Il y a quelques années, avant de proposer une interview de Hyacinthe à son rédacteur en chef, il fallait être un brin fougueux, préparer de solides arguments, et miser sur une série d’événements aléatoires pour espérer décrocher une publication. Aujourd’hui, le rappeur passe sur France Inter, squatte la grille d’infos de LCI, et bénéficie du relais des Inrocks et de Clique à chaque mise en ligne d’un nouveau clip. Mieux, il a su laisser de côté le côté « grosses bites » de DFHDGB en réduisant drastiquement la fréquence, autrefois frénétique, des punchlines phalliques dans ses textes. Épuré de ce contenu trashouille, son premier album, Sarah, tend vers des ambiances particulièrement sombres, et nous amène à découvrir un Hyacinthe que l’on qualifiera, au choix, de dangereusement dépressif ou de profondément émo.
Surnommé HyaHya par ses fans les plus hardcore, ceux qui achètent les yeux fermés ses posters et calendriers, au point de provoquer des ruptures de stock quelques heures seulement après la mise en vente – ces tarés vont même jusqu’à comparer le Sarah de Hyacinthe au 808s and Heartbreak de Kanye West-, le jeune parisien jouit aujourd’hui d’une belle crédibilité et d’une exposition à faire pâlir de jalousie bon nombre de rappeurs en France. Quelques jours après la sortie de Sarah, qui réalise un excellent démarrage, nous avons donc eu l’occasion de nous entretenir une bonne heure avec lui, pour parler entre autres de drogues, de sa relation chaotique avec son père, de Gérard Manset, de sa ressemblance physique avec Etienne Daho, et la raison pour laquelle sa bite a disparu de ses textes.
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Noisey : C’est le premier projet où tu n’es pas en total indé, ça a changé quelque chose dans ta manière de travailler ?
Hyacinthe : Les gens se posent souvent la question, effectivement. D’un point de vue pratique, l’album a été écrit et enregistré exactement de la même manière qu’avant, puisque je n’avais encore rien signé avec personne. Une fois l’album quasiment masterisé, Wagram est arrivé, avec la possibilité de pousser un peu plus au moment de la sortie, en distribuant le disque dans les magasins, et en aidant sur la promo. Mais artistiquement, j’ai tout fait tout seul, avec les mêmes moyens que d’habitude. J’avais même déjà tourné certains clips, comme « Sur Ma Vie » ou « Sarah ».
Ça a l’air d’aider pour la promo, quand même. Comment tu t’es débrouillé pour finir sur France Inter et LCI ? C’est donc ça qu’on appelle le White Privilege ?
J’ai couché, principalement.
C’est tout à ton honneur. Tu as signé uniquement pour ce projet ?
Oui, je sais pas du tout comment ça va se passer pour la suite, on va déjà voir comment ça se passe pour cet album. Ensuite, on prendra les décisions avec mon équipe.
Du coup, est-ce que tu crains la première semaine ?
J’en ai absolument rien à branler. Je suis à un niveau où je veux juste que ma fanbase kiffe, je cherche pas à faire un buzz sur un morceau, je suis sur un développement long. Et je trouve ça cool, parce que je suis à peu près sûr d’être encore là dans cinq ans, là où d’autres mecs qui font des millions de vues cette année ne seront plus là depuis longtemps.
Tu prends quand même en compte les réactions de ton public, ou tu continues à faire ta musique comme t’as envie de la faire, quoi qu’il arrive ?
Ça dépend, mon ressenti passe avant, forcément. Je vois ce que les gens disent, et parfois je trouve ça pertinent. Mais je suis vraiment pas là pour faire du fan service, et par exemple, je sais que certains vont être déçus que mon style soit un peu moins trash qu’avant. Je suis désolé pour eux, mais je suis là pour faire une musique qui me correspond, et cet album est clairement le projet qui me ressemble le plus. Je veux juste faire les plus belles chansons possibles et tracer ma route. Et puis, j’ai l’impression que les gens kiffent à rebours. Les premiers extraits sortis il y a quelques mois, j’avais pas mal de retours mitigés, et quelques mois plus tard, les mêmes personnes comprennent le truc, et apprécient la démarche. J’essaye vraiment de créer un rapport de confiance avec mon public.
