FYI.

This story is over 5 years old.

Crime

Blaireaux et lièvres réduits en charpie : Les amateurs de « sports sanglants » sont de plus en plus nombreux en Angleterre

Les amateurs de « sports sanglants » — « blood sports » en anglais — comme la chasse illégale au lièvre ou le déterrage de blaireau sont de plus en plus nombreux dans la campagne anglaise.
Photo via League Against Cruel Sports

Selon la police britannique, les amateurs de « sports sanglants » — « blood sports » en anglais — comme la chasse illégale au lièvre ou le déterrage de blaireau sont de plus en plus nombreux dans la campagne anglaise. Lors de ces parties de chasse, des animaux sont déchiquetés par des chiens. Une agence nationale chargée de protéger les espèces naturelles contre le braconnage est dans le même temps menacée de fermeture.

Publicité

La chasse à vue au lièvre consiste à lâcher des lévriers ou des Lurchers (parfois surnommé « le chien du braconnier ») à la poursuite d'un lièvre. Une fois rattrapés par les chiens — qui sont d'une vitesse remarquable et ne chassent qu'à vue — les lièvres subissent une mort lente, déchiquetés entre les mâchoires d'une ou plusieurs bêtes.

Ce « sport » illégal est particulièrement apprécié dans les comtés de Lincolnshire, de Cambridgeshire et de Norfolk — régions plates et arables, à l'est de l'Angleterre.

Selon James Sutherland, l'inspecteur en chef du commissariat de Cambridgeshire, le nombre des effractions aurait presque triplé par rapport à l'an dernier. Pendant les trois premiers mois de la saison de chasse 2015 — c'est-à-dire, d'octobre à décembre — James Sutherland a relevé 147 effractions, contre 51 en 2014.

Début janvier, la police du Lincolnshire a annoncé qu'elle avait arrêté 152 personnes pour des effractions liées à la chasse au lièvre commises en septembre 2015, contre 65 arrestations entre janvier et décembre 2014.

Pour Jane Russ, présidente de la Hare Preservation Trust (une association pour la protection des lièvres), les lièvres ne sont pas les seules victimes de cette tradition sanguinaire.

Jane Russ explique que les chiens de braconnage sont souvent maltraités par leurs maîtres. "Si les chiens ont des accidents ou s'il leur arrive quoi que ce soit, ils sont souvent abandonnés sur place," note-t-elle. "Il n'est pas seulement question du bien-être des lièvres."

Publicité

Selon James Sutherland, cette activité a beaucoup évolué depuis l'introduction en 2004 d'une loi interdisant la chasse à courre. Avant, les amateurs de chasse au lièvre garaient leur voiture en bordure des champs pour regarder le spectacle et parier sur les chiens.

Même si la loi de 2004 est plus connue pour avoir mis fin a la traditionnelle chasse au renard, la majorité des condamnations prononcées en vertu de cette loi sont aujourd'hui liées à la chasse au lièvre.

Dans les mois qui ont suivi l'introduction de la loi, les forces de police intervenant lors de ces rassemblements ont confisqué plusieurs véhicules et des grosses sommes d'argent. « Il suffit de saisir quelques véhicules de luxe et un peu d'argent pour que les choses changent », explique Sutherland.

Si les descentes de police ont réussi à limiter les parties de chasse à courre classique, une alternative bien plus destructrice a vite vu le jour. Au lieu d'organiser des grands rassemblements, les chasseurs ont commencé à pénétrer sans autorisation sur les terres agricoles, lâchant leurs chiens à la poursuite de lièvres et les suivant en voiture à travers champs, jusqu'à la mise à mort.

« Aujourd'hui, les cas de chasse au lièvre ne durent que quelques minutes »,explique James Sutherland. « Après la mise à mort, le chien va direct dans le coffre ou à l'arrière du camion et c'est reparti. »

Le résultat : des champs retournés et des haies détruites, cela coûte cher aux propriétaires. Il est difficile d'estimer le coût des destructions, parce que de nombreux fermiers ont peur de signaler ces incidents, à cause des menaces que font peser les « chasseurs ».

Publicité

Les amateurs de chasse au lièvre, explique Russ, sont souvent impliqués dans d'autres activités criminelles, y compris le vol et le cambriolage. Certains n'hésitent pas à cambrioler les propriétaires de leurs terrains de chasse improvisés.

