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Monarchie

Comment le Royaume-Uni pourrait en finir avec la monarchie

...et ce qui adviendrait ensuite.
Photo : Lefteris Pitarakis, Associated Press

Pour une énième fois, une partie de la population en a assez de la famille royale. En novembre, le gouvernement a annoncé une dépense de 369 millions livres sterling pour retaper le palais de Buckingham au beau milieu d'une crise immobilière. Et la famille royale se cherche un jardinier, dont le salaire ne serait pas suffisant pour vivre décemment à Londres.

En réaction, l'ex-journaliste Mark Johnson a créé une pétition en ligne pour exiger que la famille royale paie elle-même pour les rénovations. Des blogueurs de Royal Central – un site d'admirateurs et admiratrices de la famille royale – et The Spectator ont fait remarquer ce sont les revenus générés par le Domaine de la Couronne qui servent à financer les rénovations, et non de l'argent des contribuables. Néanmoins, pour beaucoup, les sommes colossales englouties dans le palais ne sont pas justifiées quand le pays s'écroule.

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Ce n'est rien de nouveau : il y a toujours des pétitions en ligne contre la monarchie. Mais les sondages montrent d'une fois à l'autre que les Britanniques préfèrent les célébrations de la monarchie et la déférence ritualisée à l'imputabilité démocratique. Environ 70 % de la population affirme vouloir conserver la monarchie plutôt que de la virer.

Mais imaginons un monde dans lequel cette statistique serait inversée. Comment pourrait-on se défaire de la monarchie et que se passerait-il ensuite?

IL Y A BEAUCOUP DE TRAVAIL DE PRÉPARATION À FAIRE

Republic est un organisme qui milite en faveur d'une voie démocratique pour remplacer la monarchie. Sa responsable des campagnes, Pia de Keyser, explique que l'organisme prévoit des années de débats publics et politiques modérés avant de déclencher un référendum national.

« Après le Brexit, on ne veut certainement pas d'un autre référendum qui diviserait autant la population, me dit-elle. Il faut d'abord réunir une majorité forte. On ne veut pas d'une majorité de 51 %. L'information présentée au public devrait être beaucoup plus exacte et équilibrée qu'en amont du Brexit, quand beaucoup de gens googlaient "qu'est-ce que l'UE?" juste avant le référendum. »

IL FAUDRAIT QUE CHARLES SOIT VRAIMENT TERRIBLE

L'historien Phillip Murphy me parle de l'affection floue que les Britanniques ont pour la monarchie. La plupart chérissent davantage Elizabeth que l'institution. « Tant qu'elle est là, le soutien sera plutôt grand. Mais après, ils changeront peut-être d'avis. »

Par rapport à la reine, Charles n'est pas très populaire. On l'a critiqué pour avoir mis son nez dans les affaires politiques et, s'il continue, le pouvoir que la monarchie possède toujours sera mis en lumière. Ce sont de pures spéculations, mais je pense qu'il se donnerait peu de chance d'accroître sa popularité.

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ON DEVRAIT ENDURER LE DÉSORDRE POLITIQUE CAUSÉ PAR UN AUTRE RÉFÉRENDUM

Un référendum au sujet d'une république ne serait que le premier pas. Selon De Keyser, les républicains n'ont pas une vision concrète d'un Royaume-Uni post-monarchie. « Comme le Brexit, nous serions confrontés à une situation qui ne s'est encore jamais présentée au Parlement. Ce pourrait se passer vite, mais, comme dans le cas du Brexit, mon instinct me dicterait de ne pas agir avec précipitation, explique-t-elle.  L'idéal serait de procéder lentement, avec pragmatisme. »

Après des discussions autour de questions comme « Quoi, on aura un président maintenant? » cette transition entraînerait de nombreux imbroglios juridiques, comme le choix du nouveau chef du Commonwealth et de l'Église d'Angleterre.

De plus, rappelle Murphy, la prudence est de mise pour éviter qu'une restructuration politique ne crée un vide que comblerait la démagogie. « Dans un monde où Donald Trump a été élu et Marine Le Pen semble en voie de pouvoir se battre pour accéder à la présidence française, même la gauche pourrait se demander si elle veut de Nigel Farage comme président. Ce qui est le résultat probable d'une élection présidentielle. »

LES OPPOSANTS À LA MONARCHIE VOUDRONT QU'ELLE RENDE SES RICHESSES

Les campagnes contre la monarchie tournent souvent autour des richesses et des privilèges que s'approprie injustement un petit nombre ayant seulement eu la chance de naître dans la bonne famille. Bien qu'elle conserverait ses avoirs privés évalués à plusieurs millions de dollars, la famille royale devrait, si le Royaume-Uni se défait de la monarchie, rendre à la population tous les profits du Domaine de la Couronne, qui comprend Regent Street et le palais de Buckingham, d'une valeur d'environ 12 milliards de livres sterling.

À l'heure actuelle, le Reine paie un impôt de 85 % sur les revenus du Domaine de la Couronne. Les 15 % qui lui reviennent servent à payer entre autres ses voyages et les soirées mondaines dans les jardins du palais. D'après Murphy, rendre à la population ces 15 % aurait bien peu d'effet sur les déséquilibres sociaux et économiques.

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« On souhaiterait que la société britannique soit transformée, dit-il, mais, sauf si l'on change radicalement la gouvernance, certains des déséquilibres – l'aristocratie, Oxbridge – feraient toujours partie du caractère social de la Grande-Bretagne. »

Cette année, ces 15 % représentaient près de 43 millions de livres sterling. Il faut bien l'admettre, ce n'est qu'une fraction du milliard de livres que dépense le National Health Service tous les trois jours. Mais bon, toute aide est la bienvenue.

Que ferait-on du palais de Buckingham, qui, comme il fait partie du Domaine de la Couronne, serait aussi rendu à la population? « On pourrait convertir ce palais de 750 chambres à peine utilisées en un immense centre pour la communauté, l'éducation ou la démocratie, ou encore en un musée », estime Pia de Keyser.

LES MEMBRES DE LA FAMILLE ROYALE DEVIENDRAIENT DE SIMPLES VEDETTES DU MAGAZINE HELLO ET LEUR STATURE DÉCLINERAIT LENTEMENT MAIS SÛREMENT

« On a l'impression que la famille royale est en quelque sorte piégée de plusieurs façons, note De Keyser. On les prive de plusieurs droits de la personne que le reste de la population possède, comme la liberté d'expression, la liberté de mouvement et la liberté d'épouser qui l'on veut. »

Dans une république, les membres de la famille royale seraient libres. Ils pourraient être DJ, évaluateurs fonciers ou xénophobes. Mais il est fort probable, comme le dit Murphy, qu'ils gardent leurs entrées dans les partys les plus en vue de Londres, de New York ou de Paris.