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L'incroyable victoire du Danemark à l'Euro 92, racontée par son capitaine

Aujourd'hui sélectionneur des Iles Féroé, Lars Olsen se remémore l'épopée victorieuse de son équipe qui entre les matches buvait de la bière et ne se refusait pas un petit fast-food.

Tous les jeudis, VICE Sports revient sur un événement dans l'Histoire du sport qui s'est déroulé à la même période de l'année. C'est Throwback Thursday, ou #TT pour vous les jeunes qui nous lisez.

Autre décennie, autre siècle, autre millénaire. Le 30 mai 1992, l'UEFA exclut de l'Euro de ladite année la Yougoslavie, dont l'armada, composée de Sinisa Mihajlovic, Davor Suker, Dejan Savicevic et consort, lui conférait un légitime statut de favori de l'épreuve. La raison ? Géopolitique. Chute du mur de Berlin, éclatement de l'URSS (qui participera au tournoi sous la dénomination "Communauté des Etats Indépendants") et émergence du nationalisme engendrent une série de guerres sans commune mesure, les plus meurtrières depuis la Seconde guerre mondiale.

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Milosevic qui bombe le torse, Sarajevo sous les bombes, les dauphins de la Yougoslavie, les Danois, apprennent leur participation à l'événement continental dix jours avant le mach d'ouverture. Préparation tronquée, la plupart des joueurs en short et tongs sirotant des margaritas, un conflit entre Michael Laudrup et le sélectionneur, groupe de la mort avec le pays organisateur : la France de Papin et Cantona et l'Angleterre de Shearer et Lineker… Rien ne présageait un tel parcours des Vikings, auteurs de la plus grosse surprise de l'histoire du football international, avec la Grèce de 2004.

Une légende urbaine veut que fornications et houblon étaient légion chez les futurs champions lors de la compétition. Qu'en est-il vraiment ? Le capitaine des dynamites danoises, Lars Olsen, tente de rationaliser pour VICE Sports France les coulisses de l'inénarrable exploit.

Lars Olsen est aujourd'hui sélectionneur des Iles Féroé. En 1992, il portait le numéro 4 de la sélection danoise. Photos Reuters.

VICE Sports : Commençons par le début. Quand avez-vous su que vous alliez participer à l'Euro 1992 ?
Lars Olsen : Personnellement, je jouais en Turquie à ce moment-là, à Trabzonspor. La saison terminée, j'ai pris la route pour rentrer chez moi. Une fois en Allemagne, dans le ferry pour le Danemark, on a pu capter la radio danoise et entendre que la Yougoslavie avait été disqualifiée. Nous prenions donc leur place. Ça devait être à dix jours du début du tournoi tout au plus (l'annonce officielle a été faite le 30 mai 1992, ndlr).

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Sacrée surprise…
Totalement ! Je pensais rentrer au Danemark pour profiter tranquillement de mes vacances avec ma famille. Difficile de s'en plaindre après coup, tant les 14 jours qu'on a passés ensuite étaient incroyables.

Guerre de Yougoslavie, conflit entre Michael Laudrup et Richard Møller Nielsen, participation annoncée au dernier moment. Dans quel état d'esprit étiez-vous ?
Le contexte était forcément particulier, mais, contrairement à ce qui a pu être dit, nous étions prêts physiquement, puisqu'on devait rencontrer à domicile la CEI qui se préparait pour l'Euro 1992. Ce qui ne devait qu'être qu'une préparation pour un match amical contre les Soviétiques se transforma soudainement en préparation pour le championnat d'Europe. Forcément, la manière d'aborder la rencontre était totalement différente.

Beaucoup de choses ont été racontées concernant votre camp d'entraînement en Suède, notamment que vous pouviez boire quelques bières de temps à autres, est-ce vrai ?
Complètement, il faut avouer que c'était une sorte de tradition danoise à l'époque. Évidemment, nous ne consommions pas d'alcool avant les matches. Par contre, une fois les crampons rangés, nous pouvions déguster une bière, ou deux, ou trois. Rien de plus normal pour nous. À l'heure actuelle, c'est inenvisageable, la discipline ayant pris une toute autre mesure dans le football, y compris au Danemark.

Cette discipline est-elle à l'origine d'un certain manque de fraîcheur et de spontanéité aujourd'hui ?
C'est fort probable oui.

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Et vos femmes ou petites amies dans tout ça ?
Nos compagnes n'étaient pas autorisées à nous rejoindre lors de la phase de groupes, seulement à partir de la demi-finale face aux Pays-Bas. Elles étaient présentes au stade pour assister au match. Elles avaient l'autorisation de passer la nuit avec nous à l'hôtel, puis repartaient au Danemark, avant de revenir pour la finale. Très franchement, je ne pense pas que ce fut déterminant dans notre réussite, même si c'était apprécié par le groupe.

C'est de là que vient le surnom de "Crazy Danes" selon vous ?
Sûrement oui, parce que nous faisions les choses différemment. Lorsque nous étions sur le terrain, nous étions concentrés et sérieux, mais en dehors, on pouvait s'amuser et on s'est amusé ! Nous avions l'habitude de sortir après les rencontres pour boire quelques coups ou aller au McDo, chose impensable pour l'Allemagne par exemple.