James Sutherland affirme qu'il existe peu de preuves concrètes pour confirmer un lien entre les braconniers et les cambriolages. Il note néanmoins qu'un grand nombre de personnes arrêtées pour des infractions liées à ce type de chasse ont un ou plusieurs cambriolages à leur actif.

"Je peux dire en toute confiance que je pense qu'il y a un lien entre la criminalité dans les zones rurales et la chasse au lièvre," explique-t-il. "Mais tous les cambrioleurs dans les zones rurales ne chassent pas le lièvre, et tous les chasseurs de lièvre ne sont pas des cambrioleurs."

Selon l'inspecteur en chef Martin Sims, président du National Wildlife Crime Unit (NWCU) — une agence nationale de protection des espèces sauvages — un groupe de chasseurs interpellés il y a trois ans dans le Sussex avait commis des vols à main armée dans d'autres régions du pays.

Blaireaux en danger

En plus d'une recrudescence de ce genre de chasse à courre, les autorités ont également enregistré de plus en plus d'actes de cruauté envers les blaireaux, dont l'abattage est interdit depuis 1992. Selon les experts, les blaireaux sont particulièrement vulnérables dans les comtés du nord de l'Angleterre comme le Yorkshire et le Lancashire, ainsi qu'en Écosse et en l'Irlande du Nord.

Publicité

Depuis 1992, il est interdit de tuer un blaireau, d'être arrêté en possession d'un blaireau ou de toucher à leurs terriers. Ces infractions sont passibles de peine d'emprisonnement de six mois et d'une amende de 5 000 livres sterling (6 500 euros).

Malgré ces mesures dissuasives, environ 10 000 blaireaux sont abattus chaque année au Royaume-Uni.

Ils meurent souvent piégés dans des collets, ou sont abattus après avoir été attirés vers des appâts. Ils sont également traqués jusque dans leur terrier par des chiens Terrier, formés à la chasse aux blaireaux. Une fois attrapés, les blaireaux sont jetés en pâture aux chiens ou piégés pour être la cible une chasse future.

Dominic Dyer, le président de la fondation de protection des blaireaux Badger Trust, explique que son organisation reçoit de plus en plus de signalements de violence contre les blaireaux. Selon lui, la disparition des blaireaux est directement attribuable au fait que la chasse aux blaireaux est aujourd'hui perçue comme un sport. Les chasseurs de blaireaux aiment en effet prouver aux autres chasseurs la supériorité de leurs chiens.

« lls voient ça comme l'ultime épreuve parce que le blaireau est un animal très, très puissant et s'il se retrouve coincé, il va contre-attaquer, »explique Dyer.

Geoff Edmond, responsable de la société protectrice des animaux (RSPCA) explique que les chiens de chasse sont aussi victimes de ces activités illégales. Ils sont encouragés à se battre lorsqu'ils sont chiots, et sont souvent grièvement blessés lors des parties de chasse. "On a vu des chiens avec des blessures terribles," affirme Edmond. "Souvent à la mâchoire inférieure."

Publicité

Même s'ils sont maltraités, il est rare que les chiens meurent lors des chasses. Si un chien semble être sur le point de perdre, le maître intervient généralement pour achever le blaireau, parfois en l'assommant sur la tête. "Il n'y a rien de plus ignoble que ça," affirme-t-il.

Pour Dyer, c'est la politique d'abattage de blaireaux du gouvernement qui encourage certains chasseurs à tuer ces bêtes de manière illégale. Le gouvernement britannique aurait dépensé 5 millions de livres sterling (6,5 millions d'euros) l'année dernière dans l'abattage de blaireaux pour éradiquer la tuberculose bovine.

Le ministère de l'Environnement, de l'alimentation et des affaires rurales (DEFRA) refute l'idée d'un lien entre cet abattage orchestré par le gouvernement et la recrudescence de la chasse au blaireau.

« Il y a un certain nombre d'exemples de contrôle des espèces naturelles — plusieurs autres espèces sont contrôllées de manière régulière, »explique Fulvio Menghini, responsable de la communication au sein de DEFRA. « Il ne s'agit pas seulement des blaireaux."

« DEFRA condamne toute atteinte à la faune sauvage et ceux qui ont des informations [sur ces infractions] sont priés de contacter la police »ajoute Menghini.

