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Crime

L’étrange histoire de l’étudiant américain arrêté en Corée du Nord pour avoir volé un poster

La mésaventure d’Otto Warmbier survient au milieu d’un grand jeu diplomatique qui a marqué l’actualité internationale cette semaine : sanctions de l’ONU contre tirs de missiles en réponse de la part de la Corée du Nord.
Photo par Kim Kwang-hyon/AP

Ce lundi, on apprenait qu'un étudiant américain détenu en Corée du Nord depuis le début du mois de janvier avait reconnu des « crimes graves » contre le Royaume ermite. Son crime ? Avoir essayé de piquer une pancarte sur laquelle était écrit un slogan. Du matériel de propagande affiché dans son hôtel de Pyongyang.

Cette petite histoire survient au milieu d'un grand jeu diplomatique qui a marqué l'actualité internationale cette semaine : sanctions de l'ONU contre tirs de missiles en réponse de la part de la Corée du Nord.

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La Corée du Nord a lancé ce jeudi une série de missiles courte portée dans la mer, quelques heures après que le Conseil de sécurité des Nations unies a unanimement voté des sanctions particulièrement sévères visant l'État ermite. Dans le même temps, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a assuré qu'elle allait « mettre un terme à la tyrannie » exercée par le leader du Nord.

"La pire erreur de ma vie"

Otto Warmbier a 21 ans. C'est un étudiant de l'Université de Virginie. Il est donc apparu ce lundi sur une chaîne de télévision d'État nord-coréenne, en pleurs. Entre deux sanglots il dit : « J'ai fait la plus pire erreur de ma vie, mais s'il vous plaît faites en sorte de me sauver. »

Warmbier avait été arrêté avant de prendre son vol vers la Chine, après un incident non précisé à son hôtel. C'est ce qu'avait dit son agence de tourisme à Reuters en janvier.

— Will Ripley (@willripleyCNN)February 29, 2016

La Corée du Nord n'en est pas à sa première détention d'étrangers et a déjà utilisé l'arrestation de citoyens américains pour exiger des visites d'officiels américains de premier plan comme Al Gore ou Bill Clinton.

« J'ai commis un crime, le vol d'un slogan politique qui se trouvait dans une zone réservée au personnel de l'hôtel international de Yanggakdo », a dit Warmbier à des médias depuis Pyongyang, dans des propos rapportés par l'agence d'information nord-coréenne KCNA.

En janvier, KCNA annonçait que Warmbier « avait été attrapé en train de commettre un acte hostile à l'État », acte qui était présenté comme « toléré et manipulé par le gouvernement américain ».

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D'après une source nord-coréenne citée par CNN, Warmbier n'aurait pas,à proprement parler, volé le poster. Il l'aurait abandonné parce qu'il était trop gros pour l'emporter.

L'étudiant a dit qu'une « diaconesse » lui avait promis de lui donner une voiture d'occasion d'une valeur de 10 000 dollars, s'il pouvait rapporter à une église américaine ce poster, en « trophée » volé à la Corée du Nord. C'est le plan que décrit KCNA.

KCNA ajoute, en disant citer Warmbier, que cette femme aurait dit que l'église allait payer 200 000 dollars à la mère de l'étudiant s'il était détenu en Corée du Nord ou s'il n'en revenait pas.

« Mon crime est très grave et planifié », aurait dit Warmbier, avant d'ajouter qu'il était impressionné par « le traitement humanitaire proposé aux graves criminels comme moi ».

« Je m'excuse auprès de chacun, auprès des millions de Coréens et je vous prie de voir combien j'ai été utilisé et manipulé », a dit Warmbier.

Sa famille n'avait pas eu de nouvelles de lui depuis l'arrestation, d'après un communiqué envoyé au Cavalier Daily, un journal étudiant de l'université de Virginie.

« Il a l'air en bonne santé, sans pouvoir être certains de son état tant que nous ne pouvons pas lui parler », dit le communiqué.

Warmbier faisait une visite de 5 jours en Corée du Nord, organisée pour le Nouvel an. Il faisait partie d'un groupe de 20 personnes. La majorité des touristes étrangers qui visitent la Corée du Nord sont des Chinois. Mais 6 000 Occidentaux ont le droit de visiter le pays chaque année, lors de tours très organisés.

