Instagram ferme le populaire profil d’une féministe montréalaise
@doyouconsideryourselffeminist

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Instagram ferme le populaire profil d’une féministe montréalaise

Instagram a décidé de fermer la page @doyouconsideryourselffeminist, qui dénonçait quotidiennement les fuckboys et les « faux féministes ».

Depuis 2015, Sarah pose la même question aux hommes sur Tinder : « Est-ce que tu te considères comme féministe? » Elle publie les réponses parfois drôles, instructives et trop souvent violentes sur le compte Instagram @doyouconsideryourselffeminist. Mais mardi, le réseau social a décidé de fermer cette page suivie par plus de 35 000 abonnés parce qu'il contrevient aux « règles de la communauté ».

C'est la deuxième fois que Sarah perd son compte (la gestionnaire nous a demandé de taire son nom de famille, par peur de représailles). Mais cette fois-ci, c'est toute une communauté qui est en deuil. « En fait, depuis plusieurs mois, je n'ai plus besoin de poser la question aux hommes sur Tinder parce que je reçois des dizaines de captures d'écran provenant de femmes de partout dans le monde », raconte-t-elle.

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Au départ, le projet de Sarah se voulait confidentiel et la page ne servait qu'à divertir son groupe d'amis. « C'était un jeu, dit-elle. Je parlais avec mon ex qui habitait à Londres et il me disait que tout le monde sur Tinder se disait féministe et empreint de justice sociale. Je n'avais absolument pas la même lecture des gars à Montréal. J'ai décidé de lui prouver. »

Mais le compte est rapidement devenu viral. Elle s'attaque à ceux qu'elle appelle les fuckboys. Des hommes qui l'insultaient directement et grossièrement, et qui ne voulaient que coucher avec elle. Mais elle interpellait aussi ceux qu'elle a baptisés les « faux alliés ». « Ils ont fait un cours d'études féministes et ils comprennent le vocabulaire, mais ils ne veulent que la même chose que les fuckboys », m'a-t-elle expliqué.

Toutefois, c'est aussi à ce moment que les choses ont commencé à se corser pour Sarah. « Chaque jour, je reçois des menaces de mort ou de viol, dit-elle. Et pas du monde à l'autre bout de la planète. Des hommes de Montréal qui prennent le temps de m'écrire un roman pour m'expliquer comment ils vont me faire du mal. »

La gestionnaire de la page s'explique mal pourquoi son compte a été fermé, outre le fait qu'elle a été victime de l'acharnement antiféministe de gens qui le signalent à répétition. « Tout le monde utilise des captures d'écran sur Instagram », dit-elle.

Du côté de Facebook, propriétaire d'Instagram, on nous indique que le compte a été retiré à juste titre parce qu'il contrevient aux règles de la communauté. « Rappelez-vous de publier des contenus authentiques, et ne publiez aucun contenu que vous avez copié ou obtenu sur internet et que vous n'avez pas le droit de publier », peut-on lire sur la page des directives.

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Depuis mardi, des dizaines de personnes publient des photos localisées au quartier général d'Instagram pour demander au réseau social de ressusciter la page @doyouconsideryourselffeminist. Ces gens en profitent aussi pour raconter en quoi ce compte a influencé leur façon de voir le féminisme.

Sarah considère que sa courte question est toujours aussi pertinente. « Je reçois des réponses hyper intéressantes, que je publiais aussi. Jamais je ne me suis moquée de qui que ce soit. Mais si j'assiste à de la violence, à des menaces ou à du racisme, je le dénonce publiquement. Cela dit, outre le nom et la ville d'origine, jamais je ne publiais d'informations personnelles. »

Au courant des derniers mois, une petite communauté s'est développée autour du compte Instagram, un safe space pour des femmes qui avaient envie de raconter leur histoire. « C'était pour dénoncer les abus en général, explique Sarah. On y parlait de féminisme intersectionnel, du fait que les Blancs sont privilégiés, de racisme, de beauté non conventionnelle. Après les événements de Charlottesville, j'ai même aidé des gens à s'organiser pour faire retirer des symboles d'équipes sportives et des statuts à connotations racistes. »

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