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FRANCE

« Jambon-beurre contre petits fours » : À la contre-université d’été du Medef

Comme chaque année, des irréductibles manifestants se sont rendus au rassemblement du Medef pour proposer leur « contre-université ».
Une manifestante devant l'université d'été du Medef le 30 aout 2016 (Cyril Castelliti / VICE News)

« Y croire et agir ». C'est le mot d'ordre, en ce mardi et ce mercredi de la fin du mois d'août. Pour son université d'été 2016 à Jouy-en-Josas, le Medef — le Mouvement des entreprises de France — a joué la carte du rassemblement.

Comme chaque année, des irréductibles s'y rendent pour proposer leur « contre-université ». Devant les locaux d'HEC où se réunit durant deux jours le syndicat patronal, deux mondes s'affrontent : étudiants, travailleurs sans-papiers et syndicalistes d'un côté, cols blancs et grosses Mercedes de l'autre. Entre les deux : des policiers à pied, en fourgonnette, et même à cheval.

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Toutes les photos sont de Cyril Castelliti.

Des forces de l'ordre repoussent les militants qui s'approchent trop près de l'université d'été du Medef.

La mobilisation fut festive, la conclusion beaucoup moins. Le rassemblement s'est achevé par des contrôles de police et des échanges tendus avec les forces de l'ordre.

Drapeaux, pancartes, et le Chant des partisans version Zebda à fond dans la sono. Ce mardi, devant l'entrée d'HEC, une centaine de militants de la CGT expose son « contre-programme » : « Semaine de 32 heures, augmentation des salaires, fin de la crise austéritaire ».

« Nous aussi on "croit et agit", mais pas pour les mêmes causes », résume Philippe Toutyrais, membre de la direction départementale de la CGT 78. À 59 ans, le grand gaillard bouge encore la tête sur Hasta Siempre de Natalie Cardone.

L'ambiance est joyeuse et volontairement bruyante. Le but étant surtout de montrer au patronat « qu'on est toujours présent, même après les vacances », s'exclame Philippe.

« Ces gens doivent être pris en compte »

De l'autre côté du barrage de police, c'est un tout autre monde. Costumes et défilé de berlines. Pas de casquette « rouge CGT ».

Certains croient pourtant au dialogue. « Ces gens doivent être pris en compte. Ils sont un certain nombre à s'être mobilisés. Je vois d'ailleurs qu'il y a beaucoup de gens de couleur », remarque un homme qui se présente à nous comme le « directeur d'une institution liée à l'emploi ».

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Malgré cet élan, les différences sont marquées entre les deux camps. Une syndicaliste plante le décor : « Ils dégustent des p'tits fours pendant qu'on casse la croûte avec des jambons-beurre. »

Les manifestants se mobilisent devant les cars acheminant les participants de l'université d'été du Medef.

Ces « hommes de couleurs » évoqués par le directeur sont principalement des travailleurs sans-papiers. Le motif de leur présence : les abus du patronat qui retardent l'accès à la nationalité d'après eux.

« Je me suis fait exploiter » déplore un Sénégalais de 29 ans. « Je dois travailler sous l'identité d'un tiers, le patron en profite pour me payer au lance-pierre », nous explique-t-il sous sa pancarte sur laquelle on peut lire : « Pas de salarié-e-s sans droits dans les entreprises ».

C'est la fin de cette première journée. Le temps de plier bagage, la foule chante en cœur : « De l'argent il y en a, dans les caisses du patronat ».

« Normal ! Il en faut pour créer des emplois », leur lance un participant de l'université d'été coté Medef.

Les manifestants se mobilisent devant les cars acheminant les participants de l'université d'été du Medef.

Merci patron

Le lendemain, rebelote. Ce mercredi on retrouve « Les Jeunes sans Macron », un groupe d'étudiants déjà présent la veille.

Venus pour s'opposer au discours d'Emmanuel Macron — entre-temps annulé, il a démissionné la veille de son ministère — les jeunes se félicitent : « Il a dû avoir peur de nous », plaisante Lucas, un étudiant de 20 ans vêtu d'un tee-shirt Alien, le huitième passager.

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Sont également présents : une cinquantaine de syndicalistes SUD- Solidaires et quelques militants du mouvement Nuit debout qui fait sa rentrée place de la République le soir même.

Des membres des "Jeunes sans Macron".

Face à une foule moins nombreuse que la veille, le syndicaliste de SUD-Solidaires Laurent Pegosse veut rassurer d'emblée : « Souvenez-vous du film Merci patron qui a inspiré la lutte de ces derniers mois : ce sont les minorités agissantes qui inquiètent le patronat. »

Si ce dernier est la source de tous les maux pour les manifestants, beaucoup insistent pour ne pas mettre « Tous les patrons dans le même sac ».

« La plupart connaissent la précarité et ne cherchent pas à toucher des millions. Juste vivre, et « faire vivre » de leur travail », nous explique Arthur, un charpentier de 26 ans. Des propos mesurés par rapport à ce que lancent les plus virulents : « Négriers, escrocs, assassins ! », peut-on entendre.

Des manifestants de la contre-université.

« Ils veulent ficher un maximum de militants »

En fin de rassemblement, la police arrête trois personnes des « Jeunes sans Macron ». Ils ont droit à un contrôle d'identité, à l'écart du groupe.

Raison du contrôle : le slogan « la police, c'est dégueulasse », qui a été scandé dans l'après-midi. Un des Jeunes sans Macron filme la scène discrètement, pendant que des syndicalistes accourent.

« Pourquoi vous ciblez spécifiquement les jeunes pour des propos que nous avons tous tenus ? Il faut que je casse un pare-brise pour qu'on me contrôle aussi ? » lance Laurent Pegosse.

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« Vous, je ne vous parle pas. Vous avez insulté la police. Sans nous, ce serait l'anarchie » répond un policier. « C'est bon, on prend les noms et on s'en va », coupe son supérieur.

Loin d'être impressionné, Pierre 20 ans, pense connaître la raison du contrôle qu'il vient de subir : « Ils veulent ficher un maximum de militants avant la grande manifestation intersyndicale du 15 septembre. » Cette journée doit être la grande rentrée du mouvement d'opposition à la loi Travail.

« Ils vont sûrement s'en servir pour m'interdire de manifester », conclut Pierre.


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