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Au paradis chinois du canard

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En Chine, j’ai vite compris qu’il suffisait de regarder ce qui se vendait dans les boutiques de souvenir des gares pour se familiariser avec les spécialités culinaires locales. On y trouve toujours des aliments emballés sous vide, dans de jolies boîtes, prêts à être rapportés à la maison ou dégustés sur place. Dans la gare d’Hangzhou, c’est des biscuits au thé vert ; à Wuxi, des travers de porc et des boulettes de viande.

Mais dans la ville de Nanjing, tout tourne autour du canard. Qu’importe le morceau qui vous intéresse, vous le trouverez pré-cuit et emballé sous vide : canard laqué, salé ou faisandé, voire du sang ou des gésiers. Tout ce qui se mange dans le canard se trouve à Nanjing.

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Toutes les photos sont de l’auteur.

Située dans la région du Jiansu, Nanjing était autrefois la capitale impériale de Chine. Il se trouve que les empereurs avaient décrété que le canard était une espèce de volaille plus distinguée que les autres. Dès lors, la tradition de manger du canard s’est transmise de la cour impériale aux rues de la ville.

Aujourd’hui, Nanjing est restée la capitale du canard en Chine. Bien plus que Pékin – le canard laqué pékinois est un plat de choix réservé aux grandes occasions alors qu’à Nanjing, on mange régulièrement du canard. Le volatile est partout, des petits étales dans la rue jusqu’aux grandes réceptions dans des hôtels. Environ 200 millions de canards seraient consommés chaque année à Nanjing.

« Wu ya bu cheng xi » est un proverbe bien connu à Nanjing. Il signifie : « Pas de gueuleton sans canard. »

Pour que vous puissiez vous faire une meilleure idée, j’ai répertorié tous les produits à base de canard que j’ai pu manger à Nanjing :

Le Canard salé de Nanjing (盐水鸭)

Le canard salé est le plus réputé de la ville. On le sert froid, en début de repas. Le canard a tout d’abord été mariné dans un bain de sel et de piments avant d’être mis à sécher pendant trois jours. Il est ensuite découpé et servi. Le produit final est incroyablement souple et blanc. La simple marinade au sel permet de souligner l’arôme naturel de la viande et le procédé n’assèche finalement pas la texture.

Le canard laqué de Jinling (金陵烤鸭)

Une légende raconte que le canard de Jinling (l’ancien nom de Nanjing) est l’ancêtre du canard laqué de Pékin. Zhu Di, empereur de la dynastie Ming, aurait introduit le plat à Péking par l’entremise des chefs de son ancien palais de Nanjing. Ici, le canard laqué n’est pas servi avec des petites crêpes et du concombre. C’est beaucoup plus simple : on le sert baignant dans une sauce sucrée et fort grasse. La peau a été glacée avec un sirop de maltose.

Le sang de canard (鸭血)

Le sang de canard coagulé est ensuite mis à bouillir dans un bouillon agrémenté de vermicelles ou de morceaux de tofu épicé. C’est un plat très traditionnel dans lequel on a l’habitude de faire infuser un sachet d’herbes médicinales chinoises. Il est réputé pour favoriser la circulation sanguine et réchauffer l’estomac. Le sang coagulé ressemble au tofu dans sa texture et à des abats dans son goût. Le plat est riche en fer et devient le premier choix des habitants de la ville une fois l’hiver arrivé.

Les gésiers de canard (鸭肫)

Les gésiers de canard sont salés et séchés. Parfois, on les fait revenir dans des piments frais pour les épicer un peu. Mais la grande majorité des gésiers est ici consommée sans assaisonnement. On peut repérer aux portes des magasins des rangées de gésiers mis à sécher ou bien rangés dans des boîtes. Les gens les grignotent ; j’ai même vu des gens qui en sortaient un petit sachet sur le quai en attendant leur train.

Les crêpes de canard (鸭卷)

Ce plat n’est pas une spécialité de Nanjing – j’en vois partout en Chine. Il s’agit d’une version simplifiée du canard laqué pékinois qu’on peut trouver dans les fast-foods. Le canard est rôti puis tranché finement avant d’être enroulé dans une crêpe. On y ajoute du concombre et de l’oignon nouveau et la crêpe est finalement badigeonnée de sauce hoisin. C’est devenu mon burrito préféré.

Le boudin d’œuf de canard enroulé dans du canard (鸭包皮蛋)

C’était vraiment chelou. La peau du canard est mise en gelée et elle vient s’enrouler autour d’œufs de canard fermentés. On saupoudre quelques fleurs d’osmanthus par-dessus pour ajouter une note colorée. J’étais plus que frileuse au départ pour goûter ce boudin étrange mais j’ai vite changé d’avis après quelques bouchées. La peau du canard est tendre (comme de la gelée) et contraste bien le goût très salé des œufs fermentés. C’est en quelque sorte la version chinoise du turducken, mais avec différentes parties du canard.

La tête de canard (鸭头)

Il n’y a pas grand-chose à manger sur la tête d’un canard. Il s’agit surtout de la mâcher pour sentir le goût. On peut en trouver salées ou bien cuites dans de la sauce soja. Un conseil : allez-y avec les mains car c’est impossible avec des baguettes.

Le bouillon de raviolis de canard (鸭汤包)

C’est très certainement le meilleur plat que j’ai pu manger de toute l’année. Les raviolis au canard sont une tellement bonne idée que j’en ai mangé tous les jours depuis. Le plat est simple : on prend du canard laqué et on en fait un bouillon avec des raviolis. Le bouillon est un bouillon de canard et les raviolis sont farcis de vrais morceaux de canard. C’est magique.

Les baos de canard (鸭包子)

Cette recette – ultra-mignonne – ne contient aucune once de la volaille mais elle en prend l’apparence. Le bao est en fait farci avec de la pâte de haricot rouge et on peut le manger en guise de dessert. Quoi de mieux pour finir une journée placée sous le signe du canard que d’avaler une brioche vapeur qui ressemble à un canard ?