​Avec les mascottes, ces drôles de supporters des Lions Indomptables du Cameroun

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​Avec les mascottes, ces drôles de supporters des Lions Indomptables du Cameroun

Les joueurs camerounais ne sont pas seuls à la 31ème Coupe d'Afrique des nations. Ils ont le soutien des mascottes, ce groupe de grands supporters qui s'est constitué en août 2016. Rencontre avec ces fans d'un autre genre.

Ce matin du vendredi 2 décembre 2016, le rituel est le même au siège de l'AMMSLI, l'Association des mascottes du mouvement des Lions indomptables du Cameroun, situé dans le quartier Madagascar, à Yaoundé. Dans le local qui leur sert de lieu de réunion, de rassemblement et aussi d'hébergement, ces supporters d'un genre particulier s'apprêtent et se préparent. Les mascottes doivent se rendre comme tous les matins au siège de la télévision nationale pour participer à l'animation d'une émission consacrée aux supporters des Lionnes indomptables, la sélection féminine du Cameroun qualifiée pour la finale de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) prévue le lendemain.

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Chaque mascotte a son accoutrement. Le leader Armand Tchoungwa, par exemple, a revêtu une veste et un pantalon aux couleurs vert-rouge-jaune, les couleurs du drapeau camerounais. Les autres aussi utilisent les couleurs nationales pour se colorer le corps. Les dix « grands supporters » des Lions indomptables foncent ensuite vers le pick-up qui les attend dehors. Dès qu'ils ont fini de s'y agglutiner, la puissante voiture démarre. Le soir, comme à chaque veille de match, ils regagnent leur siège pour préparer des chansons pour le lendemain et effectuer d'ultimes séances de répétitions. « Nous faisons donc l'avant-match, le match et l'après-match », explique la légende Ngando Pickett, sans doute le plus connu de tous les grands supporters des Lions indomptables.

Une supportrice des Lionnes indomptables, la sélection féminine du Cameroun.

On retrouvera les mascottes des Lions Indomptables devenues celles des Lionnes indomptables pour les besoins de la CAN féminine le samedi 3 décembre au stade Ahmadou Ahidjo. Ils sont présents dans l'arène bondée depuis les premières heures de la matinée. « Le Pape », « Tonton Bonbon », « Bébé Lion », « Princesse Africa », « Fan's lady », « Narcisse » et les autres se répartissent dans tous les coins et font du bruit, grâce à un répertoire de chansons que le public a appris fredonner. Il y a une chanson pour les corners, une autre qui sert à « réveiller » les joueuses du Cameroun lorsqu'elles pataugent dans le match et une autre qui est exécutée lorsqu'elles doivent tirer des coups francs. Ngando Pickett croit que si les Lionnes Indomptables ont effectué un si brillant parcours (4 victoires en 5 matches, battues seulement en finale par les redoutables Nigérianes) c'est aussi grâce au groupe de supporters dont il est le numéro 2. « Nous y avons contribué à hauteur de 20% », estime-t-il, fier.

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L'histoire des mascottes unies débute au mois d'août 2016. Les indécrottables maîtres des gradins, fatigués d'évoluer chacun de leur côté, décident de s'unir afin d'évoluer de façon plus sereine et coordonnée. « C'est à cause des frustrations que nous subissions que nous avons créé cette association, explique Ngando. A l'époque, j'étais toujours seul. Il n'était pas possible que l'on me prenne en charge. Nous avons effectué des déplacements pour soutenir nos équipes nationales et on nous avait promis de nous rembourser. Mais lorsque nous sommes allées au siège de la Fédération pour récupérer notre dû, nous n'avons rien eu. Voilà pourquoi j'ai trouvé bon de fédérer tout le monde autour de moi. Voilà comment est née l'AMMSLI, l'Association des mascottes du mouvement des Lions indomptables du Cameroun ». Rien à voir avec une envie de contourner la concurrence devenue forte dans les stades. « Je n'ai jamais été combattu. Tous m'imitent, tous me ressemblent mais personne ne me vaut », répond Ngando quand on lui demande s'il n'a pas dû se fondre dans une association à cause de l'adversité.

