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Green Room, jubilatoire jeu de massacre entre punks et skinheads néo-nazis qui s’est assez facilement imposé comme le film le plus enthousiasmant de ce début d’année
Blue Ruin
’embraie sur le T-shirt Sheer Terror
« Je suis content qu’il m’aille encore. Durant ma période hardcore, dans les années 80 et 90 j’étais beaucoup plus athlétique, je faisais énormément de sport. J’étais le genre de mec que tu trouvais dans le pit ou au premier rang des concerts, torse nu, crâne rasé. Après,
il faut reconnaître qu’il n’est pas trè
s raccord avec le reste de ma tenue. J’ai tenté un mélange de passé et de présent assez hasardeux [
Rires
]. »
Il peut bien se le permettre : ce mélange, il l’a déjà impérialement réussi sur Green Room, qui renoue avec l’esprit des meilleurs films de genre des années 80 sans jamais se vautrer dans l’ironie, la nostalgie et l’hommage complaisant – pour les contre-exemples, voir la quasi-intégralité des sorties de ces 16 derniers mois. Son deuxième café avalé d’une traite, Saulnier me fait signe qu’il est prêt et me fixe avec un sourire somnolent derrière lequel je finis enfin par reconnaître celui avec qui je suis venu discuter : un mélange de paresse, de ruse et d’un truc glissant, impalpable, qu’on pourrait à peu près traduire par : Noisey : Visiblement, tout le monde a décidé de comparer Green Room à Assaut ou à La Nuit des Morts Vivants. Pour le coup, j’ai pensé à des films totalement différents en le voyant. Le premier qui m’est venu en tête, par exemple, c’est Hitcher de Robert Harmon. Jeremy Saulnier : J’ai pensé à Hitcher pour deux raisons : il y a bien sûr cet espèce de jeu du chat et de la souris très violent qui est au coeur de l’intrigue, mais aussi et surtout le soin qui est apporté aux personnages. Dans Hitcher, le spectateur a autant d’empathie et d’affection pour le personnage de Jim Halsey, le héros, que pour celui de John Ryder, l’agresseur. C’est d’ailleurs ce qui rend crédible le lien assez étrange qui s’établit entre eux tout au long du film. C’est un truc qu’on retrouve dans Green Room : tu t’intéresses autant aux punks qu’aux skinheads, tu les montres comme des êtres humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, et ça les rend tous intéressants et attachants. Ça pourrait être des potes, des gens que tu fréquentes au quotidien, ils n’ont rien d’exceptionnel. Rires D’autant plus que tout ce qui arrive aux personnages de Green Room est particulièrement crédible. Tout semble se passer de manière complètement instinctive et naturelle, comme si les acteurs étaient en train d’improviser. Hitcher Green Room Hitcher Green Room Imogen Poots, Joe Cole, Callum Turner, Alia Shawkat et Anton Yelchin dans Un autre film auquel j’ai immédiatement pensé en regardant Green Room, c’est River’s Edge de Tim Hunter. Déjà parce que c’est un des rares films que je connaisse qui, comme le tien, se situe dans une zone indéterminée, à mi-chemin entre le teen movie et le film d’horreur. Ensuite, parce que les personnages sont assez similaires : une bande de jeunes, qui se définissent par la musique qu’ils écoutent, qui se retrouvent dans une situation difficile et qui, comme dans la vraie vie, ont des réactions qui vont parfois à l’encontre du bon sens. Enfin, à cause de l’ambiance générale et des décors, qui sont très proches également. Green Room River’s Edge River’s Edge C’est ce qui fait qu’il vieillit aussi bien. J’ai 39 ans et j’aime toujours autant ce film, même si c’est pour des raisons différentes que lorsque je l’ai découvert à l’âge de 16 ans. River’s Edge Beaucoup de gens trouvent qu’il en fait des caisses dans le rôle de Layne, mais pour avoir grandi dans le même genre de ville rurale que celle qu’on voit dans River’s Edge, avec le même genre de potes et à la même époque, je peux certifier qu’il existait des tas de mecs comme celui que joue Crispin Glover. Il n’y a rien d’excessif dans son personnage. Green Room Rires Jeremy Saulnier sur le tournage de Un truc que j’ai adoré dans Green Room, c’est la salle de concert, qui occupe un peu la même place au final