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J’ai essayé de porter une armure médiévale pendant tout un après-midi

Chaque dimanche, les passions que soulève la série Game of Thrones enflamment Internet. Et pendant la semaine qui suit, les sujets de conversation tourneront inlassablement autour des mêmes thèmes : la violence omniprésente, la nudité, le mutisme de Hodor. Pour une fois, laissons de côté les rebondissements du scénario diabolique concocté par HBO afin de se concentrer sur un détail en particulier : les costumes. Surtout les armures. Le fait que les acteurs de la série parviennent à porter une énorme masse de métal sur le dos tout le jour durant tient vraiment de l’exploit.

Ma curiosité initiale a gonflé jusqu’à devenir une inquisition sans frontière (en fait, j’ai lu autant d’articles de Wikipédia sur les armures que j’ai pu). J’ai réalisé que l’armure médiévale n’était pas qu’un accoutrement lourd et encombrant, mais qu’à l’époque, elle constituait un objet de haute technologie. Une sorte de combinaison de la NASA du combattant croisée avec une Ferrari. Les modèles d’armure les plus perfectionnés permettaient d’effectuer une grande variété de mouvements tout en protégeant des projectiles. Bien sûr, elle n’est pas très flexible. Mais c’est toujours plus confortable que d’avoir une épée à travers le corps, non?

Si les chevaliers pouvaient monter à cheval et courir sur-le-champ de bataille équipés de la sorte, pourrais-je, moi aussi, passer une journée en armure et effectuer des activités courantes d’aujourd’hui?

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J’ai posé la question à Chris Gilman, propriétaire de Global Effects Inc., une boutique de costumes et d’accessoires de la vallée de San Fernando à Los Angeles, un peu au nord d’Hollywood. Chris ne se contente pas de créer des armures pour le cinéma et la télévision : il participe également à des combats médiévaux durant ses temps libres. Évidemment, pour pouvoir concourir, il faut porter une armure.

Chris me confie que la représentation des armures à l’écran, c’est souvent « de la bullshit. Les armures de Game of Thrones, par exemple, ne sont pas vraiment des armures. Ils se battent à l’épée comme dans un téléroman. C’est comme si les scènes de boxe d’un film sur Muhammad Ali étaient exécutées en imitant une bataille de John Wayne, avec des coups que l’on voit venir à des kilomètres. »

Une véritable armure, selon lui, ressemble à un costume sur mesure : elle a été méticuleusement conçue pour une personne en particulier et n’ira à personne d’autre. Mais comme je n’avais pas 30 000 $ sous la main afin de faire préparer une armure personnalisée, Chris m’a prêté la sienne. Elle était légèrement trop grande, et je ressemblais un peu à un ado au bal des finissants avec l’habit de son père. Cependant, elle restait très flexible et était beaucoup moins lourde que ce que j’aurais cru.

Une heure plus tard, en habit de combat, j’étais prêt à affronter les temps modernes.

UTILISER UN ORDINATEUR


Je passe la plus grande partie de mes journées devant un ordinateur. Aussi, j’ai donc décidé de tester cette activité en premier. Ouvrir mon portable a été plutôt facile, mais mes gantelets m’empêchaient d’utiliser le pavé tactile. Quant au clavier… pas très commode.

Ma tentative de taper « Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume » s’est soldée par un catastrophique « Po56ex cd bie8x qhisk7 ai kuge b;o d qii dum3 ». Bon, on repassera. De toute façon, une cadence de cinq mots par minute n’est pas suffisante dans ma profession.

NOTE : D+

MANGER DES SUSHIS


En dépit des difficultés que j’ai eues pour taper au clavier, il faut avouer que les gantelets permettent une dextérité assez surprenante. Déchirer un sachet de sauce de soya et attraper fermement des sushis avec une paire de baguettes n’a posé aucun problème.

Pour tout dire, le plus ardu a été de maintenir la visière de mon heaume ouverte assez longtemps pour me fourrer les sushis dans la bouche. Mais sans doute qu’avec un peu de pratique, il est possible de manger japonais tous les soirs autour de la Table ronde.

