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Music

Célébrons les 80 ans du cannibalisme dans la musique avec le groupe Cannibale

Les dernières recrues du label Born Bad passent en revue quelques-uns des meilleurs morceaux jamais écrits sur le cannibalisme, de Motörhead à Indochine en passant par Rammstein, Screamin' Jay Hawkins et The Police.

C'est un fait : les gens voient mieux qu'ils n'écoutent. Alors pensez jungles moites, cambrousses sauvages, gares routières désertes écrasées par le cagnard et bastons dans des discothèques napolitaines circa 1967, car c'est précisément ce que vous réserve No Mercy For Love, premier album de Cannibale. Tout le reste est superflu. Tout juste précisera-t-on qu'on trouve sur cette impeccable tuerie (j'insiste - un des disques les plus brillants de ce début d'année, vraiment) le son d'orgue le plus épais et carnassier jamais enregistré dans le quart Nord-Ouest français et deux des tubes les plus infectieux des 47 derniers mois (« Mama » et « Choppy Night »), que l'engin est l'oeuvre d'une bande de quadras qui se foutent bien de savoir ce qu'on pense d'eux et que ça sort, comme souvent, chez Born Bad Records. Afin de célébrer la sortie de ce disque qui devrait, en toute logique, nous accompagner jusqu'au trépas final, nous avons demandé au groupe de passer en revue 8 décennies de morceaux sur le cannibalisme, de Raymond Scott à Motörhead, en passant par Rammstein, Screamin' Jay Hawkins, The Police et même Indochine.

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Raymond Scott - « Dinner Music For A Pack Of Hungry Cannibals » (1937) Noisey : Je ne sais pas si c'est le premier morceau à avoir abordé de manière directe le thème du cannibalisme, mais il est sorti il y a pile 80 ans, donc on va commencer par celui-là. Il est signé Raymond Scott, un compositeur de jazz qui a également été un des pionniers de la musique électronique et dont la musique a principalement été utilisée, a posteriori, par la télévision, notamment dans les dessins animés.
Nicolas (chant) : Whaouuuu !! Je découvre que ce morceau est la source du sample (accéléré sur le titre en question) utilisé par Soul Coughing pour leur titre « Bus To The Beelzebub » sur l'album Ruby Vroom sorti en 1994. On écoutait ça à fond à l'époque, c'était une vraie découverte et c'est un des premiers concert que j'ai vu.

Ici, les cannibales sont uniquement suggérés dans le titre - libre ensuite à chacun de se faire son film. Un peu comme chez vous finalement. C'est quoi l'histoire du groupe, de sa formation - et de son nom, forcément ?
Nicolas : En 94, justement, on avait un groupe qui s'appelait Amib, Manu était déjà à la guitare et moi à la batterie. On voulait tout écouter et tout découvrir. On a pratiquement toujours fait de la musique ensemble. Gaspard (claviers) faisait partie de notre précédent groupe, Bow Low et on a rencontré Antoine (bassiste) puis Olivier (batteur) par la suite. Et pourquoi Cannibale ? Parce que c'est ce qu'on est ! On ingurgite la musique des autres, on la digère et on se l'approprie pour régurgiter notre propre musique. Un peu comme Soul Coughing qui sample Raymond Scott. Cannibale, c'est aussi parce que ça colle à l'univers exotique et tropical de notre musique.

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Screamin Jay Hawkins - « Feast Of The Mau Maus » (1969) Un titre assez humoristique sur un festin de cannibales, plein de grognements et hurlements, comme souvent chez Screamin' Jay Hawkins.
Manuel (guitare) : Super ambiance, super groove, super son, super anachronique, super simple, super sauvage. 
Nicolas : Je suis fan !

