Les robots sexuels ne seront probablement pas la solution aux incels

Le 23 avril dernier, Alek Minassian a présumément loué une fourgonnette, utilisée afin de foncer dans une foule de piétons sur la rue Yonge, à Toronto. Au total, l’auteur de cette attaque aura tué 10 personnes et blessé une quinzaine d’autres. Quelque temps avant la tragédie, Minassian avait annoncé sur son profil Facebook que la « révolution des incels a débuté ». Depuis ce temps, beaucoup d’attention est portée aux incels, ces « chastes involontaires » : une grandissante communauté en ligne profondément misogyne, qui rejette la faute pour tous ses problèmes sur le féminisme moderne.

Pour plusieurs d’entre eux, le droit à une vie sexuelle épanouie devrait être sanctionné par l’État. Comme le propose sur l’utilisateur restlessly_injected sur Reddit, « plutôt qu’un amendement constitutionnel pour un contrôle des armes à feu, nous avons besoin d’un amendement constitutionnel qui force des femelles vierges et attirantes à avoir des relations sexuelles avec des incels ». C’est une idée qu’a aussi évoquée l’économiste Robin Hanson, qui a parlé de « redistribution sexuelle ».

Au début mai, Toby Young écrivait dans The Spectator que pour régler le problème des incels, tout ce qu’il faut, ce sont des robots sexuels. L’idée peut sembler farfelue, mais elle pourrait plaire à certains incels, et la proposition a été reprise plusieurs fois. Mais selon équipe de chercheurs, l’efficacité des robots sexuels humanoïdes pourrait être surestimée.

Chantal Cox-George, médecin à la St George's Hospital Medical School de l’Université de Londres, et Susan Bewley, obstétricienne au King’s College de Londres, ont publié un rapport dans le journal British Medical Journal recommandant que les robots sexuels « ne soient pas utilisés dans la pratique médicale », car il n’existe pas de données sur leur efficacité. De plus, les deux médecins croient que le sujet mérite une étude plus approfondie sur les implications éthiques d’une telle pratique.

Chantal Cox-George dit que l’idée leur est venue après que plusieurs médecins se sont fait demander des renseignements professionnels sur l’utilisation de robots sexuels, qui sont souvent commercialisés comme étant une solution de rechange à un partenaire humain. Les robots sexuels humanoïdes sur le marché en ce moment sont majoritairement féminins et destinés à une clientèle masculine hétéro, comme les incels. Mais le problème des incels va plus loin qu’une simple frustration sexuelle : c’est le résultat d’une incapacité à créer et maintenir des relations saines avec les gens autour d’eux.

Cela soulève deux questions. Premièrement, est-il sain d’être attiré par ce qui est, somme toute, un objet fait de plastique, de métal et de silicone? Ensuite, si les robots sexuels parviennent en effet à combler le vide que ressentent les incels, cela ne renforcera-t-il pas la notion des incels selon laquelle les femmes sont des objets?

En entrevue avec le Washington Post, Noel Sharkey, le cofondateur de la Foundation for Responsible Robotics, a dit que « bon nombre d’experts affirment que (les robots sexuels) n’aideraient pas à éviter l’isolation sociale » chez des gens comme les incels. Au contraire, « cela pourrait les isoler davantage » selon lui, et il cite en exemple le cas d’un homme qui a laissé sa femme et ses enfants pour une poupée de silicone.

D’après Chantal Cox-George, il faudra trouver un moyen éthique et solide d’étudier l’efficacité des robots sexuels en tant qu’outils de thérapie. De la même manière que votre psy ne peut pas simplement vous donner des pilules qui n’ont pas été testées et vous renvoyer chez vous sans suivi, les premiers participants de ce genre d’étude devront être accompagnés.

En attendant ces études, on ne peut pas simplement s’imaginer qu’offrir aux incels des robots sexuels suffirait à régler le problème. Au mieux, un robot sexuel assouvirait leurs désirs sexuels dans l’immédiat. Mais, au pire, cela renforcera leur sentiment de ne pas être digne d’avoir des relations sexuelles avec un autre humain.

Billy Eff est sur internet ici et là.