que les marécages de Southern Comfort ou les gorges de Tallulah dans Deliverance. Déjà, elle est extrêmement crédible – je l’ai trouvée vraiment identique à des clubs paumés dans lesquels j’ai eu la malheur de me rendre en Allemagne dans les années 90. Et la façon dont tu dévoiles la géographie du lieu est assez intéressante : on s’y repère en même temps que les personnages, au rythme des confrontations. road house La grosse crainte que j’avais à propos de Green Room c’était que le groupe punk, The Ain’t Rights, ne tienne pas la route. Je veux dire, les groupes fictifs au cinéma ça ne marche jamais. Mais là, pour le coup, ça fonctionne vraiment à 200 %. Comment as-tu réussi un tel tour de force ? [Rires] Oui, carrément. Rires Mark Webber dans Tu étais dans la scène punk et hardcore quand tu étais plus jeune. C’est quelque chose qui t’intéresse toujours aujourd’hui ? Green Room Green Room On le comprend dès le début quand ils racontent pendant l’interview qu’ils ne sont pas sur les réseaux sociaux, ou lors du premier concert quand le chanteur demande à un mec qui est en train de les filmer d’éteindre son téléphone. Rires En tout cas c’est réussi. La scène du concert dans le resto mexicain, j’ai l’impression de l’avoir vécue des dizaines de fois. Un lieu totalement incongru, 3 personnes dans le public, l’organisateur qui essaie de faire comme si tout était ok [Rires]. Rires Anton Yelchin et Imogen Poots dans Je disais tout à l’heure qu’on sent que tu as beaucoup d’affection et d’intérêt pour tes personnages. Tu leurs fais aussi passer de très sales moments. C’était déjà le cas dans Blue Ruin, ton film précédent, mais là c’est plus évident encore. C’est pour ça que je vois un peu de Friedkin chez toi. Pas de manière évidente, juste par très petites touches. Tes acteurs n’en bavent pas autant que ceux de L’Exorciste ou de Sorcerer, mais quand même. Rires Sorcerer Assaut Green Room Green Room Tu dis avoir voulu faire un pur film de genre, un pur film d’exploitation à l’ancienne. C’est justement ça qui m’a le plus enthousiasmé dans Green Room. Il n’y a pas de scénario roublard et super malin plein de rebondissements et de twists foireux, pas d’ironie, pas de références appuyées, pas de discours psychologique, pas de symbolique lourdingue. Tu as fait ce que plus personne n’est capable de faire en 2016 : un film direct, brutal, qui va droit au but, fait sérieusement, au premier degré. Green Room, à deux-trois détails techniques près, c’est un film qu’on aurait pu louer dans un vidéo-club en 1987. Complètement. River’s Edge Green Room Green Room Scream Patrick Stewart et Macon Blair dans Justement, est-ce que cette approche a fait de Green Room un film difficile à vendre aux producteurs et aux distributeurs ? Il s’est passé presque un an entre la présentation du film dans les festivals et sa sortie officielle. Blue Ruin , , , , , , pour ne citer que les plus connus Il y a un dernier film auquel j’ai pensé à la toute fin de Green Room, c’est The Wild One (L’Équipée Sauvage en VF) avec Marlon Brando. Il y a dans ce film une réplique qu’on peut considérer comme la base même du punk, où une fille demande à Marlon Brando : « Mais contre quoi est-ce que tu te rebelles, Johnny ? » Et il lui répond : « Je sais pas, t’as quoi à me proposer ? » J’ai trouvé que la dernière réplique de Green Room était au moins aussi bonne, sinon meilleure. Sans rien dévoiler, le timing de la dernière scène est parfait. Tu as cette discussion qui ressurgit de nulle part, cette réplique finale et tu enchaînes cut sur le générique de fin avec « Sinister Purpose » de Creedence Clearwater Revival. Tu ne peux pas finir un film de meilleure manière que ça. [Rires] En même temps, ce qui fait tout le charme et la force des films de genre des années 70 ou 80, c’est justement qu’ils ne sont pas parfaits. Il y a des dérapages, des erreurs. Il y en a aussi dans Green Room et c’est ça qui le rend génial. sera sur les écrans demain mercredi 27 avril, vous n’avez absolument aucune excuse pour ne pas y aller, mais si vraiment la fin du mois est difficile, on a des places à vous faire gagner.