Chez Cannibale, on n'entend pas beaucoup de grognements, mais un orgue qui drive quasiment chaque morceau et est au coeur des plus belles réussites du disque (« Mama », « Choppy Night », « Diabolik Prank »). Il y avait une envie consciente d'aller vers ce son très particulier, de virer les guitares ?
Manuel : Nous sommes depuis quelques années très inspirés par les sons des années 60 et 70 des Caraïbes, d'Amérique du Sud, d'Afrique et même d'Asie. En ce qui me concerne, j'ai été particulièrement marqué par deux voyages en Colombie, d'où j'ai ramené des compiles de Cumbia. Dans cette musique, il y a toujours des moteurs rythmiques diaboliques qui font immanquablement danser, et souvent, sur des accords simples et assez tristes. C'est, la plupart du temps, l'accordéon qui joue les mélodies, mais aussi des synthés aux sons bien pourris. J'ai tout composé sur cet album ; ce sont ces influences qui m'ont fait travailler les orgues et les synthés de cette manière, avec beaucoup de distorsion et d'écho. Cela prend beaucoup de place dans le spectre sonore, et ça empiète notamment sur la place de la guitare, qui occupe les mêmes fréquences. Ça n'a pas été un dilemme. Au contraire, il me semble que cela permet de mettre en valeur les moments où, justement, la guitare intervient.

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10cc - « Hotel » (1974) Un morceau qui parle d'une île paradisiaque loin de l'Amérique et des Américains mais où vit une tribu de cannibales qui finira par manger les exilés.
Manuel : Bon titre, mais un peu surchargé à mon goût. Nicolas : On dirait Paul Simon sous acide… Pléonasme ?

« Hotel » a une vibe très décontractée, des paroles qui parlent d'exil et de ras le bol. Vous aussi vous avez fui la ville pour le hameau de Normandie où vous avez grandi. C'était primordial, cet éloignement ?
Manuel : Nous avons quitté Paris, où nous avons vécu plus de dix ans, pour revenir à la campagne. Pour faire de la musique, on avait besoin d'espace et de temps, mais surtout d'un lieu où l'on peut faire du bruit quand bon nous semble. À Paris, c'est très compliqué et très cher. Le retour aux sources nous a fait un bien fou. Ça a libéré notre créativité. S'éloigner de l'agitation permet de se concentrer sur le fond et d'oublier la forme. Après, faut pas se faire de films : on se fait bien chier aussi à la campagne. Heureusement qu'il y a nos familles, nos potes, notre association (le TFT label), et qu'on est musiciens.

Nicolas : Nos chansons parlent un peu de ça, d'ailleurs, mais plutôt dans le sens de la résilience, de notre capacité a surmonter les coups durs et a résister.

Riz Ortolani - Cannibal Holocaust (1979) La B.O. du classique de Ruggero Deodato, qu'on ne présente plus.
Manuel : L'ambiance très légère de cette BO, ne laisse pas envisager la suite du film et l'horreur dans laquelle vont se retrouver les personnages. Le reste de la bande son et vraiment étonnante aussi, mais un peu chiante sans les images.

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Nico : J'ai jamais vu ce film mais j'aime beaucoup ce morceau. Quand on sait que le gars a fait plus de 200 musiques de film, je trouve ça hallucinant. Ça me fait tout de suite penser au thème de John Barry du le film Midnight Cowboy, mais aussi à ce passage de « Siberian Breaks », un titre de MGMT qu'on apprécie particulièrement avec le groupe.

No Mercy For Love m'a beaucoup fait penser à certaines B.O. de film, moins du côté de Ruggero Deodato que d'Ennio Morricone et Bruno Nicolai - il y a beaucoup d'ambiances qui renvoient au giallo, aux films pop italiens des 60's. Il y a d'ailleurs une référence au Diabolik de Mario Bava sur « Diabolik Prank ». C'est un cinéma et des sonorités qui ont compté pour vous ? Et est-ce qu'il y a d'autres choses qui ont été importantes dans l'élaboration du son de Cannibale ?
Nicolas : Alors en fait, JB [Guillot, le boss du label Born Bad] s'est planté, le titre s'écrit en réalité « Diabolic Prank ». Je ne connaissais pas le film de Bava et j'ai été surpris de voir Michel Piccoli dedans. J'aime beaucoup cet acteur, notamment dans Mauvais Sang de Leos Carax. Pour « Diabolic Prank », si il y avait une référence cinématographique à ce texte ça serait plutôt Morse de Tomas Alfredson, un film sur le vampirisme totalement poétique et violent.

Manuel : On est influencés par Ennio Morricone, le cinéma de Sergio Leone, les westerns, et plus généralement le son des années 60/70 de l'hémisphère Sud, l'environnement perdu et isolé de notre région, la mare en bas de la maison, l'herbe et le tabac… Et aussi, et surtout, les Doors.