Ngando Pickett, au centre, est une légende au Cameroun.

Armand Tchoungwa, le président de l'association, confirme les dires de Ngando, son vice-président. Ce résident français explique que son souhait a toujours été de fédérer les grands supporters des Lions indomptables. Dans le but de « pouvoir être solides et soutenir nos athlètes ». Il rapporte que dans cette optique, il a contacté Ngando et obtenu son aval. « Sans lui on n'aurait rien pu faire », ajoute-t-il. Les choses s'accélèrent dès lors. L'association des mascottes est constituée et un siège est trouvé. Armand Tchoungwa met la main à la poche, débourse 3 millions de francs CFA (environs 4580 euros) et paye cinq ans de loyer. Le « grand président », comme l'appelle la « mascotte »Coulibaly, met aussi à disposition de tous le pick-up qui servira à leurs multiples déplacements. Coût de l'engin : 7 millions de francs CFA (plus 10 687 euros).

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Le président « Malitoli » - ainsi surnommé en référence à un ancien footballeur zambien qu'il prit pour modèle pendant sa courte carrière de footballeur - n'est pas aussi connu au Cameroun que Ngando Pickett. Lui, a évolué aux côtés des Lions Indomptables du Cameroun à partir de sa base française. Il a déjà pris part à trois éditions de la Coupe du Monde de football et assisté cinq fois à la Coupe d'Afrique des nations. En détail, cela fait 30 matches de football disputés hors du Cameroun par les Lions qu'il a vus « en direct ». Agent de sécurité dans le civil, il dit s'organiser du mieux qu'il peut pour suivre la sélection de son pays. Lorsqu'elle joue en Europe, il la suit, réunit les Camerounais du pays d'accueil et les amène au stade le jour du match afin qu'ils donnent de la voix. C'est là une preuve de sa passion pour les Lions.

Une passion que l'on retrouve aussi chez Ngando Pickett (Henri Mouyebe à la ville). C'est le plus célèbre des supporters des Lions indomptables. Le monde entier le reconnaît à sa bedaine, devenue moins imposante, et son gros caleçon aux couleurs du drapeau national. « C'est après avoir constaté que les autres sélections africaines avaient leurs grands supporters et que les Lions n'en avaient pas que j'ai décidé d'en devenir un et de les accompagner partout. Il y avait de grands joueurs, mais pas de supporters qui sortaient du lot. Et, une nuit, en plein sommeil à Nouakchott en Mauritanie, j'ai eu une vision qui m'a inspiré l'idée de mettre un gros caleçon, et de me peindre aux couleurs nationales. Depuis ce jour, c'est mon costume de scène », nous expliquait Ngando en 2008.

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En 2010, l'équipementier Puma a produit des affiches qui le représentaient et les a placardées dans le métro parisien. Une attention perçue au Cameroun comme un acte de reconnaissance du talent, de la bravoure et du patriotisme de ce sexagénaire prêt à franchir les frontières à pied pour suivre son équipe nationale. Ngando écume le continent et les autres stades du monde depuis 1998. Cette année-là, il se rend au Burkina Faso, pays hôte de la CAN avec les moyens de bord. En l'an 2000, cet ancien entraîneur de football en Mauritanie, rallie le Ghana à partir de Douala en voiture après avoir traversé le Nigeria, le Bénin et le Togo. Arrivé sur place, il est félicité pour son exploit. Ses sacrifices ne sont pas vains puisque le Cameroun remporte le trophée. « Une CAN formidable ! Le Cameroun venait de passer douze ans sans trophée. Nous arrivons au Ghana avec une équipe formidable. Nous jouons, terrassons tout le monde et remportons la Coupe d'Afrique. Cette édition est à jamais gravée dans ma mémoire », dira plus tard le célèbre animateur des gradins, très ami avec la mascotte d'origine malienne Coulibaly.