La bande originale du film est disponible chez Milan. Outre le score composé par Brooke et Will Blair, on y trouve tous les morceaux des Ain’t Rights ainsi que des titres de Midnight, Battletorn, Patsy’s Rats et des cultissimes Corpus Rottus.
Lelo Jimmy Batista est le rédacteur en chef de Noisey France. Il a déjà vu deux fois et grâce au temps qu’il a gagné en supprimant son compte Twitter, il compte bien aller le voir une troisième fois.
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Il peut bien se le permettre : ce mélange, il l’a déjà impérialement réussi sur Green Room, qui renoue avec l’esprit des meilleurs films de genre des années 80 sans jamais se vautrer dans l’ironie, la nostalgie et l’hommage complaisant – pour les contre-exemples, voir la quasi-intégralité des sorties de ces 16 derniers mois. Son deuxième café avalé d’une traite, Saulnier me fait signe qu’il est prêt et me fixe avec un sourire somnolent derrière lequel je finis enfin par reconnaître celui avec qui je suis venu discuter : un mélange de paresse, de ruse et d’un truc glissant, impalpable, qu’on pourrait à peu près traduire par : Noisey : Visiblement, tout le monde a décidé de comparer Green Room à Assaut ou à La Nuit des Morts Vivants. Pour le coup, j’ai pensé à des films totalement différents en le voyant. Le premier qui m’est venu en tête, par exemple, c’est Hitcher de Robert Harmon. Jeremy Saulnier : J’ai pensé à Hitcher pour deux raisons : il y a bien sûr cet espèce de jeu du chat et de la souris très violent qui est au coeur de l’intrigue, mais aussi et surtout le soin qui est apporté aux personnages. Dans Hitcher, le spectateur a autant d’empathie et d’affection pour le personnage de Jim Halsey, le héros, que pour celui de John Ryder, l’agresseur. C’est d’ailleurs ce qui rend crédible le lien assez étrange qui s’établit entre eux tout au long du film. C’est un truc qu’on retrouve dans Green Room : tu t’intéresses autant aux punks qu’aux skinheads, tu les montres comme des êtres humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, et ça les rend tous intéressants et attachants. Ça pourrait être des potes, des gens que tu fréquentes au quotidien, ils n’ont rien d’exceptionnel. Rires D’autant plus que tout ce qui arrive aux personnages de Green Room est particulièrement crédible. Tout semble se passer de manière complètement instinctive et naturelle, comme si les acteurs étaient en train d’improviser. Hitcher Green Room Hitcher Green Room Imogen Poots, Joe Cole, Callum Turner, Alia Shawkat et Anton Yelchin dans Un autre film auquel j’ai immédiatement pensé en regardant Green Room, c’est River’s Edge de Tim Hunter. Déjà parce que c’est un des rares films que je connaisse qui, comme le tien, se situe dans une zone indéterminée, à mi-chemin entre le teen movie et le film d’horreur. Ensuite, parce que les personnages sont assez similaires : une bande de jeunes, qui se définissent par la musique qu’ils écoutent, qui se retrouvent dans une situation difficile et qui, comme dans la vraie vie, ont des réactions qui vont parfois à l’encontre du bon sens. Enfin, à cause de l’ambiance générale et des décors, qui sont très proches également. Green Room River’s Edge River’s Edge C’est ce qui fait qu’il vieillit aussi bien. J’ai 39 ans et j’aime toujours autant ce film, même si c’est pour des raisons différentes que lorsque je l’ai découvert à l’âge de 16 ans. River’s Edge Beaucoup de gens trouvent qu’il en fait des caisses dans le rôle de Layne, mais pour avoir grandi dans le même genre de ville rurale que celle qu’on voit dans River’s Edge, avec le même genre de potes et à la même époque, je peux certifier qu’il existait des tas de mecs comme celui que joue Crispin Glover. Il n’y a rien d’excessif dans son personnage. Green Room Rires Jeremy Saulnier sur le tournage de Un truc que j’ai adoré dans Green Room, c’est la salle de concert, qui occupe un peu la même place au final que les marécages de Southern Comfort ou les gorges de Tallulah dans Deliverance. Déjà, elle est extrêmement crédible – je l’ai trouvée vraiment identique à des clubs paumés dans lesquels j’ai eu la malheur de me rendre en Allemagne dans les années 90. Et la façon dont tu dévoiles la géographie du lieu est assez