Culture

Instagram ferme une page qui rendait hommage aux fesses des femmes

Pas facile de vouloir rendre hommage au corps féminin sur les réseaux sociaux. Le 25 janvier, Emilie Mercier et Frédérique Marseille l’ont appris à leurs dépens. Les deux artistes derrière le projet 1001Fesses ont perdu leur compte Instagram et les milliers d’abonnés qu’elles y avaient accumulés.

Les deux créatrices définissent leur projet comme « un poème visuel formé de photographies argentiques non retouchées et visant à faire l’éloge du corps féminin sous toutes ses formes ». Une idée lancée à l’automne 2014 qui traite « de la diversité corporelle et de la réappropriation du corps féminin par les femmes ».

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Elles comptent sur un bassin de plus de 4500 modèles de partout dans le monde pour atteindre éventuellement leur but : collectionner 1001 photographies de fesses de femmes. Toutes celles qui se prêtent au jeu du duo sont volontaires et anonymes.

Ce n’est pas la première fois qu’elles subissent les coups de la censure des réseaux sociaux. En 2015, elles ont perdu définitivement leur compte Facebook, qui comptait plus de 6000 abonnés, pour « contenu dérangeant et pornographique ». Leurs comptes personnels ont aussi été plusieurs fois suspendus. En 2016, alors qu’elles ont plus de 4000 abonnés sur Tumblr, la compagnie décide de les classer 18 ans et plus, les privant ainsi d’un grand public.

La directrice artistique Frédérique Marseille admet qu’elle a eu plusieurs avertissements de la part d’Instagram avant de perdre complètement son compte. « On publiait ce qu’on appelle des “portraits de fesses”, des gros plans, et on se les faisait toujours retirer, dit-elle. On a donc décidé de les censurer avec des petits cœurs à l’envers. »

Un représentant de Facebook, compagnie propriétaire d’Instagram, a confirmé à VICE que le compte de 1001Fesses a été suspendu parce que ses administratrices ont violé les règles de la communauté. « Nous sommes conscients qu’il arrive parfois que des personnes veuillent partager des images de nudité à caractère artistique ou créatif, mais pour un bon nombre de raisons nous n’autorisons pas la nudité sur Instagram, peut-on y lire. Cela inclut les photos, les vidéos et les autres contenus numériques présentant des rapports sexuels, des organes génitaux ou des plans rapprochés de fesses entièrement exposées. »

Frédérique Marseille se défend de vouloir faire de l’activisme avec son projet photographique. Mais son travail devient engagé, malgré elle. « Notre projet, c’est de montrer le corps des femmes, tout simplement. On ne le voit même pas comme une position féministe. Et tout d’un coup, on se retrouve malgré nous dans la polémique de la censure du corps féminin. Ce que l’on propose n’est pas agressant pour le public, contrairement à beaucoup de publicité que l’on retrouve sur le réseau. Je ne comprends pas pourquoi ce sont des institutions comme Instagram qui devraient décider pour nous et pour nos modèles. »

Au-delà de la plateforme de diffusion que les deux femmes se voient retirer, elles perdent aussi leur moyen de communication avec leur communauté. Elles étaient d’ailleurs sur le point de lancer une campagne de financement, qu’elles doivent maintenant annuler. « On était en contact avec des centaines de femmes, de l’Afrique à la Chine, en passant par le Moyen-Orient, ajoute-t-elle. Ce sont nos modèles et on ne peut plus les joindre. »

Du côté de Facebook, on nous indique qu’elles peuvent entamer un processus d’appel, mais que rien ne leur garantit qu’elles retrouveront leur communauté.

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Pour l’instant, les deux artistes ont donc ouvert un nouveau compte : @1001fessesproject. Mais, cette fois-ci, elles ne sont pas certaines d’avoir la patience de repartir à zéro. « On est prêtes à se plier à la censure, dit Frédérique Marseille. Mais là, franchement, c’est décourageant. Quand tu n’as plus de public, c’est difficile de faire vivre un projet. »

Simon Coutu est sur Twitter .