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Tensions avec la communauté internationale

L'apparition de Warmbier à la télévision survient à un moment où les relations entre la Corée du Nord et le reste de la communauté internationale se tendent à nouveau. Particulièrement avec la Corée du Sud et le Japon, après des tests nucléaires en janvier. La Corée du Nord s'attendait en début de semaine à faire face à un vote de nouvelles sanctions par l'ONU, en réaction à un lancement de fusée longue portée en février. Le lancement de missiles de ce jeudi fait encore monter la température dans la péninsule coréenne.

Le ministre de la Défense sud-coréen a fait savoir que son administration essayait de déterminer si les projectiles (lancés ce jeudi à 10 heures du matin, heure locale) étaient des missiles de courte portée ou des tirs d'artillerie. Un représentant du Comité des chefs d'États-majors interarmées a déclaré que les six projectiles ont volé entre 100 et 150 kilomètres avant d'atterrir dans la mer, rapporte le Guardian.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Hong Lei, interrogé sur les projectiles, a dit espérer que toutes les parties s'abstiendront de faire monter la tension.

Ces derniers temps, la présidente Park s'est montrée ferme quant aux agissements du Nord, délaissant son approche de la « politique de la confiance ». Ce jeudi, Park s'est dite satisfaite de la décision du Conseil de sécurité et a répété qu'elle souhaitait que le Nord change de comportement.

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« Nous allons coopérer avec le monde pour que le régime nord-coréen abandonne son développement nucléaire irréfléchi et mette fin à la tyrannie qui oppresse la liberté de nos frères du Nord, » a déclaré Park ce jeudi.

Dans son dernier lot d'insultes adressées ce mercredi à la leader du Sud, le média officiel nord-coréen avait comparé Park à « une vilaine chauve-souris » vouée à « mourir dans sa grotte, la tête en bas. »

Parmi les dispositions de la résolution de 19 pages des Nations unies, certains pays seront chargés d'inspecter tous les cargos qui entrent et quittent la Corée du Nord. Si cette disposition était fermement mise en place, cela pourrait créer un blocage total de la nation déjà très isolée du reste du monde.

La résolution prévoit aussi que la Corée du Nord soit confrontée à de nouvelles sanctions, à cause de son programme nucléaire. La résolution, adoptée à l'unanimité, a été rédigée par les États-Unis et elle est soutenue par le principal allié de la Corée du Nord, à savoir la Chine.

En plus de fouiller les cargos, la résolution interdit les exportations, sauf pour de rares exceptions comme le fer, le charbon et quelques métaux rares. Exportations que la Corée du Nord a utilisées pour financer son programme nucléaire.

Certains pays pourront aussi être interdits de vendre du carburant d'aviation à la Corée du Nord, notamment le carburant utilisé pour faire fonctionner ses fusées. Il sera aussi interdit de vendre au pays toute arme et armement classique. Les produits de luxe, comme les montres, les jet-skis et les motoneiges, seront aussi interdits.

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La résolution, qui étend largement les restrictions déjà existantes, est la conséquence du test nucléaire nord-coréen du 6 janvier et du lancement d'une fusée longue portée le 7 février. Les États-Unis et la Corée du Sud avaient annoncé alors que ces agissements violaient les résolutions existantes du Conseil de sécurité.

Le Nord argue de son côté qu'il a le droit souverain de lancer des fusées — dans le cadre d'un programme spatial — pour mettre des satellites en orbite.

Les précédentes résolutions, qui remontent à 1993, n'ont pas permis de freiner les ambitions nucléaires de la Corée du Nord, qui estime que ce programme est indispensable à sa sécurité. Dans le passé, la Chine avait repoussé les dispositions les plus sévères proposées par les États-Unis et d'autres pays, mais cette année la Chine semble avoir lâché un peu de lest — acceptant des mesures sévères et punitives contre son voisin.

C'est principalement la Chine qui va faire appliquer cette réduction des exportations. La Chine souhaite punir son allié pour les violations sur le nucléaire sans, pour autant tomber dans une crise ouverte.

S'exprimant après l'annonce des lancements de missiles de courte portée, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Hong Lei, a demandé à toutes les parties de rester calmes.

« Pour le moment, la situation dans la péninsule coréenne est compliquée et sensible. Nous espérons que toutes les parties feront leur possible pour ne pas faire monter les tensions, » a demandé Lei.

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« L'adoption de cette résolution montre qu'il existe un consensus de la communauté internationale, et nous espérons que toutes les parties vont mettre en place cette résolution avec application. »


Avec Reuters

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