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The Police - « Friends » (1980)

Une face B de Police, qui parle d'un type qui veut manger ses amis, en gros.
Manuel : C'est pas le meilleur titre de Police. Même si Police n'est pas une source d'inspiration pour Cannibale, ils ont écrit des dizaines de méga tubes, ça se respecte !

Vous avez tous des parcours assez inhabituels, vous avez évolué un temps sous le nom de Bow Low, certains d'entre vous ont été musiciens de session pour Camille Bazbaz ou Johnny Hallyday. Qu'est-ce que vous avez retenu de ce chemin tortueux ?
Manuel : Je ne pense pas que nos parcours de musiciens soient si inhabituels que ça. La plupart des musiciens vieillissent sans devenir des stars et lâchent l'affaire. Nous, ça nous va comme ça. On fait ce qui nous plait depuis qu'on a 15 ans, on n'a jamais voulu être des stars et on n'en sera jamais. Aucune raison d'arrêter, de toute façon, c'est trop tard.

Olivier (batteur) : Je me demande si Bazbaz s'est déjà fait traiter de chemin tortueux … Je vais l'appeler pour lui demander [Rires] Ce qu'il y a de bien avec ces chemins, c'est qu'ils mènent aux projets qui deviennent une évidence quand on les rejoint - comme Cannibale, en l'occurrence.

The Stranglers - « La Folie » (1981)

Un titre des Stranglers sur le tueur cannibale Issei Sagawa, qui avait défrayé la chronique en 1981 après le meurtre d'une hollandaise à Paris.
Manuel : Surprenant… Nicolas : J'aime bien. Un bon morceau pour faire de la place sur le Dancefloor !

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Sortir un premier disque à 40 ans passés, je trouve ça plutôt sain - moins de pression, plus de recul, plus de liberté. Par contre, j'ai l'impression que l'image du groupe de vieux dans une société qui veut du jeune à tout prix a toujours du mal à passer. JB Born Bad me disait que les médias snobaient un peu le disque - alors que c'est, pour moi, une des toutes meilleures sorties du label.
Manuel : Peu importe si ça a du mal à passer, nous, on ne se sent pas vieux. Et, d'ailleurs, qui a décidé que l'on ne pouvait plus faire de musique à partir d'un certain âge ? C'est comme le reste : de l'autocensure qui finit par se transformer en normalité. On est contents de ce qui se passe, notre disque est bon, et les bons s'en rendent compte. C'est tout ce qui importe.

Nicolas : On aurait pu enregistrer notre album et le donner à nos tatas et tontons puis faire quelques concerts dans les rades aux alentours et trouver un taf en interim. On est comme n'importe quel mec qui monte sa boite ou n'importe quel type qui reprend ses études à quarante ans. Comme tu le dis, pour des raisons sanitaires, il vaudrait mieux que les « vieux », quel que soit leur âge, fassent plus souvent ce qu'ils ont envie de faire. Qu'on leur tape sur l'épaule et qu'on leur dise : « Vas-y mon pote, fait nous rêver ! T'as du bide, des rides et t'as plus de cheveux mais t'as des bollocks ! ». Oui, les Inrocks et Magic n'ont pas aimé le disque… Bon… On ne va pas les obliger hein ? Les vrais savent !

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Indochine - « La Sécheresse Du Mekong » (1983)

Un titre du Indochine des débuts, dans un esprit très « Tintin chez les mangeurs d'hommes ».
Nicolas : Indochine ça m'évoque tout de suite les Renault 21. Et les Renault 21 ça me fait penser à Phil Collins… Alors je prend mes vêtements et je les mets sur moi.

Un truc que je regrette un peu sur No Mercy For Love c'est qu'on ne capte qu'une parole sur trois. Vous parlez de quoi en général ?
Nicolas : C'est rare que quelqu'un cherche à comprendre les textes. Même au sein des groupes, enfin au sein de notre groupe… Comme je te le disais précédemment, je parle de résilience, mais aussi d'amour et de mes proches. J'écris des textes comme je peins des tableaux. J'aime la sonorité des mots en Anglais. L'idée c'est d'allier la forme et le fond sinon j'ai l'impression de me mentir et surtout, je ne verrais pas l'intérêt de chanter une chose vide de sens. Alors j'invente des histoires semi- abstraites. Oserais-je dire de la poésie ? Parfois, certaines tournures, certains mots ne se disent plus trop ou pas . C'est bancal, mais ça n'est pas grave car l'ensemble s'équilibre. Par exemple, « No Mercy For Love » ça parle d'un type qui roule à fond dans sa bagnole parce qu'il en a ras le bol de tout : « I saluted the night and the gum span like a rotor, beard flying in the heat of sirocco breath, Hypnotised by the lines on a transparent screen… » Des suites d'images, de tableaux… J'ai fait un lien avec les paroles en ligne, s'il y a d'autres personnes que ça intéresse.