Coulibaly, qui s'appelle en réalité Moussa Haman, s'est entiché du Cameroun dès 1998. Il devient fan des Lions Indomptables après leur match d'ouverture de la CAN face au pays hôte, le Burkina Faso. A l'époque, le Mali ne dispute pas la compétition. Le supporter du Djoliba de Bamako, un des clubs phares de son pays d'origine, se tourne alors vers le Cameroun. Il soutient cette nation dans les gradins en l'an 2000 et en 2002, chez lui au Mali. Coulibaly est installé dans le camp de base du Cameroun dans la ville de Sikasso. Ses compatriotes ne comprennent pas qu'il soutienne le Cameroun et entreprennent de lui faire payer sa trahison. « Ngando avait été tabassé et mis en cellule avec moi. On a dit que j'avais trahi mon pays. J'ai eu de la chance. J'aurais pu être tué », dit-il lorsqu'il s'agit d'évoquer la demi-finale Mali-Cameroun. C'est finalement Roger Milla qui intervient et fait libérer les deux amis. Coulibaly se réfugie dans le camp de base du Cameroun puis dans l'avion qui transporte les Lions indomptables et leur trophée. Il remercie le capitaine Rigobert Song Bahanag pour lui avoir fait découvrir son pays après la CAN au Mali en 2002. Pour lui le Cameroun est le meilleur pays du monde. « Il est difficile pour un étranger d'arriver ici et de vouloir repartir chez lui », dit-il comme pour saluer le sens de l'hospitalité des Camerounais. Il se sent si bien dans leur pays qu'il est devenu l'un d'eux. Coulibaly a été naturalisé après avoir épousé une Camerounaise.

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C'est surtout un homme qui se montre reconnaissant envers Armand Tchoungwa pour ses actions en faveur de l'Association des mascottes du mouvement des Lions indomptables du Cameroun. « Il faut saluer le patriotisme du président Malitoli », clame-t-il, conscient que le dirigeant de son association a amélioré les conditions de ses camarades. Même s'il soutient que ses membres et lui ne comptent pas exclusivement sur le soutien financier des autorités sportives camerounaises, Armand Tchoungwa admet qu'il existe cependant des supporters qui devraient être aidés. L'éphémère footballeur a lui-même été dans cette situation. D'abord au Brésil, où il était arrivé cinq jours avant l'équipe du Cameroun lors de la Coupe du Monde 2014. Parti chercher du soutien auprès du ministre camerounais des sports de l'époque, il se heurtera à un refus poli. Finalement, son sauveur aura les traits de Samuel Eto'o Fils. La star va lui offrir 2000 euros.

Il partagera cette somme avec les autres grands supporters, eux aussi démunis. La générosité de l'ancien Barcelonais n'empêche pas Tchoungwa de croire que les footballeurs sont d'une pingrerie légendaire. « Les footballeurs sont très ingrats. Certains m'ont conseillé d'arrêter de supporter l'équipe nationale et de mettre mes moyens à la disposition de ma famille. Je leur rétorquais : « C'est ma passion, c'est ce que j'aime ». Eux me disaient : « Non, tu dépenses beaucoup d'argent ». Alexandre Song est de ceux-là. Il me l'a dit lors du stage des Lions Indomptables en Autriche en préparation de la Coupe du Monde 2014. Lui ne m'a jamais aidé », se plaint-il. Tchoungwa aurait aimé connaître avec son groupe la même fortune que les mascottes françaises. « Ils ont l'appui des sponsors », soupire-t-il, un brin envieux.

Les mascottes des Lions indomptables vont poursuivre leurs actions au Gabon où se déroule dès ce 14 Janvier 2017 la 31ème édition de la Coupe d'Afrique des Nations de football masculin Gabon 2017. Bien qu'évoluant avec des moyens modestes nos grands supporters se disent gonflés à bloc et déterminés à redonner un moral de gagneur à une sélection camerounaise plus que jamais dans le creux de la vague