Culture

Comment le design pourrait changer la crise des réfugiés ?

Le changement est dans l’air à l’exposition « Transitions : Migration and Travel » de Design and Flow (D&F) à l’Industry City pour la NYC x Design Week 2016. La plateforme new-yorkaise de design, fondée par Hala A. Malak et Reina Arakji, rassemble le travail de douze artistes, organisations et innovateurs pour entamer une discussion sur les conditions actuelles de migrants et demandeurs d’asile. « Nous pensons qu’il est très opportun d’investir dans des projets qui créent véritablement un changement social sur le long terme, « explique Malak à The Creators Project. Cette année, dit Malak, « nous voyons comment le design peut jouer un rôle en facilitant les migrations et les voyages avec un intérêt particulier pour les réfugiés ».

Ghata, un abri pour réfugiés dessinés par l’architecte et Professeur Rabih Shibli, est au cœur de l’initiative de D&F. Construit en dehors de l’exposition-même, avec son revêtement en contreplaqué et son odeur de bois fraîchement coupé, le Ghata dénote dans le paysage industriel de Brooklyn. « Il a été conçu comme un abri multifonctions : c’est facile à construire, facile à démonter », dit Malak. Selon la cofondatrice, la structure prend à peine six heures de montage et seulement trois pour le démontage. Ainsi, « il prend le contre-pied d’initiatives, comme celle d’Ikea, qui sont géniales sur le papier mais ne sont pas simples à mettre en place », ajoute-t-elle.

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Le concept a, en fait, déjà été testé pour faire face à l’afflux massif de réfugiés à Beqaa, au Liban, et va bientôt faire son chemin dans les camps de Jordanie. À Beqqa, huit Ghatas sont actuellement en service, protégeant les réfugiés des éléments de la vallée fertile : Shibli a pensé Ghata pour protéger de l’eau, du vent ou de la neige.

Si cette structure est multifonctions, l’usage principal qui a été fait de Ghata est d’avoir offert des écoles à des milliers d’enfants réfugiés dans les camps. « L’éducation est fondamentale », dit Malak. »Et [l’école Ghata] a réussi jusqu’à présent à apporter une éducation à plus de 3700 enfants à Beqqa, de façon efficace, abordable et durable. »

Une facette du projet Ghata est aussi d’encourager les réfugiés à construire ces abris eux-mêmes. Le projet promeut l’utilisation de matériaux locaux et faciles d’accès et le design s’adapte très bien à tout type d’endroit. À Beqqa, par exemple, les structures sont faites de murs en contreplaqué fini et de supports et bases en acier, tandis que celle de New York a été adaptée pour être construite en contreplaqué non-fini. Ghata permet aussi la customisation de la structure : en contraste avec l’apparence extérieure austère de la reproduction exposée à « Transitions : Migration and Travel », celles de Beqaa regorgent de couleurs, grâce à la participation de ses jeunes occupants. « C’est très beau », nous dit Malak..

Si Ghata est le projet phare dde la NYC x Design Week de D&F, il n’est que l’un des onze projets présentés. « Nous voulions amener des projets vraiment pertinents, que ce soit pour faire prendre conscience, débattre ou de véritables interventions de design », commente Malak.

La carte interactive de Lucify, Visualizing European Migrant Crisis, par exemple, utilise des données open-source pour montrer les mouvements diachroniques des demandeurs d’asile arrivant dans les pays européens. Les visualisations dynamiques du projet de Lucify, disponible en ligne et sur les appareils portables, ont à leur tour inspiré des écharpes faites main par Slow Factory, en collaboration avec D&F. Les designers ont superposé une image de l’Europe par la NASA avec la visualisation de Lucify. Comme tous les produits de Slow Factory, les écharpes sont 100% respectueuses de l’environnement et proviennent du marché équitable de la soie.

La mobilisation de la mode pour une évolution sociale est représentée dans les œuvres Wearable Homes de Mary Mattingly et Playground of Da Americas a.k.a. Hood Buys Everything de Jahnkoy. Le projet de Mattingly utilise des tissus fonctionnels — protection UV complète, résistance à l’eau, régulation de la température — pour vivre et survivre, comme son sac de couchage portable ou son appareil de flottage portable. Jahnkoy, l’étudiant lauréat de la Parsons School of Design cette année, mêle design durable et savoir-faire traditionnel pour des créations saisissantes faites de sacs en plastique recyclés et de cristaux Swarovski.

La sculpture de 200 Grs, intitulée Sift, représente quant à elle l’expérience harassante, douloureuse et frustrante du réfugié en plaçant des dizaines d’épingle dans une passoire suspendue. La dispersion des épingles qui s’échappent de la pression de la masse illustre la traversée des frontières. De plus, 200 Grs a collaboré avec D&F pour créer cinq autres produits liés à l’expérience des réfugiés. D&F a également collaboré avec Amelia Black pour lancer ses séries de céramiques et avec Choux à la Crème pour leur Paper Emergency Kit.

Les créations d’Obeida Sidani, Al-Manfa (Exile) et d’Azra Aksamija, Cultural Transfers, se rangent dans la catégorie conceptuelle de la manifestation. L’installation de Sidani utilise la calligraphie arabe pour raconter une histoire sur les impacts émotionnels et physiques de la migration. Le travail d’Aksamija fait usage des images islamophobes, utilisée sur des tracts et affiches dans des manifestations populistes de par l’Europe et les transforme en panneaux de signalisation, tournant en dérision ces réactions. L’exposition est soulignée par la composition de Karim Douaidy, You’re Not Supposed to Be Here.

Enfin, le projet lauréat de Design To Improve Life, Welcome Suitcase, a été fait par des écoliers danois : cette valise comprend des jeux, des livres faits main et des peluches pour accueillir les enfants réfugiés et leur apprendre quelques trucs sur la vie d’un enfant au Danemark.

L’exposition de Design and Flow pour la NYC x Design Week a lieu jusqu’au 17 mai 2016. Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page Facebook de D&F.