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Motörhead - « Eat The Rich  » (1987)

Un titre de Motörhead composé pour un film anglais qui raconte l'histoire d'une bande de chômeurs qui ouvrent un restaurant pour gens de la haute société où les clients sont au menu.

Nicolas : Ma mère est fan de Motörhead . Voila, c'est dit !

A vivre pépouze dans la cambrousse avec la famille et les gamins, j'ai l'impression que vous avez un trouvé l'équilibre idéal pour un groupe en 2017, un peu comme le Villejuif Underground et leur colocation dans une maison en banlieue avec un grand jardin où ils organisent des concerts. Vous donneriez quoi comme conseil à des gamins qui démarrent aujourd'hui ?
Nicolas : Ouais c'est un peu ça, on est a la cool à la campagne, mais on est content d'en partir parfois, on met nos beaux habits, nos beaux souliers pour aller à la ville faire des concerts et sociabiliser. Pour les mômes c'est l'idéal ouais, voir un concert en slip de bain tout en mangeant des cotes de porc, c'est le nirvana. Ce qu eje conseillerais au jeunes ? Faites pas les cons !

Manuel : Les gamins qui ont une passion sont sauvés. Qu'ils visent et qu'ils aillent exactement là ou ils veulent aller. Qu'ils ne se soucient pas de la forme et qu'ils ne travaillent que le fond. Il n'y a que l'expérience qui pourra leur apprendre quelque chose.

Rammstein - « Mein Teil » (2004)

Un titre sur le cas assez particulier d'Armin Meiwes, ingénieur informatique de Rotenburg, qui a coupé et mangé le pénis de Bernd Jürgen Armando Brandes, avec la permission de celui-ci, avant de le tuer, toujours à sa demande.

Nicolas : Rammstein pour moi ça s'arrête à Lost Highway de David Lynch. Mais il y a une illusion auditive sur un de leur morceau qui est pas mal : « Les p'tits motards font des haltères , des fesses et des raisins » !

C'est quoi le pire truc qu'on vous a demandé en tant que groupe ou musicien ?
Nicolas : De jouer sur une batterie électronique a trois mètres de haut et d'être payé en baskets.

Manuel : On m'a demandé de faire un procès à Amy Winehouse pour plagiat - et je l'ai fait et j'ai gagné plein de pognon !

Joakim - « Cannibale Pastorale  » (2017)

Un extrait du dernier album de Joakim Bouaziz, le fondateur du label Tigersushi - aucun rapport avec Joachim Kroll, le cannibale de la Rühr. L'occasion de boucler la boucle avec un titre de 2017 et vous demander ce que vous aviez de prévu dans les mois à venir.
Nicolas : Spontanément ça me fait penser à « KAUA'I O'O A'A » de Gentle Friendly. Là, on est en train de travailler de nouveaux morceaux pour Cannibale et de faire de la musique sur différents projets. On prévoit de sortir deux nouveaux clips qui sont en actuellement en préparation, dont un film d'animation réalisé par Manuel. Et surtout on va aller défendre notre album sur scène d'ici quelques jours ! No Mercy For Love est disponible chez Born Bad.

Prochaines dates :
20.04 PRINTEMPS DE BOURGES > Le Nadir
29.04 PARIS > La Machine du Moulin Rouge
19.05 NANTES > Au Chien Stupide
26.05 LE HAVRE > Le Tetris
27.05 LE BLEYMARD > Festival d'Olt
04.06 CAPDENAC > Festival Derrière le Hublot
09.06 MULHOUSE > Le Gambrinus
10.06 NANCY > Festival Stéréolithe
01.07 CISAI ST AUBIN > Biche Festival
19.08 CARELLES > Festival Terra Incognita
02.09 VERNEUIL S/AVRE > Festival Les Mauvaises Graines
09.09 MESNIL BERARD > Fête communal