une illustration de femmes qui travaillent
Jangojim

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VICE Guide to Work

Ces femmes belges racontent ce que c'est de ne travailler qu’avec des mecs

« Je ne sais pas s'il s'agit de l’effet #MeToo, mais dans le bar du taf, les affiches de femmes à poil ont disparu. »
Arkasha Keysers
Antwerp, BE
J
illustrations Jangojim

De comment survivre dans un espace de co-working au business model d'une travailleuse du sexe, tout ce que vous devez savoir pour vous en sortir dans la vie active est dans le VICE Guide to work.

Pour battre le record du monde d'enfonçage de portes ouvertes, voici deux faits importants. Premièrement, le mouvement #MeToo, qui a déjà un an et demi, a clairement montré que de nombreuses femmes sont encore victimes d'intimidation et d'harcèlements sexuels sur leur lieu de travail. Deuxièmement, les femmes travaillant à temps plein en Belgique gagnent toujours cinq pour cent de moins à l'heure que leurs collègues masculins et vingt pour cent de moins de manière générale. Le lieu de travail reste donc une plage de sable mouvant pour les femmes.

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Afin de savoir si des améliorations avaient vraiment eu lieu, j'ai demandé à cinq jeunes femmes de me parler de leurs expériences, parce que :
a) Les femmes savent tout.
b) Ces dernières ne sont entourées pratiquement que d'hommes sur leur lieu de travail.

Asha (30 ans) a été premier officier sur un navire

Lors de mes huit années de navigation, j'ai souvent été la seule femme parmi une trentaine d'hommes. Certains réagissaient ainsi: « Qu'est-ce qui autorise cette femme à me dire quoi faire ? » J'ai vraiment dû davantage montrer ce dont j'étais capable et prouver que je n'étais pas une petite fille.

À 22 ans, dès que j’ai fini l'école de navigation, je suis directement entrée dans l'équipage d'un navire. À cette époque, j'étais encore très naïve et j'ai dû apprendre peu à peu à m'ériger mon propre mur. Trois mois loin de chez soi, je peux te dire qu'on se sent parfois très seule. Une fois, je suis restée un peu plus longtemps au bar. Quand j’ai rejoint ma cabine, j’ai découvert un type assis sur mon lit. Heureusement, il s’est vite rendu compte que ce qu’il avait en tête n’arriverait pas, alors il est vite reparti. Ça a été une révélation pour moi. Cet incident m'a beaucoup changé. Ces dernières années, j'ai mis un masque, j'étais plus distante et plus réservée.

Je ne sais pas si cela a quelque chose à voir avec le mouvement #MeToo, mais à la fin de ma carrière, il y avait à bord plus d'attention portée à la protection et au respect des femmes. Par exemple, les photos de femmes à poil qu’il y avait sur les murs du bar ont été retirées. Aussi, selon votre rang, les hommes commencent à vous traiter différemment. Lorsque je suis passée de second à premier officier, j'ai reçu bien moins de commentaires désobligeants. Mon conseil pour les femmes qui veulent commencer dans ce secteur : foncez.

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Je travaille dans un bureau depuis l'année dernière. Sur le plan personnel, être toujours en mer, ce n'est pas du tout facile. Ça vous change également et tant que personne. Par exemple, je choisissais de ne porter que des vêtements simples pour éviter les problèmes. Je devais toujours faire attention. Maintenant, c’est un peu plus facile parce que j’ai enfin des collègues femmes, et je peux porter ce que je veux.

Iris* (23 ans) soudeuse et esthéticienne

C’est pendant la journée porte ouverte de l'école technique où mon frère voulait étudier que je me suis rendue compte que je voulais devenir soudeuse. Après mes études, j'ai encore fait deux ans dans une école d’esthéticienne. Peu après, j'ai commencé à travailler en tant que soudeuse, parce que ça gagnait mieux. J’allais toujours bosser en training. Je compensais le week-end : j’allais chez le coiffeur, je faisais mes ongles en gel et je portais des jupes et des robes.

Certains collègues m'aident beaucoup car les grosses pièces sont si lourdes que je ne peux pas les porter seule. D'autres me mènent délibérément la vie dure. Ils parlent dans mon dos, disent des trucs du genre « qu’est-ce qu’elle fout là, elle est bien trop faible », etc. Ce n'est pas le chef de mon équipe, mais son chef a lui qui m’avait dans le collimateur. Si je discutais avec un collègue, il le voyait. Même quand je travaillais dur toute la journée et que je faisais un super boulot, ce n'était pas assez. « Tu ne mérites pas de gagner autant que les autres », m'a-t-il dit une fois. Ça a clairement brisé quelque chose en moi, parce que ça ne fait qu'un an que je bosse là mais je suis bien plus productive et efficace que mon collègue immédiat, qui lui bosse ici depuis 10 ans. Et j’ai quand même reçu ce genre de commentaire.

