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FRANCE

Les médecins de Vincent Lambert ne se sont finalement pas prononcés

Ce jeudi après-midi, la commission des médecins du patient, plongé dans un état végétatif depuis 2008, ne s’est pas prononcée sur l’arrêt des soins. Elle aurait demandé à la justice de désigner un représentant légal de Vincent Lambert.
Pierre Longeray
Paris, FR
L'hôpital Sebastopol du CHU de Reims, où est hospitalisé Vincent Lambert. (Photo via CHU de Reims)

Le marathon médico-judiciaire de Vincent Lambert, ce tétraplégique plongé dans un état végétatif depuis 2008, ne semble pas près de prendre fin. Ce jeudi après-midi, la commission collégiale de médecins du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Reims, qui devait statuer sur un potentiel arrêt des soins, a été suspendue, et ne s'est finalement pas prononcée. Le cas de Vincent Lambert agite le débat public français depuis des années, le patient est devenu un point de cristallisation et d'opposition des discours sur la « fin de vie » dans le pays.

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La décision de la commission est une surprise pour nombre d'observateurs estimaient plus tôt dans la semaine que cette commission — placée sous la responsabilité de Daniela Simon, le médecin en charge de Vincent Lambert — allait décider d'arrêter la nutrition et l'hydratation de cet ancien infirmier de 38 ans, qui souffre de lésions cérébrales irréversibles depuis un accident de voiture. Depuis cet accident, deux clans se sont formés dans sa famille et se déchirent autour de son sort — les uns souhaitant le garder en vie, les autres, arrêter les soins.

L'équipe médicale aurait également demandé au procureur de la République de Reims une protection judiciaire de Vincent Lambert mais aussi de l'équipe médicale qui le soigne. Le patient aurait fait l'objet d'un projet d'enlèvement circulant sur Internet. Le journal Libération cite un document listant des mesures à prendre pour défendre le maintien des soins, allant jusqu'à des menaces d'enlèvement visant aussi des membres l'équipe médicale de Vincent Lambert « dans un endroit secret, sans alimentation ni hydratation », rapporte le quotidien français.

Un communiqué du CHU de Reims, diffusé cet après-midi, explique que les conditions de « sérénité et de sécurité » ne sont pas réunies pour statuer sur le cas du patient tétraplégique. « En conséquence, le médecin en charge de Vincent Lambert a décidé de suspendre la procédure collégiale placée sous sa responsabilité, » explique le communiqué.

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La mère de Vincent Lambert, Vivianne, a expliqué, après les avoir rencontrés, que les médecins chercheraient à savoir qui est le représentant légal du patient — à savoir, soit ses parents, soit sa femme, Rachel. Les parents du patient souhaitent continuer les soins — soutenus par des frères et soeurs de cet ancien infirmier —, alors que sa compagne, soutenue par le neveu et d'autres membres de la famille de Vincent Lambert, prône un arrêt des soins, ce qui conduirait à son décès au bout quelques jours.

La tension était grande ce jeudi en début d'après-midi, devant le CHU de Reims, où se réunissait la commission des médecins de Vincent Lambert. De nombreux journalistes étaient présents sur place, mais aussi des militants « pro-vie » issus des milieux catholiques traditionalistes, qui soutiennent le combat des parents de Vincent Lambert.

Une cinquantaine de personnes sont là en soutien des parents de — Vincent Rozeron (@Vincent_Rz)July 23, 2015

Après avoir appris la décision de la commission, l'une des soeurs de Vincent Lambert, Marie, et son neveu François — qui prônent tous deux un arrêt des soins — ont dénoncé une instrumentalisation de ce cas par les militants pro-vie.

Marie Lambert, parlant des militants pro-vie : 'c'est une forme de terrorisme catholique qu'ils mettent en place, ils sont prêts à tout'

— François Béguin (@FrancoisBeguin)July 23, 2015

Un parcours judiciaire sans fin

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La procédure collégiale qui a été suspendue ce mardi après-midi, avait début le 15 juillet dernier. Les deux parties — d'un côté l'épouse de Vincent Lambert et de l'autre ses parents — s'étaient rencontrées au CHU de Reims pour un conseil de famille. À l'issue de celui-ci, les parents et deux de leurs enfants — qui soutiennent eux aussi la continuation de soins — ont porté plainte contre l'hôpital et ses médecins pour « tentative d'assassinat et maltraitance ». Les parents souhaitaient changer d'hôpital leurs fils, une requête à laquelle n'a pas accédé le CHU de Reims — ce qui a motivé le dépôt de plainte, selon Me Jean Paillot, avocat des parents.

Le 5 juin dernier, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait confirmé l'avis rendu par le Conseil d'État français en 2014, qui autorisait donc la France à laisser mourir Vincent Lambert, sans l'ordonner pour autant. Comme les autorités françaises, la CEDH estimait que la poursuite des soins constituait une obstination déraisonnable. Ainsi, elle validait la décision médicale d'arrêter l'alimentation et l'hydratation du patient.

À lire : Euthanasie : Sur son lit, Vincent Lambert attend toujours une véritable décision après la décision de la CEDH

La première décision d'arrêter les soins remonte à avril 2013. Le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Reims avait pris la décision d'arrêter d'alimenter et d'hydrater le patient. Mais les parents du patient estimaient ne pas avoir été mis au courant et avaient saisi la justice un mois plus tard. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne leur avait alors donné raison. En janvier 2014, le CHU de Reims annonce à nouveau son intention d'arrêter la nutrition et l'hydratation de Lambert — après une commission collégiale avec les médecins. Mais à nouveau, le tribunal administratif annule la décision des médecins.

L'épouse de Vincent Lambert et le CHU font alors appel de cette décision devant le Conseil d'État, qui juge en juin 2014, que l'arrêt des soins est légal grâce à la loi Leonetti de 2005. Celle-ci encadre la « fin de vie » et permet de lutter contre l'acharnement thérapeutique. Par le biais de cette commission collégiale de médecins, il peut être décidé de « limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie. » Ainsi, la loi instaure un « laisser mourir » sans donner l'autorisation aux médecins de pratiquer une euthanasie active.

Après la désignation à venir d'un représentant légal, le marathon judiciaire et médical autour du cas de Vincent Lambert pourra reprendre, les appels et contestations de décisions aussi.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray 

L'hôpital Sebastopol du CHU de Reims, où est hospitalisé Vincent Lambert. (Photo via CHU de Reims)