Heureux comme des tritons dans l’eau

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Dimanche 30 juin, alors qu’une chaleur écrasante frappe la France depuis plusieurs jours, certains ont trouvé le meilleur moyen d’échapper à la canicule : participer au concours de Mister Triton France. Organisée par Ludo Le Triton, que VICE avait déjà rencontré il y a quelques temps, cette première édition française – et très probablement mondiale – a réuni une dizaine de candidats venus des quatre coins du pays pour se disputer le titre suprême.

Réservée aux tritons amateurs, la compétition consistait en quatre épreuves dont un shooting photo aquatique, une apnée dynamique, avec un minimum de 25 mètres sous l’eau, ainsi qu’un défilé en maillot de bain dans un esprit body positive. Les candidats ont été évalués par un jury de quatre personnes composé notamment d’Océane, directrice et fondatrice de l’école de sirènes Paradis Sirène, et Ingrid la sirène, directrice du concours Miss Mermaid France et gagnante de Miss Mermaid International en 2016.

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A cette occasion, VICE a rencontré plusieurs de ces garçons, adeptes du mermaiding, bien dans leur nageoire qui, solidaires et décontractés, vivent leur passion sans se soucier du jugement des autres. Heureux comme des tritons dans l’eau.

Chris, coup de coeur de VICE

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Cosplayeur depuis plus de huit ans, Chris, qui fêtait ses 30 ans le 30 juin,soit le jour du concours, a découvert le mermaiding il y a trois ans lors d’une séance photo avec un triton, organisée par une amie photographe : « J’ai toujours été fan des créatures mythologiques, en particulier des sirènes. Quand j’ai fait cette séance photo, j’avais des étoiles plein les yeux. Ça ne m’a plus lâché depuis ». Chef caisses dans une enseigne spécialisée dans les produits frais, Chris a depuis lancé sa propre auto-entreprise de création de nageoires et d’accessoires pour sirènes. Pratiquant le mermaiding dans un étang près de chez lui à Orléans, il apprécie ce sport pour le sentiment de liberté qu’il procure : « Avec le silence de l’eau, il n’y a plus rien qui existe autour », témoigne-t-il. Comédien depuis près de 16 ans, Chris voit également dans le mermaiding une manière de devenir quelqu’un d’autre et « de fuir ses problèmes, d’avoir d’autres problèmes que soi-même », au moins le temps d’un plongeon.

« Les hommes sont soumis à une atteinte dans leur virilité à ce niveau-là, c’est ça qui bloque les hétéros »

Si les hommes sont, pour l’instant, peu à pratiquer le mermaiding, c’est selon lui parce que la sirène reste considérée comme une créature principalement féminine, notamment du fait de la mythologie grecque. « Les hommes sont soumis à une atteinte dans leur virilité à ce niveau-là, c’est ça qui bloque les hétéros », analyse-t-il, avant de confier : « Moi, mes parents m’ont foutu dehors quand j’avais vingt ans parce que j’étais gay. Quand on a déjà assumé ça, forcément c’est plus facile ». Et en effet, avec ses longs cheveux rouges, Chris est habitué à affronter les regards, en particulier dans son travail : « Ça fait partie de mon quotidien, je suis souvent dévisagé », déplore-t-il. « Il fut un temps où j’étais énormément dans le combat contre l’homophobie, mais je me suis rendu compte que c’était très fatigant », conclut le jeune homme qui préfère désormais se consacrer à sa passion sans faire de vagues.

Aurélien, deuxième dauphin

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Venu de la campagne d’Angoulême où il réside avec son compagnon, Aurélien est responsable des poissons dans le rayon animalerie d’une jardinerie. Passionné par le milieu aquatique depuis tout petit, Aurélien a fait beaucoup de natation étant plus jeune avant d’abandonner : « Ça manquait de rêverie », confie-t-il. Grâce au mermaiding, découvert par le biais de vidéos YouTube, l’apprenti triton a pu renouer avec la natation de façon beaucoup plus douce. Relativement réservé dans sa vie civile, Aurélien a également trouvé dans ce hobby une pratique émancipatrice. « J’ai un peu de mal avec mon corps. Le mermaiding permet de devenir quelqu’un d’autre, aide à surmonter les regards et à s’accepter comme on est, confie-t-il. Sous l’eau plus personne ne m’embête, je peux enfin être moi-même ». Plus encore, cette pratique permet selon lui, en se créant un autre monde, de vivre temporairement « dans une réalité parallèle au monde des humains » et « d’oublier toute leur brutalité ».

