« Les meufs, prenez vos vulves : on y va ! »
Photos : Edouard Richard / HANS LUCAS

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8 mars

« Les meufs, prenez vos vulves : on y va ! »

Il n'y pas que la journée des droits des femmes aujourd'hui, il y aussi le congrès européen des gynécos. Alors la nuit dernière, le collectif féministe Insomnia a mené une action commando pour dénoncer les violences gynécologiques. On y était.

« Les meufs, prenez vos vulves : on y va ». Il est plus de 23 heures, nous sommes le 7 mars 2018 et les membres du collectif féministe « Insomnia » sont réunies depuis le début de la soirée dans un appartement parisien pour les derniers préparatifs. Le sol du salon est recouvert de neuf vulves en argile collées sur des socles, où des pinces y sont plantées. En cette veille de journée internationale des droits des femmes, les activistes entendent dénoncer les violences gynécologiques et obstétricales en collant ces sculptures sur les murs des hôpitaux de la capitale.

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Dans leur viseur : « cette médecine patriarcale et ancrée dans le sexisme » dont les membres les plus éminents sont de passage à Paris pour – hasard du calendrier ? – le congrès européen de la profession. Capuches remontées sur la tête et grands sacs en bandoulière, les militantes d’Insomnia entonnent l’hymne féministe « Debout les femmes » avant de se mettre en route. Créé il y a un peu plus d’un an, le collectif privilégie les actions coup de poing. Le colorant rouge dans l’eau des fontaines pour lutter contre le tabou des règles ? C’est elles. Les tags sur les vitrines des enseignes Bagelstein dénonçant le sexisme de leurs stratégies de communication ? Encore elles.

Cette fois, ce sont les hôpitaux qui sont ciblés : « il s’agit de mettre en lumière à quel point nous sommes dépossédées de notre corps. La vulve, qui est notre identité de femme, est violentée par le corps médical. Les pinces qui y sont plantées en sont le symbole. L’action que nous allons mener ce soir est volontairement choquante, et très visuelle », expliquent-elles en chœur.

Comme souvent, l’opération a demandé pas mal de travaux manuels, en amont. Plusieurs réunions ont eu lieu pour procéder au moulage des vulves en argile. Elles sont de toutes les formes et de toutes les couleurs – et plus ou moins réussies. Dans le métro, les participantes comparent leurs œuvres : « celle-là a carrément un boulevard entre les petites et les grandes lèvres ! », se marre l’une d’entre elles. Mais l’essentiel est là : toutes les vulves d’argile possèdent un clitoris.

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Certaines activistes ont rejoint le collectif dès sa création, d’autres s’y sont greffées au fil des actions, séduites par ces méthodes efficaces, et créatives. Elles sont étudiantes en biologie, costumières, vendeuses, militantes novices ou confirmées ayant déjà fait l’expérience de la garde à vue et du rappel à la loi. Aucune ne dira son nom, ni même son prénom. D’abord parce que leurs actions sont souvent illégales, mais aussi pour des raisons plus politiques : « nous sommes un collectif anonyme car nous avons vocation à représenter toutes les femmes. Et à dénoncer, en leur nom, les comportements sexistes ».

En chemin, elles se séparent par groupes de quatre, en direction des zones qui leur ont été attribuées. Hôpital Bichat, Tenon, Saint-Antoine, Saint Joseph, Lariboisière, Port Royal – chaque bande se déploie, munie de ses vulves en argile, d’affiches, de colle, de pinceaux et de faux sang, prêtes à défier la nuit. La nuit, c’est justement le terrain d’action d’Insomnia : « à ces heures-là, la ville est dangereuse pour les femmes. Depuis toutes petites, on nous apprend à ne pas nous y promener le soir, car nous nous mettrions nous-même en danger – une façon de déplacer la culpabilité. Reprendre la nuit est donc un acte de rébellion. Et puis, l’obscurité est propice à l’anonymat… ».

Devant l’hôpital Bichat, dans un silence tendu, l’opération est une réussite – même si la colle s’avère moins efficace qu’une bonne vieille vis. Devant l’entrée de Lariboisière, l’irruption d’une camionnette blanche – des flics en civil ?- provoque un repli. Mais le véhicule repart et les vulves sont collées avec succès. Autour, des affiches sont placardées. Elles reprennent des phrases extraites des Tumblrs payetongyneco, payetablouse ou jaipasconsenti réunissant des témoignages de femmes révélant les violences physiques et verbales que des médecins leur ont fait subir. Sur l’une, on peut lire : « Ah, c’est une fille. Elle a une belle chatte, comme sa mère ! ».

C’est ainsi qu’au matin du 8 mars, en cette journée célébrant les droits des femmes, c'est une vulve géante - et une bonne remarque bien sexiste - qui accueillera les équipes des hôpitaux parisiens venus prendre leur tour de garde.