« J’suis Morsay avec de l’autotune, Nekfeu avec de la drogue dure »…
[Il coupe] Non, c’est Manset, pas Morsay. Je sais, j’articule super mal.
Ok, je commence super mal mon interview.
Je parle de Gérard Manset, un chanteur français qui est à la fois ultra-culte pour les connaisseurs, et très peu connu du grand public. C’est un mec qui fait des albums tout seul dans son coin depuis cinquante ans, que des trucs un peu expérimentaux, bizarres… Ça défonce. C’est une vraie inspiration pour moi, et même un modèle, dans la musique comme dans la vie.
Alors du coup ma question était : qu’est ce qui te rapproche de Manset, et qu’est ce qui te rapproche de Nekfeu ?
Pour Manset, ce serait la façon dont je suis en train de construire ce qui ressemble à une carrière, en restant un peu dans mon coin, et sans trop me préoccuper de l’avis des gens. Sur cet album je tente des choses plus chantées, mais demain je vais peut-être faire un album de metal [Rires]. J’essaye de garder un maximum de liberté dans ce que je fais, aussi bien dans la musique que dans la vie.
Et Nekfeu ?
C’est parce que je suis très très technique, mec [Rires]. Technique comme Nekfeu ! Technique comme un rappeur blanc !
Et pour la drogue dure ? C’est juste une image pour dire que t’es plus sombre que Nekfeu, ou c’est quelque chose qui fait réellement partie de ta vie ?
Ça m’est arrivé de prendre de la drogue dure, comme, je pense, énormément de gens ,bien que ce soit pour eux un sujet tabou. Je suis absolument pas un junkie, mais je crois énormément en cette idée de « plaisir adulte ». Certains trucs sont acceptés moralement par la société et d’autres non, mais quand t’as testé les deux, honnêtement : que tu boives quarante-huit pintes, ou que tapes de la drogue dure en soirée, ton état le lendemain sera sensiblement le même. Je conseille évidemment pas la drogue dure à qui que ce soit, mais oui, ça m’arrive d’en prendre et de faire la fête.
« J’ai fait un cauchemar, j’ai rêvé que j’étais un mec bien, j’ai rêvé que j’étais un mec sain ». Qu’est ce qui te pose souci dans le fait d’être quelqu’un de bien ?
Ce qui me pose principalement souci, c’est que j’aurais pas pu faire cette punchline [Rires]. Mais sinon, quand je dis « faire le mec bien », ça veut un peu dire « faire le mec chiant », tu vois ? Les mecs bien sont parfois des mecs un peu chiants.
Et les mecs moins bien sont moins chiants ?
Ouais… Du moins, ils sont plus fun. Après, sur le long terme, c’est peut-être un peu plus compliqué.
Ton projet est globalement super sombre et triste, et il m’a fait penser à cette phrase que Casey a sorti en interview chez Yard : « Je n’aime écrire que sur ce qui ne va pas. Quand ça va, j’en ai rien à foutre, j’ai juste envie d’être au parc, avec une glace à la vanille. Quand ça va bien, je le vis, et quand ça va mal, je l’écris ». J’ai l’impression que tu vois un peu les choses de la même manière.
Oui et non… Honnêtement, j’écris plus facilement quand je vais bien que quand je vais mal. Mais oui, je pense que c’est simplement lié au fait que je suis plus doué pour faire des chansons tristes que pour faire des chansons joyeuses. C’est peut-être là-dessus que je rejoins là-dessus, je me trouve meilleur, ou du moins plus pertinent, quand je fais des trucs un peu mélancoliques.
Du coup, tu tentes quand même des morceaux un peu joyeux de temps à autre, ou tu restes confiné à cette espèce de zone de confort ?
C’est pas mon instinct, mais j’ai quand même l’impression que mes nouvelles chansons sont moins sombres que celles d’avant ?
Ah ouai ? Bah putain !
Pas toi ?
Pas du tout, j’ai l’impression qu’à chaque disque, tu plonges un peu plus dans les abysses.