Dominic Dyer note également que le profil du chasseur de terrier a évolué au cours des dernières années. Il parle du « visage changeant »de cette activité illégale qui attire aujourd'hui criminels, joueurs et parfois, « des enfants qui s'ennuient ».

Publicité

Évolution de la chasse à courre

Aujourd'hui, les chasseurs se tournent de plus en plus vers les réseaux sociaux pour organiser ces parties de chasse. Sur Facebook, par exemple, une dizaine de groupes — privés et publics — comptant plusieurs milliers de membres affichent des rendez-vous pour la chasse au lièvre et la chasse de nuit — aussi appelée « lamping ».Certains profitent de ces groupes pour placer des annonces pour des chiens, vantant les mérites des bêtes à vendre à l'aide de photos des proies tuées.

La chasse a elle aussi évolué. Selon Sim, certains chasseurs dotent aujourd'hui leurs chiens de colliers radio émetteurs pour suivre et localiser les blaireaux.

La communauté des chasseurs a également développé des races de chien nouvelles — comme le bull cross — croisant des lévriers avec des chiens dits 'musclés' pour créer des chiens extrêmement puissants et rapides. En plus de chasser le lièvre et le blaireau, ces chiens sont parfois si puissants qu'ils sont capables d'attaquer un cerf.

En 2012, quatre hommes dans le Yorkshire ont été condamnés à 16 semaines de prison pour avoir déterré des blaireaux et lâché des bull cross à leurs trousses.

« Si vous faisiez une recherche « bull cross lurcher »ou « bull cross greyhound' » sur Google il y a 10 ans, il n'y aurait certainement eu aucun résultat, mais aujourd'hui il y a plein d'images, »explique Edmond.

*Unité *de police menacée de fermeture

Publicité

Les policiers qui font la chasse aux chasseurs font partie de la NWCU — l'unité de police britannique chargée des délits concernant les animaux. Ce sont également eux qui gèrent les enquêtes entreprises dans le cadre de la Convention sur le Commerce International des Espèces Menacées d'Extinction (CITES).

Selon Sims, le chef de la NWCU, l'unité a confisqué plus de 1 000 objets interdits par CITES — dont de l'ivoire, certaines fourrures, des oeufs d'animaux rares et autres dérivés d'espèces menacées — depuis 2015.

« Ces chiffres augmentent de plus en plus parce qu'il y a de plus en plus de mandats »,explique Sims, qui dit s'attendre à une augmentation continue en 2016.

Mais dans le climat actuel d'austérité, le gouvernement n'a pas encore confirmé le renouvellement des subventions nécessaires au fonctionnement de cette unité spécialisée, dont le budget annuel est de 430 000 livres sterling (560 000 euros). En 2014, le gouvernement avait accepté de financer l'agence pendant deux ans seulement.

« On attend avec impatience de voir ce qui va se passer, »nous dit Sims.

Pour les défenseurs des droits des animaux et les militants anti-chasse, la possible fermeture de NWCU est une mauvaise nouvelle. « C'est la première ligne de défense contre les délits qui concernent les espèces sauvages, » explique Mark Randell, un ancien policier qui dirige aujourd'hui la Ligue Contre Les Sports Cruels (LACS).

Publicité

Le NWCU joue un rôle clé dans la coordination entre les forces de l'ordre et les organisations de la société civile comme LACS, explique Randall.

À une époque où les budgets déjàétriqués de la police ne garantissent que le minimum de ressources pour combattre ces abus, la fermeture du NWCU entraînerait la disparition d'une ressource inestimable.

Pour Randall, la portée dissuasive de l'unité est particulièrement importante, et une perte de financement public aurait des conséquences "désastreuses" sur l'environnement.

"Cela envoie également un mauvais message à la police régionale, parce qu'en gros, c'est comme si le gouvernement disait « on va arrêter de poursuivre ceux qui commettent ces actes »," dit Randall. « Si le gouvernement ne fait rien, alors pourquoi est-ce qu'ils feraient quoi que ce soit au niveau régional ? »

Le DEFRA, lui, ne s'est toujours pas prononcé sur le sujet. « Plus d'informations sur le financement futur du NWCU seront disponibles dès que nous aurons de plus amples détails au sujet de l'Examen des Dépenses, »affirme un porte-parole anonyme, ajoutant qu'une « décision sera annoncée en début d'année ».


Suivez Charles Parkinson sur Twitter: @charlesparkinsn