intéressante : on s’y repère en même temps que les personnages, au rythme des confrontations. road house La grosse crainte que j’avais à propos de Green Room c’était que le groupe punk, The Ain’t Rights, ne tienne pas la route. Je veux dire, les groupes fictifs au cinéma ça ne marche jamais. Mais là, pour le coup, ça fonctionne vraiment à 200 %. Comment as-tu réussi un tel tour de force ? [Rires] Oui, carrément. Rires Mark Webber dans Tu étais dans la scène punk et hardcore quand tu étais plus jeune. C’est quelque chose qui t’intéresse toujours aujourd’hui ? Green Room Green Room On le comprend dès le début quand ils racontent pendant l’interview qu’ils ne sont pas sur les réseaux sociaux, ou lors du premier concert quand le chanteur demande à un mec qui est en train de les filmer d’éteindre son téléphone. Rires En tout cas c’est réussi. La scène du concert dans le resto mexicain, j’ai l’impression de l’avoir vécue des dizaines de fois. Un lieu totalement incongru, 3 personnes dans le public, l’organisateur qui essaie de faire comme si tout était ok [Rires]. Rires Anton Yelchin et Imogen Poots dans Je disais tout à l’heure qu’on sent que tu as beaucoup d’affection et d’intérêt pour tes personnages. Tu leurs fais aussi passer de très sales moments. C’était déjà le cas dans Blue Ruin, ton film précédent, mais là c’est plus évident encore. C’est pour ça que je vois un peu de Friedkin chez toi. Pas de manière évidente, juste par très petites touches. Tes acteurs n’en bavent pas autant que ceux de L’Exorciste ou de Sorcerer, mais quand même. Rires Sorcerer Assaut Green Room Green Room Tu dis avoir voulu faire un pur film de genre, un pur film d’exploitation à l’ancienne. C’est justement ça qui m’a le plus enthousiasmé dans Green Room. Il n’y a pas de scénario roublard et super malin plein de rebondissements et de twists foireux, pas d’ironie, pas de références appuyées, pas de discours psychologique, pas de symbolique lourdingue. Tu as fait ce que plus personne n’est capable de faire en 2016 : un film direct, brutal, qui va droit au but, fait sérieusement, au premier degré. Green Room, à deux-trois détails techniques près, c’est un film qu’on aurait pu louer dans un vidéo-club en 1987. Complètement. River’s Edge Green Room Green Room Scream Patrick Stewart et Macon Blair dans Justement, est-ce que cette approche a fait de Green Room un film difficile à vendre aux producteurs et aux distributeurs ? Il s’est passé presque un an entre la présentation du film dans les festivals et sa sortie officielle. Blue Ruin , , , , , , pour ne citer que les plus connus Il y a un dernier film auquel j’ai pensé à la toute fin de Green Room, c’est The Wild One (L’Équipée Sauvage en VF) avec Marlon Brando. Il y a dans ce film une réplique qu’on peut considérer comme la base même du punk, où une fille demande à Marlon Brando : « Mais contre quoi est-ce que tu te rebelles, Johnny ? » Et il lui répond : « Je sais pas, t’as quoi à me proposer ? » J’ai trouvé que la dernière réplique de Green Room était au moins aussi bonne, sinon meilleure. Sans rien dévoiler, le timing de la dernière scène est parfait. Tu as cette discussion qui ressurgit de nulle part, cette réplique finale et tu enchaînes cut sur le générique de fin avec « Sinister Purpose » de Creedence Clearwater Revival. Tu ne peux pas finir un film de meilleure manière que ça. [Rires] En même temps, ce qui fait tout le charme et la force des films de genre des années 70 ou 80, c’est justement qu’ils ne sont pas parfaits. Il y a des dérapages, des erreurs. Il y en a aussi dans Green Room et c’est ça qui le rend génial. sera sur les écrans demain mercredi 27 avril, vous n’avez absolument aucune excuse pour ne pas y aller, mais si vraiment la fin du mois est difficile, on a des places à vous faire gagner.
La bande originale du film est disponible chez Milan. Outre le score composé par Brooke et Will Blair, on y trouve tous les morceaux des Ain’t Rights ainsi que des titres de Midnight, Battletorn, Patsy’s Rats et des cultissimes Corpus Rottus.
Lelo Jimmy Batista est le rédacteur en chef de Noisey France. Il a déjà vu deux fois et grâce au temps qu’il a gagné en supprimant son compte Twitter, il compte bien aller le voir une troisième fois.