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En ce qui concerne les salaires, je gagne le même montant que les collègues de mon âge, même si je suis en fait bien plus instruite qu’eux. Je me rends compte que le monde est vraiment difficile en tant que femme.

Anouk (25 ans) a travaillé à la rédaction sportive de Het Laatste Nieuwswerkte

Lorsque j'ai déposé ma candidature pour le poste de rédactrice en chef de la rubrique sports de Het Laatste Nieuws, mon potentiel patron m’a téléphoné et tout simplement dit : « Je ne veux pas faire de discrimination. Je ne suis pas sexiste. Mais j’ai remarqué par le passé que les connaissances sportives des femmes n’étaient pas toujours au top. Je ne suis donc pas sûr que vous soyez assez compétente pour cette position. » J'ai quand même été embauchée, mais cette conversation m'a donné le sentiment que je devrais prouver toujours plus. Par la suite, j’ai eu la chance d’obtenir les mêmes opportunités que les hommes avec qui je travaillais. De plus, je gagnais autant que mes collègues masculins ayant une expérience similaire.

Une fois, j’ai demandé à un photographe de m’envoyer la photo d’un joueur de football; il a supposé que j'étais une simple groupie, tout simplement parce que j'étais une femme et qu'il recevait souvent ce type de requête. Certains journalistes écrivent encore des choses comme « les bonnes femmes » dans leurs textes. J'ai fait remarquer que ces termes étaient obsolètes et ça a été apprécié.

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Il y a eu tout un temps où l'un de mes collègues venait me voir à mon bureau et se permettait de me toucher l'épaule. Je n’aimais pas ça mais j’ai eu du mal à le dire à d’autres collègues, car c’était tous des hommes. J'avais peur qu'ils ne me comprennent pas ou ne me prennent pas au sérieux. Sur le chemin que j'empruntais pour aller au boulot, j’ai dû souvent faire face à des situations de harcèlement sexuel. Je n'ai jamais osé m’en plaindre au travail, par peur des malentendus ou de ce que mes collègues masculins pourraient penser de moi.

Eva * (23 ans) est responsable de chantier

Je suis l'une des deux seules femmes sur une cinquantaine de gestionnaires de chantier. Aussi, comme je n'ai que 23 ans, c'est parfois difficile pour les gens de m'écouter. Je ne sais pas si c'est parce que je suis une femme ou parce que je suis encore jeune. C'est aussi mon premier job, donc j'ai encore beaucoup à apprendre.

Pour saluer mes collègues, j’avais pour habitude de serrer la main à tout le monde. Mais un de mes chefs a toujours fait en sorte de me faire la bise. Il se rapprochait toujours trop quand on discutait. Cette situation me gênait, donc je lui en ai parlé. Heureusement, les choses se sont arrangées.

Quand j'ai appris que je gagnais moins que mes collègues, j'ai décidé qu’il fallait que j’en parle à mes supérieurs. Ils m'ont écoutée et j'ai été augmentée. Même si je sais qu'il y a toujours d’autres personnes avec la même expérience qui gagnent un peu plus que moi. Maintenant, je me suis défini un certain nombre d'objectifs. Si je les atteints, j'irai de nouveau négocier avec mes patrons.

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Katrijn (29 ans) technicienne de théâtre

Je suis technicienne itinérante. C’est à dire que je vais d’un spectacle à l'autre, dans toutes sortes de centres culturels. Les techniciens des centres culturels sont souvent un peu plus âgés et agissent parfois intelligemment. Lors d'une performance, je devais régler les voix avec un égaliseur. Le technicien du centre culturel a insisté pour m’expliquer quels boutons utiliser. « Je suis sur la route avec eux depuis un moment, je sais quoi faire » lui ai-je gentiment dit. Il s’est excusé avec une pointe de culpabilité.

À plusieurs reprises, il m'est arrivé de débarquer quelque part et qu’on pense que je suis l'actrice. Ça ne me choque pas outre mesure, mais c’est quand même un gros stéréotype. Celui qui me sort un tel cliché recevra de ma part les petits boulots ingrats pendant la mise en place, haha. Mais en fait, je trouve ça très agréable de travailler avec des hommes. Ils sont plus simples, et j'apprécie ça.

* Les vrais prénoms sont connus des éditeurs

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