Peut-être, j’ai pas forcément le recul nécessaire. Mais je pense que c’est dû au fait que sur cet album, c’est la première fois que je me livre autant. Je parle beaucoup de mon passé, de trucs super personnels, j’étais jamais allé aussi loin dans l’introspection.
C’est aussi ce qui donne une dimension très émo à cet album. C’est quelque chose que t’assumes, ou tu trouves ça te gêne que je dise ça ?
Non, ça me dérange pas du tout. De façon générale, j’accepte les étiquettes, parce que ça permet aux gens de s’y retrouver, et d’avoir une porte d’entrée vers mon univers. Et oui, je pense que je suis un garçon émotif, dans la vie. Je suis un rappeur au coeur sensible.
C’est une tendance dans le rap actuel, ce côté très émo, le rap redevient particulièrement mélancolique. Rien que PNL, c’est que ça. Par exemple, quand tu les entends parler de « sourire à l’envers », est-ce que tu te dis « merde, j’aurais dû y penser à leur place » ?
Je ne pense pas, parce que j’ai l’impression que mes meilleurs textes sont ceux dans lesquels je parle d’aspects très précis de ma vie, donc je ne suis jamais tenté de m’inspirer des textes des autres. Mes meilleures punchlines sont autobiographiques, et j’ai parfois l’impression qu’il faut qu’il m’arrive une couille dans la vie pour que je puisse en faire une punchline cool.
Tu parles beaucoup de ton père dans cet album. Tu le faisais déjà épisodiquement dans tes précédents projets, mais cette fois-ci, c’est très prégnant. On peut en parler ou ça te pose souci ?
On peut en parler, aucun problème. Dans le titre « Mélancholia », je dis « je suis construit sur une faille sismique ». Ça correspond au début de mon adolescence, une période pendant laquelle j’habitais seul avec mon père, et ça s’est relativement mal passé. À la période de ta vie où tu es supposé te construire, je me suis retrouvé au centre d’une situation où toute ma cellule familiale était complètement en train d’exploser. Je me suis retrouvé seul pendant toute cette période, alors que c’est logiquement le moment de ta vie où tu te sociabilises, où tu construis des relations. Et c’est effectivement la première fois où je reviens sur ce sujet, pour la simple raison que je suis en train de devenir un adulte, je ne suis plus un adolescent. Je suis en train de construire ma vie, j’ai fait un travail sur moi-même pour comprendre qui je suis, d’où je viens, et la façon dont je me suis construit. Et c’est maintenant que je ressens l’importance de la place du père dans ma construction personnelle.
L’écriture t’a servi à exorciser certains démons ?
Je pensais à ça, oui. C’est pas forcément une démarche consciente d’exorcisme, mais quand j’écris, j’arrive à mettre des mots sur des choses qui me sont arrivées. Le titre Sur mes paumes, sur lequel j’explique que j’ai peur de ne pas pleurer à l’enterrement de mon père, c’est une vraie peur que j’ai… Et avant d’écrire ce morceau, je n’avais jamais mis le doigt dessus.
Je pense que c’est une peur qui touche beaucoup de monde.
Effectivement, j’ai l’impression qu’on est beaucoup à ressentir ce truc. Autour de moi, plusieurs personnes ayant écouté ce titre m’ont dit qu’elles ressentaient la même chose, sans avoir su mettre de mots dessus.
Bon, on va parler d’un truc moins déprimant : dans cet album, tu parles beaucoup moins de ta bite. C’est une démarche consciente, tu t’es dit « je suis adulte maintenant, il faut que je passe à des sujets un peu plus sérieux », ou ça s’est fait naturellement ?
C’est complètement conscient. J’ai l’impression qu’avant, je racontais les mêmes choses que dans cet album, mais à cause de ça, on passait à côté. Parfois, j’écrivais un truc super perso, que j’avais du mal à sortir, à propos de moi, ou de mon daron, mais comme la mesure suivante c’était une punchline sur ma bite, les gens ne retenaient que ça. Pour être honnête, à un moment donné, j’étais complètement exaspéré que les gens me voient uniquement comme un rappeur trash et vulgaire. C’est rageant, parce que t’essayes de faire de la bonne musique, et t’as l’impression que tout le monde passe à côté de l’essentiel.