NOTE : B+

MONTER SUR UN HOVERBOARD


Le hoverboard est aux jeunes branchés ce que le cheval était aux chevaliers médiévaux. Si ces derniers pouvaient apprécier une petite chevauchée, je pouvais bien prendre mon pied sur une planche.

Même si j’avais déjà eu affaire à des hoverboards par le passé, je craignais par-dessus tout de glisser, tomber et briser les plaques métalliques de l’armure de Gilman. C’était pourtant une peur irrationnelle puisque celles-ci ont été conçues pour absorber les chocs provoqués par des coups d’épée portés à pleine puissance.

Heureusement, la gravité a été de mon côté et j’ai dirigé mon hoverboard comme un chef, avec la satisfaction d’avoir réalisé quelque chose d’inédit.

NOTE : A+

FAIRE DU YOGA


Cette fois-ci, j’ai bien senti que les dimensions non adaptées de l’armure allaient poser un gros problème. Gilman m’avait prévenu : si elle avait été à ma taille, j’aurais gagné 20 % en flexibilité. En effet, les contraintes posées par une armure trop grande m’ont paru assez évidentes en installant mon tapis de yoga.

Tandis que je tentais d’exécuter proprement la posture du « chien tête en bas, » j’ai basculé vers l’avant, avant de me rattraper sur les paumes et de coincer mon petit doigt entre deux couches de métal. J’avais mal, mais je me suis dit que je serais probablement exécuté dans un duel médiéval si je me préoccupais d’une égratignure.

Les autres postures de yoga n’étaient pas plus faciles à réaliser, mais j’ai réussi tant bien que mal à faire le cobra, l’arbre et, bien entendu, le guerrier..

NOTE : C

CONDUIRE


J’étais assez optimiste quant à ma capacité à conduire en armure, surtout quand j’ai vu que mes gantelets ne m’empêchaient pas d’ouvrir la porte de l’auto. Je n’avais pas imaginé que le plus dur serait d’entrer. Après plusieurs minutes de contorsions désespérées, j’ai dû me rendre à l’évidence : impossible de poser une fesse dans ma Honda.

C’était peut-être mieux ainsi, après tout. Gilman m’a finalement « chargé » sur le siège arrière d’une fourgonnette afin de me conduire à la dernière épreuve.

NOTE : F

Le visage de la dame a été flouté pour cacher son identité. Elle a une face normale.


Arriver au Starbucks habillé en chevalier aurait attiré l’attention dans n’importe quelle ville du monde. Sauf à Los Angeles. Les gens m’ont à peine regardé quand je me suis approché du comptoir. C’était bien la peine d’avoir mis une heure à m’habiller.

J’ai sorti ma carte bancaire de mon sac et commandé ma boisson comme si de rien n’était. La barista a souri, mais n’était pas plus étonnée que ça.

J’ai bu mon café glacé et suis revenu à la boutique de Chris Gilman.


NOTE : C, surtout parce qu’aller dans un café avec une armure n’était pas l’idée du siècle


Dans l’ensemble, j’ai été assez surpris par la gamme des activités que je pouvais réaliser en armure. Bien sûr, j’ai fini l’expérience en sueur et mon heaume n’arrêtait pas de me rabattre les cheveux sur les yeux. Cependant, le poids du métal était tolérable et les sandales Birkenstock que je portais sous mes solerets m’ont permis d’obtenir une force de traction suffisante pour me déplacer sans trop de mal.

« Au Moyen Âge, les gens étaient beaucoup plus sophistiqués que ce qu’on veut bien le croire, explique Gilman. Nous nous pensons plus intelligents, mais beaucoup des technologies dont nous profitons aujourd’hui sont le fruit de méthodes médiévales. »

Peut-être qu’un jour, si je deviens riche, je me ferai faire une armure sur mesure pour combattre sur-le-champ de bataille aux côtés de Chris. En attendant, me promener bruyamment pendant un après-midi en armure d’occasion, c’était déjà plutôt bien.

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