Petit, Cantona, Papin.. Vous avez mis fin à leur invincibilité. Avez-vous pris conscience de vos capacités ce jour-là ?
Tout à fait. Il me semble qu'à ce moment précis la France était invaincue depuis deux ans environ (3 ans et 14 matches en compétition officielle, ndlr), ce qui leur valait le statut de grands favoris. Je pense sincèrement que nous méritions de battre les Bleus. Ils nous avaient sans doute pris de haut et s'attendaient à un match plutôt facile. La chance était de notre côté puisque cette victoire 2-1, la seule pendant les poules pour nous, a été couplée à la victoire de la Suède contre l'Angleterre sur le même score, une condition nécessaire à notre qualification. Tout allait dans notre sens.

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Place aux Pays-Bas et ses Rijkaard, Van Basten, Bergkamp, Gullit and co. Pas mal comme casting !
Et comment ! Surtout que les Pays-Bas étaient les champions d'Europe en titre. Quand on sait qu'on a affronté l'Allemagne, championne du monde en titre, ensuite, on n'a pas été épargné ! Que ce soit la France, l'Allemagne ou les Pays-Bas, on a vraiment affronté les meilleures nations, sauf une, la Yougoslavie, impressionnante durant les qualifications. C'était particulièrement gratifiant de sortir vainqueur de l'Euro après un tel parcours.

De votre côté, vous aviez un certain Peter Schmeichel…
Heureusement qu'il était là en demi-finale et en finale ! Selon moi, entre 1990 et 1994, Peter était tout simplement le meilleur gardien du monde. Il était incroyable, que ce soit contre les Pays-Bas, notamment lors de la séance de tirs au but, ou en finale face à l'Allemagne. Si nous méritions de nous qualifier contre les Bataves, la Mannschaft nous était supérieure en finale. Sans Peter et ses parades, nous ne serions pas repartis avec le trophée.

La leucémie dont était atteinte la fille de Kim Vilfort et la grave blessure d'Henrik Andersen étaient-elles des sources supplémentaires de motivation ?
Oui. Simplement trois jours séparaient notre demi-finale de la finale. Durant les deux jours de repos, Andersen a été renvoyé au Danemark pour soigner sa blessure, et plusieurs défenseurs étaient mal en point. On savait qu'on allait jouer le match le plus important de notre carrière. C'était tout sauf simple à gérer. Vous avez raison, ces événements ont sûrement développé notre cohésion.

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Que retenez-vous de la finale contre l'Allemagne ?
Je me rappelle de quasiment chaque instant, de la pression constante des Allemands en début de match jusqu'à la cérémonie. Mais ce qui m'a le plus marqué, c'est le but de Kim Vilfort, à environ un quart d'heure du coup de sifflet final (à la 78ème minute, ndlr). C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que nous avions gagné et que la victoire ne pouvait plus nous échapper. Un sentiment indescriptible.

Comment avez-vous fêté ce titre ?
Après les obligations professionnelles avec les journalistes et la célébration avec les très nombreux supporters du Danemark présents dans le stade, nous sommes rentrés à l'hôtel, dans lequel on a fait la fête jusqu'au petit matin avec nos femmes revenues pour l'occasion. Autant vous dire qu'on ne s'est pas contenté de trois bières cette fois.

24 ans plus tard, avez-vous conscience de la dimension de l'exploit ?
C'est une histoire fantastique. Les joueurs, le staff et la nation toute entière en sont extrêmement fiers. On a en quelque sorte marqué l'histoire du football, l'un des seuls sports collectifs qui peut offrir ce genre de scénario. On s'est toujours dit que ça n'arriverait plus jamais et puis on a assisté à la victoire toute aussi improbable de la Grèce en 2004 face au Portugal. Comme quoi…

Un film a même été réalisé vous concernant ! Vous l'avez vu ?
Oui oui. C'est tout récent. Je l'ai regardé et je dois admettre que c'était assez amusant. Il y a évidemment un écart entre la réalité et la fiction, légitime puisqu'il faut attirer et divertir le spectateur. Ce n'est pas le film de l'année, mais l'histoire reste plutôt sympa et fidèle. C'est toujours agréable de se remémorer ces bons souvenirs.

Vous voici aujourd'hui à la tête des Iles Féroé, un autre genre de challenge !
Un immense défi même ! Si le Danemark est un petit pays, les Iles Féroé le sont d'autant plus, avec leurs 40 000 habitants. Nous ne cessons de progresser et les résultats commencent à s'en ressentir. Je suis convaincu qu'on peut gêner plusieurs équipes lors des qualifications pour la Coupe du Monde. On doit rester humble et conscient qu'on affronte des nations censées nous être supérieures. La chance aura aussi une part à jouer, mais depuis que nous avons battu la Grèce à deux reprises, pourquoi ne pas en faire autant face à la Suisse, la Hongrie ou le Portugal ? Why not, why not..

L'Euro 2016 approche à grands pas. Un pronostic ?
La France gagnera ! Étant donné qu'ils jouent à domicile, je les considère comme les favoris, tout comme l'Allemagne, qui répond presque toujours, voire toujours, présent dans les grandes compétitions. Ils ont cette faculté à élever leur niveau de jeu dans ces moments-là et deviennent très difficiles à manœuvrer.