Ta bite, c’était un peu l’arbre qui cache la forêt.
Exactement ! Tu te rappelles du morceau « Meurs », à la fin ? Il y a une phrase où je dis «reprends un peu de liqueur pour les doutes disparaissent comme mon père », et c’est une vraie phrase que je considérais comme importante pour moi, parce que c’était la première fois que j’en parlais de façon aussi frontale… Tout le monde l’a zappé parce que trois phrases après je disais un truc con sur ma bite. Parler de sa bite, c’est marrant, et puis on fait quand même du rap français, tout le monde le fait. J’ai l’impression que les punchlines sur le sujet, je les ai toutes faites. Et puis, je pense quand même avoir été bon là-dedans. Peut-être pas autant qu’Alkpote ou Kaaris mais j’en ai sorti des bonnes. Ça reste un exercice de style intéressant, mais ça n’a jamais été l’essentiel de mon taff, alors que c’est tout ce qu’on a retenu. J’ai donc volontairement mis ça de côté sur cet album… Ma crise d’adolescence est terminée.
Niveau sonorités, t’as beaucoup expérimenté sur cet album.
J’ai l’impression que c’est mon projet le plus expérimental, et pourtant, je n’ai jamais eu autant de bons retours sur ma musique. Et j’accepte ce rôle au sein de la scène française, qui fait que je suis parfois le premier à aller sur certains terrains. Les prises de risques, ça va avec. Mon développement est plus lent, j’en ai conscience : ça aurait été plus simple si je m’étais contenté de suivre certaines modes ou certains tendances. Mais c’est aussi ce qui fait que des gens me suivent depuis 4, 5 ans, et le feront encore pendant au moins autant d’années : je ne laisse pas ma musique tourner en rond.
T’es satisfait de ta place dans le rap ?
Je kiffe. J’étais un peu en marge il y a quelques années, mais j’ai l’impression d’en être sorti et d’être à la croisée de plusieurs scènes, aujourd’hui. Je commence à parler à des gens un peu différents, je peux croiser un groupe de pop à la mode où le dernier rappeur, ou des gens de la musique électronique, et tous vont comprendre et apprécier mon travail.
D’ailleurs, dans la construction de tes morceaux, tu t’éloignes de plus en plus du rap. Alors ok, le schéma classique 16 mesures – refrain – 16 mesures n’est plus forcément la norme absolue, mais toi, tu peux faire des couplets de 8 voire 4 mesures, beaucoup de ponts, des passages uniquement instrumentaux en plein milieu des morceaux … Comment s’est faite cette évolution, chez toi ?
C’est lié à la façon dont je suis en train d’évoluer dans ma vie. J’essaye de me libérer de plus en plus de codes. Il reste des codes rap parce que c’est la musique que j’ai écouté toute ma vie, et que j’en maîtrise les codes, mais je me suis accordé une grande liberté d’interprétation et donc de construction des morceaux. Je trouve ça assez excitant que tu saches pas à quel moment le refrain va arriver, que tu te demandes si après le pont il y aura un seize mesures ou un instru, etc. J’ai beaucoup varié là-dessus, pour qu’il n’y ait aucun moment où tu t’ennuies en écoutant l’album, et aucun moment où je tombe dans des facilités.
Mais je fais aussi très attention à ne pas faire de la musique bizarre juste pour faire de la musique bizarre… Ça ne m’intéresse vraiment pas. Je suis dans une démarche où tout doit rester toujours très catchy et agréable à écouter. C’est ce que j’aime le plus dans la musique. Il y a par exemple un musicien électronique que j’adore, Clark, qui est certes, bizarre, avec des rythmiques chelous qui partent dans tous les sens, mais il y a toujours un moment donné où il te rattrape avec une belle mélodie. T’as l’impression qu’il est en train de te casser la gueule, et au moment où t’es en train de tomber, il te rattrape et il te prend dans ses bras en te disant « ça va aller ». Un peu comme quand tu baises avec ta meuf, y’a toujours des moments cool qui succèdent à des moments plus brutaux. J’ai l’impression qu’il y a un peu de ça dans ma musique.
