Si une chose est sûre en ce début 2017, c’est que l’année risque d’être chargée pour les photographes : manifestations en masse, memes viraux… Les temps incertains étant toujours porteurs de création, l’International Center of Photography (ICP), à New York, a d’ores et déjà désigné 2017 « Année du Changement social » — qui se traduit par une programmation d’événements, tout au long de l’année, témoignant de l’impact de la photographie sur la société, la culture et la politique.
Une première exposition ambitieuse inaugure ce projet : « Perpetual Revolution : The Image and Social Change ». Pour sa commissaire, Coral Squiers, « l’intérêt pour les images n’a jamais été aussi grand ». De fait, elle se concentre sur six problématiques contemporaines cruciales : le mouvement Black Lives Matter, la fluidité des genres, le changement climatique, la propagande terroriste, la crise migratoire et la droite alternative américaine appelée alt-right. Chacune des sections s’attache à montrer comment ces sujets ont été façonnés par une culture visuelle unique et comment les nouveaux modes de production et de distribution façonnent ces cultures visuelles en retour.
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La première partie, « Black Lives (Have Always) Mattered », curatée par Kalia Brooks, donne une myriade de visages à ce mouvement qui a d’abord été matérialisé par le hashtag #BlackLivesMatter. Les murs sont envahis d’hommages et leurs hashtags correspondants aux hommes et femmes noirs tués par des policiers ces dernières années et des images de vidéos en noir et blanc du Mouvement des droits civiques qui ont marqué l’histoire américaine dans les années 1950-1960. Plus loin, la sélection de Cynthia Young pour « Climate Changes » inspire à la fois peur et espoir : se côtoient des preuves évidentes de la montée des températures et de la fonte des glaces et des images de manifestations écologiques.
« Fluidity of Gender », curatée par Squiers et Quito Ziegler, montre comment les communautés queer et trans se représentent elles-mêmes, à travers un choix de photographies et de vidéos qui illustrent la façon dont elles se retrouvent et se protègent en ligne. « Internet est un tuyau d’informations et de mise en place de communautés pour de nombreuses personnes qui seraient complètement isolés dans leur différence sinon », dit Squiers, « et c’est utilisé à ces fins depuis de nombreuses années ».
Squiers s’est aussi occupée, avec l’aide d’Akshay Bhoan, de « Propaganda and the Islamic State » : une étude de la communication médiatique complexe qu’opère Daech depuis ces dernières années. Un travail qui n’a pas été de tout repos, le matériel visuel regorgeant d’images violentes. « On peut tomber sur une vidéo terriblement violente », dit Squiers, « ou qui contient un récit historique intéressant jusqu’à ce que vous tombiez sur des scènes d’extrême violence qui ont été montées très rapidement ».
« Être associé à ce matériel est aussi porteur d’anxiété », continue Squiers. « Expliquer à des gens pourquoi quelqu’un voudrait regarder la propagande de Daech, ce qui n’a pas tant été une volonté de la regarder mais un sentiment qu’il était nécessaire de la combattre. »
D’autres défis se sont présentés à Joanna Lehan, qui a curaté la section sur la crise migratoire en Europe, « The Flood : Refugees and Représentation ». « Comment couvrir quelque chose d’aussi vaste que la crise des réfugiés en Europe ? », interroge Squiers, à un moment où les organisations réduisent leurs budgets et embauchent moins de photographes ? » C’est la question à laquelle tentent de répondre les images sélectionnées, prises par des photojournalistes, des artistes ou des réfugiés.
Enfin, les commissaires Susan Carlson et Claartje van Djik se sont intéressées au vocabulaire visuel de l’alt-right. Cette dernière partie, intitulée « The Right-Wing Fringe and the 2016 Election » expose des images que ce mouvement conservateur a largement diffusées au cours de la campagne présidentielle américaine — et qu’il continue d’employer sous la nouvelle présidence.
Les six problématiques qui sont au cœur de cette exposition inaugurale nous sont familières : elles ont rythmé les actualités et événements des mois passés, et continuent de le faire. Le but de « Perpetual Revolution » est de les condenser dans un seul et même espace, invitant le spectateur à y voir des connexions et comprendre l’Histoire à laquelle il assiste.
« Perpetual Revolution : The Image and Social Change » est à voir jusqu’au 7 mai 2017 à l’International Center of Photography, à New York. Toutes les infos en cliquant ici.