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Quand le hockeyeur Clint Malarchuk a été victime de l'accident le plus horrible de l'histoire du sport

L'artère carotide externe tranchée, le gardien des Buffalo Sabres est passé près de la mort en plein match, il y a 27 ans cette semaine.
Foto: ESPN

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Difficile de trouver moment plus glaçant que lorsqu'un drame survient en pleine compétition sportive. Comme spectateur, le sport est un moment de déconnexion, d'absorption totale. Alors quand la froide réalité apparaît sur le circuit, comme ce fut le cas avec l'accident mortel d'Ayrton Senna à Imola en 1994, ou sur le gazon, avec la mort subite de Marc-Vivien Foé pendant la Coupe des confédérations 2003, le spectateur fait une sorte de chute mentale de dix étages.

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Le 22 mars 1989, c'est l'horreur gore, sanguinolente, qui s'invite sur la patinoire de Buffalo. Les Sabres reçoivent les St Louis Blues. Clint Malarchuk, 27 ans, est le gardien de Buffalo. Un stakhanoviste anxieux, qui court une trentaine de kilomètres plusieurs fois par semaine, seul moyen qu'il a trouvé pour se calmer. On joue depuis cinq minutes quand les Blues attaquent. Steve Tuttle charge, près du but de Malarchuk, dans l'espoir de recevoir une passe. Il heurte le gardien et le défenseur Uwe Krupp. Son patin se lève vers la gorge du goal et tranche son artère carotide externe. Clint Malarchuk se met à genoux, le sang gicle, une flaque commence à se former sur la glace.

27 ans après, la vidéo remplit encore d'effroi. Les cris des spectateurs, le dégoût des commentateurs, et cette publicité Buick improbable qui retentit alors que le drame vient de s'insinuer dans l'innocence d'un match de hockey. Selon la légende, à la vue du sang sur la glace, onze spectateurs ont fait un malaise, deux ont fait des crises cardiaques et trois joueurs ont vomi sur la patinoire. Mais Malarchuk a survécu.

Et cela grâce à l'un des coachs des Sabres. Jim Pizzutelli est un vétéran de la guerre du Vietnam qui a étudié la médecine du sport avant de devenir préparateur physique en NHL. Avant même que l'arbitre ne siffle un arrêt de jeu, Pizzutelli a bondi sur la glace. Il bouche rapidement l'artère avec deux doigts. Le gardien est ensuite emmené dans les vestiaires par la sortie qui se situe derrière son but, un autre heureux hasard.

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La première chose à laquelle pense le gardien, sur le moment, c'est sa mère. « Je ne pouvais la laisser voir ça, confiera-t-il dans sa biographie A Matter of Inches : How I Survived in the Crease and Beyond, sortie en 2014. Pas sur la glace, pas à la télé, pas comme ça. J'ai demandé à l'intendant d'appeler ma mère. » Après avoir arrêté l'hémorragie comme ils le pouvaient, le staff envoie Malarchuk dans une ambulance. « J'ai essayé de faire une blague : "Mettez-moi quelques points de suture et laissez-moi finir le match". Au moment où j'ai dit ça, du sang a giclé. Personne n'a rit. Ils étaient blancs comme des linges, et je me suis dit que c'était la fin. »

Clint Malarchuk en 2013 à l'occasion d'un documentaire pour ESPN. Crédit : ESPN.

Ça ne l'était pas. Malarchuk survivra malgré avoir perdu 1,5 litre de sang. L'opération nécessitera 300 points de suture. Et pourtant le gardien reviendra devant ses buts dix jours après l'effroyable accident, pour le match suivant des Buffalo Sabres.

Un retour un peu trop rapide, mais il ne s'en rendra pas compte tout de suite. A la fin d'une carrière honnête mais sans grand fait de gloire, il retournera à ses chevaux, lui qui fut connu comme le "Cowboy Goalie" à travers la NHL. Il dira dans son livre : « Ç'a été mon moment de gloire. Je fais partie d'une catégorie de gardiens qui ne resteront pas dans l'histoire, mais tout le monde se rappellera de moi en raison d'un moment tragique. » Certains supporters adverses aussi, eux qui lui feront des gestes d'égorgement pour tenter de l'intimider.

Un moment tragique dans le même genre, la NHL en connaîtra un autre, 19 ans après Malarchuk. Le 10 février 2008, une nouvelle fois sur la patinoire des Buffalo Sabres, ironie de l'histoire, le hockeyeur des Florida Panthers Richard Zednik se fait trancher la carotide par le patin d'un de ses coéquipiers. Il survivra, lui aussi, mais choisira de ne pas rejouer de la saison. Cet accident réveillera des vieux démons chez Clint Malarchuk.

Rongé par des troubles obsessionnels compulsifs, la dépression et l'alcoolisme, l'ancien gardien des Sabres fait une tentative de suicide quelques mois après. Le 7 octobre 2008, il se tire une balle sous le menton avec un fusil de chasse. La balle lui explosera des molaires, et finira par se loger dans sa tête, sans le tuer. Sa femme appellera les secours et il sera soigné dans les temps. Peu de temps après, il passera six mois en désintox. C'est là qu'il se rendra compte qu'il n'aurait peut-être pas dû revenir si vite sur les terrains au printemps 1989. « Aujourd'hui, on aurait des consultants qui nous expliqueraient l'impact psychologique d'un tel traumatisme et qui nous diraient qu'il n'y a pas de pression à revenir aussi vite sur la patinoire. Et j'aurais suivi leurs instructions. »

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Finalement, l'histoire de Malarchuk n'a pas vraiment de morale, si ce n'est celle de ne pas prendre à la légère de telles blessures quand on est un sportif. C'est ce qu'il raconte dans sa biographie, ses conférences à travers le Canada et dans un documentaire intitulé Goalie : Life and Death in the Crease sorti cette année. Mais, à part cela, les hockeyeurs n'ont toujours pas d'obligation de porter une protection au cou pendant les matches de NHL. Jusqu'au prochain Malarchuk ?