Etant donné que tu fais des choix très précis et très marqués en termes de sonorités, comment s’est passé le taff avec les beatmakers sur ce projet ?
Encore plus qu’avant, j’ai eu un vrai rôle de chef d’orchestre. Le processus, c’est : je fais un morceau avec un beatmaker, j’enregistre les couplets, le refrain, et selon ce qui manque à ce moment là, j’envoie le titre à un deuxième beatmaker. Généralement c’est Krampf, mais ça peut aussi être quelqu’un d’autre. Le morceau le plus représentatif de ma manière de travailler c’est évidemment Sur ma vie : je l’ai commencé avec Math Mayer, puis Krampf a pris le morceau en main, l’a envoyé à Von Bikräv, du collectif Casual Gabberz, pour qu’il ajoute un kick gabber. Et pour finir, je l’envoie à Nodey, et je lui dis « démerde-toi avec ça ».
Ok. L’album s’appelle Sarah. C’est ta muse ?
Muse, je sais pas, mais c’est ma petite amie. Mais mes précédents projets lui étaient déjà dédiés, les gens qui font attention aux titres des chansons peuvent le comprendre. Au fur et à mesure des albums, tout est lié.
T’es le genre d’artiste qui a besoin d’une inspiration féminine pour créer ?
Je crois, oui… C’est un des thèmes principaux de ma musique, c’est certain. En tout cas, j’aime bien en faire des chansons, donc oui, je suppose qu’on peut dire que ça m’inspire beaucoup.
Le dernier clip en date, « Le Regard Qui Brille », est un featuring avec Ammour. Est-ce que c’est ce Ammour qui explique le titre de tes premiers projets, ces énigmatiques Sur la route de l’Ammour volumes 1 et 2, à propos desquels tout le monde se posait la question ?
Je laisse aux gens se faire leur propre avis, mais ça me semble assez explicite. C’est pas vraiment compliqué à comprendre.
Et donc, Ammour, cette chanteuse, qui est-elle ?
C’est une chanteuse très talentueuse, qui était déjà présente sur mon album précédent, sur « Dans Tes Bras » et « Le Milliard Et Une Vie ». Elle prépare son premier EP là, et on cherche des prods, donc s’il y a des beatmakers stylés qui lisent cette interview, faites signe.
Je m’en rappelle très bien. On peut prendre quelques minutes pour dire un mot sur les autres featurings de l’album ? Jok’Air, par exemple, votre relation artistique dure depuis quelques années. Comment vous vous êtes connus ?
On était en Seconde ensemble, au lycée, et on se faisait virer de cours ensemble pour des motifs complètement débiles. C’est super cool qu’on ait pu se suivre par la suite, dans la musique, à travers des featurings ou même des concerts. On a le même tourneur, je fais parfois ses premières parties… On a aussi le même prof de chant, qui nous fait travailler comme des brutes. Il y a un respect mutuel entre nous, que je n’ai encore jamais ressenti chez un autre rappeur français. Lui et Davidson, ce sont les seuls mecs qui nous ont aidé, et qui ont dit publiquement qu’ils appréciaient notre taff. Pourtant, on fait pas du tout la même musique, et on a pas du tout le même public. Et c’est con, mais y’a pas cinquante rappeurs, en France, qui auraient accepté qu’on leur mette des petites larmes sous les yeux pour un clip.
Effectivement. Ensuite on a Les Pirouettes… J’imagine que c’est toi qui es allé les chercher.
On se connait depuis environ deux ans, et c’est Kevin El Amrani qui nous a présenté, puisqu’il a fait tous leurs clips, et qu’il a fait certains des miens. On est devenus potes, on a fait des soirées ensemble. En bossant sur cet album, je me suis posé, et je me suis demandé avec qui je voudrais faire des feat… Et je crois que je ne suis pas très doué pour bosser avec des gens qui ne sont pas mes potes, tout simplement. Je trouve ça cool de faire un son avec des gens qui ne sont pas forcément dans mon univers. L’ambition c’était de faire un titre qui concilie les années 2010 et les vieux feat rap/rnb des années 90/2000. Je suis super content de ce morceau.
