L'histoire du footballeur sénégalais adopté par son agent

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L'histoire du footballeur sénégalais adopté par son agent

Depuis 2014, Ibrahima Mbaye appelle son agent Giuseppe Accardi « papa ».

Vous ne le connaissez peut-être pas mais le footballeur Ibrahima Mbaye, a une jolie histoire à vous conter. Son agent et lui sont devenus respectivement père et fils. Certes, il y a des agents qu'on peut réveiller à n'importe quelle heure pour se confier, mais aller jusqu'à l'appeler… « papa », il y avait là une barrière infranchissable. L'ancien talent de l'Inter Milan et l'agent agrégé par la FIFA, Giuseppe Accardi, l'ont enjambé en passant par le tribunal de Modène il y a deux hivers de cela.

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Né il y a bientôt 22 ans à Guédiawaye, pas loin de Dakar, la capitale sénégalaise, Ibrahima Mbaye tape alors (bien) le ballon dans un parfait anonymat. Il est très vite repéré par l'Étoile Lusitana où il y fait ses armes pendant quatre ans. En 2010, il rejoint la pouponnière de l'Inter Milan puis est prêté successivement à Livourne et à Bologne. Transféré définitivement l'an passé en Emilie-Romagne, le joueur cire depuis le banc. Mais peu importe, la carrière pro du jeune Mbaye n'en est qu'à ses balbutiements.

Ibrahima Mbaye sous le maillot de Bologne lors de la saison 2015-2016.

Des balbutiements qui n'auraient sans doute jamais eu lieu sans la rencontre des deux hommes. Même s'il préfère l'appeler « chef » plutôt que « papa », « Beppe » Accardi et Ibrahima Mbaye entretiennent de réels rapports père-fils. Le tandem existe depuis près de sept ans ans maintenant. L'agent italien se souvient : « Je suis allé en Afrique voir ce garçon d'à peine 14 ans. C'était un surdoué. C'est un de mes grands amis, le président de l'Académie de l'Etoile Lusitana, là où jouait 'Ibra', qui m'en a parlé le premier. » Fondée en 2008 à Dakar par José Mourinho, l'académie est détenu à 80 % par le Special One. « Dès que je l'ai vu, j'ai appelé l'Inter pour qu'ils le prennent. Ausilio [le directeur sportif de l'Inter, ndlr] m'a rapidement donné son accord pour un essai, mais l'affaire traînait. Le président de l'Etoile Lusitana avait heureusement le contact de José et on l'a appelé. Le jour suivant, Ausilio m'a rappelé : "Beppe, j'ai deux billets d'avion, on vous attends demain à Milan. Mou m'a dit que si on ne le prenait pas il me donnerait un coup de pied aux fesses." Quand Ibra a ensuite disputé un tournoi à Bergame, il a tout de suite convaincu tout le monde. »

A 14 piges, muni de son petit baluchon, le gamin débarque à Milan. « Il a habité chez nous. Ma femme l'a toujours considéré comme un fils, et mes filles, Naomi et Talita, l'ont toujours pris pour leur frère. Il fait partie de la famille depuis longtemps déjà », assure Accardi. Il laissera au pays frère et soeur ainsi que ses deux parents. Le père a depuis rejoint son fils en Italie où il y travaille. « Ce sont des gens formidables. Ils savent que nous ne voulons pas les remplacer. C'est le contraire, on va former une grande famille. En Italie, on parle de famille « allargata » [famille élargie ou recomposée, ndlr]. Mais Ibra est un est des nôtres, je le vois comme le fils que je n'ai pas eu. Je le considère autant comme mon enfant que mes deux filles. Je lui veux du bien, et lui fait de même avec nous, c'est la seule chose qui compte », martèle t-il. Contacté, l'ancien espoir de l'Inter Milan va dans le même sens. « Ça s'est fait très naturellement. Un jour il m'a appelé et m'a annoncé qu'il avait quelque chose d'important à me proposer. » Beppe lui laisse alors le temps de la réflexion et, surtout, de prévenir son père biologique. « Il m'a dit que je devais écouter mon coeur et c'est ce que j'ai fait. Cet homme ne lui était pas non plus inconnu. »

En Italie, l'affaire fait couler beaucoup d'encre. L'adoption d'un joueur par son agent se fait naturellement par les voies sacrées du business et non de la famille. Si certaines mauvaises langues transalpines ont vu, à travers cette originale alliance, un moyen de davantage exploiter le talent de son bambin, Beppe préfère lui parler d'amour : « Ibrahima est quelqu'un qu'il est impossible de ne pas aimer. C'est quelqu'un d'extraordinaire. Il a une sensibilité qui n'est pas commune aux joueurs de football. Si quelqu'un lui faisait du mal, ma femme le tuerait. Je dirais même que si ma femme devait choisir entre lui et moi, elle le choisirait lui ! » L'homme ne craint pas que l'évolution de la carrière de son futur fils interfère dans leurs rapports. « La vérité est simple comme toutes les choses sincères : on lui veut juste du bien. Il est un des nôtres, il a grandi avec nous, ma femme, mes filles et moi. Le football n'est qu'un travail. Ce n'est pas le plus important, ce n'est pas la vie. Ce qui nous lie avec Mbaye est bien plus fort que cela. C'est une question d'amour et de respect. J'ai un feeling comme avec un fils avec lui. C'est pour cela que je lui ai proposé de l'adopter. »

A 20 ans, Ibrahima Mbaye était majeur et donc libre de choisir. Garçon « humble », discret, c'est en toute intimité que le joueur prêté par l'Inter lui avait répondu par l'affirmative. « Quand je lui ai demandé, il était très heureux de cette idée. Il a aussi trouvé cela logique parce qu'il sent qu'il fait vraiment partie de notre famille. Il n'a pas hésité, pas le moins du monde », se remémore Accardi.