« Le mermaiding permet de devenir quelqu’un d’autre, aide à surmonter les regards et à s’accepter comme on est. Sous l’eau plus personne ne m’embête, je peux enfin être moi-même »

Pour ce Charentais rêveur, pratiquer sa passion en tenue complète n’est pas toujours chose aisée, la plupart des piscines refusant qu’il nage avec sa nageoire de triton. Quand il le peut, il part nager dans une rivière près de chez lui, et même en mer dans le sud-ouest de la France, attirant de nombreux regards « assez bizarres ou épatés ». Ayant déjà vu passer des commentaires virulents sous un article le concernant, Aurélien conclut : « Il faut de tout pour faire un monde, et ce que les gens trouvent normal aujourd’hui n’était pas forcément considéré comme normal quand ça a commencé. En attendant, je ne m’attarde pas sur ce genre de personnes et je vis ma vie ».

Alexandre, premier dauphin

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Résidant près de Clermont-Ferrand, Alexandre, 22 ans, a découvert le mermaiding par le biais de sa copine Laurianne – aussi connue sous le nom de Miss Kawaii, la sirène auvergnate. « Au début je trouvais ça loufoque mais j’ai fait cinq ans de natation et j’adore être sous l’eau, si je pouvais j’y resterais. Avec les palmes, au niveau performance physique c’est pas du tout la même force au niveau des jambes », reconnaît ce peintre dans l’aéronautique, qui pratique cette passion en couple depuis près de cinq ans, mais ne l’assume publiquement que depuis un an.

« A force, ça devient un combat et ça me donne encore plus envie de réussir, de dire “moi je suis hétéro et je réussirai quand même” »

Depuis, Alexandre suscite l’émerveillement mais aussi parfois des moqueries, auxquelles il ne prête pas attention. « Les mecs ne voient pas le côté viril »; déplore cependant le jeune homme, qui puise son inspiration dans les mythologies nordiques et le style viking pour son personnage de triton : « Ça me fait plus penser à Poséidon ou à son fils, il y a un côté combatif ». Et combatif, Alexandre l’est plus que jamais, surtout pour affronter les vannes qu’il a subies au travail en acceptant de s’exposer : « Mes collègues, même les filles, ça les fait rigoler. A force, ça devient un combat et ça me donne encore plus envie de réussir, de dire “moi je suis hétéro et je réussirai quand même” », conclut le premier dauphin, soit le numéro 2 du concours.

Kewin, Mister Triton 2019

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Acheteur pour une société de télésurveillance dans sa vie civile, Kewin, 30 ans, a découvert qu’on pouvait devenir triton il y a à peine un an. « J’ai fait de la natation pendant longtemps et ça a été un moyen de m’y remettre », explique celui qui s’entraîne désormais une fois par semaine en piscine avec sa simple monopalme. Appréciant ce loisir pour son côté féérique et magique, le Nantais va aussi nager et faire des photos sur la côte lorsque la météo le permet, parfois accompagné de sa petite fille, bien qu’elle ne pratique pas encore le mermaiding.

« Quand j’ai découvert le profil de Ludo et vu qu’il organisait un concours, j’ai mis du temps avant de savoir si j’allais le faire, confie Kewin. J’ai d’abord acheté la nageoire et à la fin de l’année, j’ai décidé de m’inscrire ». Une décision plus qu’heureuse puisque ce tout jeune triton, « très stressé en attendant l’annonce des résultats » est devenu dimanche le premier Mister Triton de France et, apparemment, du monde. Pour bien commencer ce mandat, il sera invité dès ce weekend à Nantes pour le salon La Mer XXL, où il nagera dans de grands aquariums, sa couronne dorée, gagnée lors de Mister Triton, fièrement posée sur la tête.

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