Il y a d’autres options que la méthadone pour traiter la dépendance aux opioïdes

La crise des opioïdes fait des ravages au pays : en 2016, on a dénombré 2861 surdoses mortelles. On estime qu’en 2017, le nombre de décès par surdoses a atteint les 4000.

L’ampleur de la crise est indéniable. C’est dans ce contexte qu’un réseau national de chercheurs s’est penché sur les meilleures pratiques à adopter pour traiter efficacement la dépendance aux opioïdes, et en a fait ressortir des lignes directrices nationales.

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Résultat : la méthadone, ce traitement de remplacement qui élimine les symptômes de sevrage, ne devrait pas être l’option systématiquement employée pour venir en aide aux personnes aux prises avec des problèmes de dépendance.

Ce médicament comporte plusieurs effets secondaires indésirables, en plus d’interagir avec de nombreux médicaments et de comporter un risque de surdose et de dépression respiratoire.

Pourtant, c’est le traitement le plus répandu en ce moment. Plutôt que d’y avoir recours systématiquement, l’équipe de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances (ICRAS-CRISM) propose de donner une plus grande place à un duo de buprénorphine-naloxone.

C’est un médicament somme toute moins nuisible; le risque de surdose est moins élevé qu’avec la méthadone, et il entraîne beaucoup moins d’effets secondaires. Il est également plus facile d’utilisation.

Pour quelqu’un qui vit en région et qui doit se rendre à la pharmacie tous les jours pour boire sa dose de méthadone sous supervision, la buprénorphine-naloxone peut être une solution de rechange intéressante, explique la Dre Julie Bruneau, auteure principale de ces lignes directrices et médecin et chercheuse au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

D’autres suggestions sont émises par le groupe de chercheurs.

On déconseille fortement d’offrir à un patient dépendant de se tourner vers un sevrage rapide. C’est une méthode assez courante, indique la Dre Julie Bruneau, mais elle a des effets tout à fait inverses à ceux souhaités.

« La littérature montre que ces traitements sont beaucoup moins efficaces et résultent en des rechutes vers la substance très rapidement après l’arrêt du traitement. Et lorsqu’il y a rechute, il y a une augmentation significative des risques de surdose, parce que les gens ont arrêté pendant un certain temps et ont perdu leur tolérance », explique la chercheure.

Pour les personnes qui ne voudraient pas de traitement à long terme, on leur demande de prendre au moins un mois avant de se sevrer complètement. Ces personnes doivent être suivies pendant une longue période par la suite.

Pas un poison non plus

La Dre Julie Bruneau tient à nuancer son message : la méthadone a tout à fait sa place dans un traitement de la dépendance aux opioïdes. Seulement, elle ne doit pas toute la prendre.

« Entre le nombre de personnes qui pourraient bénéficier [de la buprénorphine-naloxone] et le nombre de personnes qui en reçoivent, il est certainement sous-utilisé », constate-t-elle.

On suggère donc de commencer à traiter la dépendance avec de la buprénorphine-naloxone et de se tourner vers la méthadone si elle ne se révèle pas suffisamment puissante ou efficace pour le patient.

La Dre Julie Bruneau explique que la buprénorphine-naloxone est un remède moins couramment utilisé; elle n’a été approuvée par Santé Canada qu’il y a une dizaine d’années. La méthadone, disponible bien avant cela, est mieux ancrée dans les habitudes de prescription. La Dre Bruneau ajoute que les médecins de famille ne se sentent pas forcément à l’aise de prescrire de la buprénorphine-naloxone aux patients, et qu’il serait possible de corriger cela en offrant une meilleure éducation aux professionnels de la santé à ce sujet.

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Et dans le cas où un patient ne répondrait positivement ni à la méthadone ni à la buprénorphine-naloxone, l’équipe de chercheurs indique qu’il est possible de se tourner vers un traitement de morphine orale à diffusion lente, à prendre quotidiennement sous supervision.

L’équipe de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances (ICRAS-CRISM) est parvenue à ces lignes directrices en étudiant la littérature scientifique existante sur le sujet et en mettant à profit l’expérience de 43 professionnels de la santé qui composaient le comité de révision.

Ces lignes directrices nationales publiées aujourd’hui dans le Journal de l’Association médicale canadienne (en anglais) n’ont pas force de loi, mais les chercheurs espèrent influencer les politiciens des différents paliers dans leurs prises de décisions en leur offrant des solutions réfléchies, basées sur des données scientifiques.

Justine de l’Église est sur Twitter.