « le kangourou, comme d'autres animaux, n'est pas mentionné dans la Torah, mais c'est fascinant pour les enfants de le voir avec son bébé dans la poche… On continuera à exposer ces animaux s'ils présentent un intérêt pédagogique. »

Le lieu, initialement utilisé en 2003 pour conserver des anciens objets religieux, a été transformé en 2008 pour devenir le Torah Animal World de Brooklyn, dédié à la taxidermie pédagogique, qui existe aussi dans les montagnes Catskills au nord de New York et à Lakewood dans le New Jersey.

Dans le but de représenter les histoires de la Torah grâce à un diorama grandeur nature, le musée a une vision bien particulière du monde. Les loutres traînent avec des girafes, les renards se baladent au milieu des magnétoscopes, et il est possible de toucher une Torah en peau de daim vieille de 3 500 ans originaire d'Alep, en Syrie.

Le lieu dédié aux objets anciens – que l'on appelle aussi le Living Torah Museum – contient certains des « trésors les plus rares de l'Histoire ». On y trouve une ancienne boîte à maquillage qui aurait été utilisée par une reine de l'ancienne Égypte, des poignards du VIème siècle, des toupies grecques de 2 300 ans, le « trident de gladiateur le mieux préservé au monde » et des œufs d'autruche anciens que vous pouvez essayer d'écraser pour tester leur résistance.

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Le rabbin Deutsch pense que le fait de toucher des objets anciens est le meilleur moyen d'étudier l'Histoire. Comme il l'a annoncé fréquemment lors de sa « visite pour ceux qui ne parlent pas le yiddish » : « Je crois que si vous touchez l'Histoire, l'Histoire vous touchera ».

Les animaux ne sont pas tués ou empaillés sur les lieux. La plupart des éléments exposés au Torah Animal World viennent de donateurs privés du monde entier. Quand le propriétaire d'une grande collection taxidermiste meurt, ses enfants – lesquels ne parviennent pas à voir en quoi une statue d'un ours attaquant une biche pourrait leur être utile – finissent souvent par la revendre à des collectionneurs ou des institutions.

Pour des pièces comme la tête d'éléphant d'Afrique exposée au sous-sol – que le rabbin Deutsch appelle le « théâtre panoramique 5D » –, le prix peut monter jusqu'à 40 000 dollars.

Même si le rabbin n'approuve pas forcément la chasse en tant que loisir, il en est l'heureux bénéficiaire. « Nous ne soutenons pas particulièrement la mise à mort d'animaux, mais je pense que nous devrions utiliser les peaux pour en faire quelque chose d'instructif. Tous les écoliers et les adultes qui connaissent les références aux animaux dans la Bible peuvent voir à quoi ils ressemblent en vrai, et à quel point certains sont sauvages. Par exemple, un éléphant, c'est très poilu. On ne peut pas apprendre ça dans un endroit comme le Bronx Zoo ».

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Croyez-le ou non, je n'ai jamais eu l'impression de voir l'Histoire prendre vie jusqu'à cet après-midi passé dans un sous-sol rempli de juifs hassidiques caressant une énorme tête d'éléphant.

Le Torah Animal World compte 35 000 visiteurs par an. Même s'il attire des touristes de toute religion, la plupart d'entre eux sont Amish ou chrétiens. D'après le rabbin Deutsch, National Geographic prépare un programme sur son musée.

Même si le nombre de visiteurs du musée est particulièrement étonnant, il menace tout de même de fermer. Le rabbin Deutsch a récemment été forcé de mettre en vente le bâtiment. À moins qu'il collecte le million de dollars nécessaire pour garder le musée ouvert, il devra probablement déplacer sa collection démente dans les autres musées du Torah Animal World.

En bref, si vous passez par New York, que vous avez une carte de métro et du temps libre, je vous recommande chaudement de passer un jour dans cet univers alternatif bizarroïde avant qu'il ferme et que les animaux soient tous balancés aux ordures.

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