Laylow, c’est le featuring qui me semblait presque le plus évident pour toi. C’est tellement logique que j’étais pas surpris.
C’est un des premiers morceaux que j’ai fait sur cet album. C’est lui qui m’a proposé qu’on fasse un titre ensemble, j’étais chaud parce que je suis très fan de ce qu’il fait. On fait le morceau, je le trouve vraiment chaud, alors je fais le forceur pour qu’il me le laisse et que je puisse l’intégrer à mon album. Il a accepté, big up à lui. Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est qu’on a fait le morceau de manière très instinctive, du coup il y a une espèce d’énergie et de lâcher-prise, c’est pas du tout cérébral.
L.O.A.S, je te pose pas la question de savoir pourquoi ce feat, et comment s’est faite la connexion, mais question bête : étant donné qu’il a lui aussi sorti un album il y a peu de temps, et que ça s’est passé de la même manière que toi -album enregistré en amont, puis distribution par une maison de disques-, est-ce que vous allez faire un concours de bites en comparant vos chiffres de ventes ?
J’espère qu’on va pas faire ça ! [Rires] Mais c’est vrai qu’on a des parcours un peu similaires, on commence tous les deux à se frotter à la machine du disque en France. On essaye tous les deux de profiter un peu des bons côtés du truc, sans pour autant se faire bouffer et devenir pareil que les autres. Par exemple, j’ai passé des heures à me prendre la tête avec ma maison de disques parce que je voulais absolument faire un pack deluxe. C’est ce que je préfère dans ma vie : 1. Faire des chansons et les jouer sur scène 2. Faire des packs collector.
T’as quand même réussi à leur forcer la main.
Je suis arrivé en leur disant « on va faire un truc qui va s’appeler le Hyahya starter pack, avec un calendrier de ouf, un t-shirt et un poster réversible, avec un visuel horrible genre Comic sans ms »… Ils m’ont regardé comme un extra-terrestre et m’ont laissé me démerder avec mon idée à la con. Finalement, ça marche super bien, tout est parti en une journée, je suis super fier.
Le coup du pack avec un poster, tu l’avais déjà fait sur tes précédents projets. Qu’est ce que ça représente de si important, pour toi, un poster ? Quand t’étais petit, t’avais plein de posters dans ta chambre, et tu te disais « un jour, ce sera ma tête qui sera en poster dans la chambre des autres » ?
Ouai, y’a de ça, et puis j’aime bien cette idée de pop culture, j’aime être fan de gens. Je suis fan de Justin Bieber, je regarde ses insta-stories et je le trouve trop stylé, j’ai trop envie d’être comme lui. Je veux pas forcément devenir une popstar, mais j’ai envie d’avoir un statut de petite star underground, un truc à échelle humaine. Je remplis pas des stades, mais je fais des calendriers. Je dois être le premier rappeur de l’histoire à faire des calendriers, mais on s’est vraiment pris la tête, j’ai fait des photos à Tokyo, c’est mortel.
Pour un mec qui a commencé le rap avec « Des Hauts, des Bas et des Strings », c’est clair que c’est un beau parcours. On va devoir conclure l’interview, et la question la plus évidente pour le faire est : t’es d’accord pour dire que plus le temps passe, plus tu ressembles à une version jeune d’Etienne Daho ?
Écoute… Je dirais que je suis pas encore aussi beau que lui, mais je vois ce que tu veux dire, j’ai l’impression qu’on est la même race de blancs émotifs. Avant l’interview, j’ai mis de l’Aloe Vera sur ma peau pour être aussi beau qu’Etienne. D’ailleurs, Etienne, si tu me lis, j’aimerais beaucoup faire un feat avec toi, un truc avec des synthés trans derrière, sans batterie, un truc super émo. Ça correspond à mon grand projet d’inventer la nouvelle chanson française. Il ne s’agit que de ça depuis le début.
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