Société

Plaquer son job pour devenir dominatrice

Une ancienne chercheuse en finance nous explique ce que ça fait de troquer les chiffres pour la flagellation.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
​Goddess Cleo allongée sur des gens
Goddess Cleo allongée sur des gens. Photo : Club Pedestal, avec l'aimable autorisation de Goddess Cleo 

Le travail, ça craint. Entre la hausse du coût de la vie, la menace d’une récession économique (merci le Brexit !) et la quasi-impossibilité pour les jeunes d’espérer devenir un jour propriétaire, il n'y a jamais eu de meilleur moment pour se sentir absolument mal au travail. Après tout, à quoi bon s’enliser dans le train-train quotidien si cela ne nous apporte rien ? Et puisque le monde sera littéralement en feu d'ici quelques décennies, autant passer le reste de notre vie à faire quelque chose que nous aimons vraiment.

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C’est ce qu’a choisi de faire Goddess Cleo, une dominatrice installée dans l’Est londonien. Après une série de boulots insatisfaisants et déprimants dans la recherche et la gestion, elle a finalement quitté le secteur de la finance pour devenir dominatrice professionnelle. Elle nous explique pourquoi.

VICE : Salut, Goddess Cleo ! Que faisais-tu avant de devenir dominatrice ?
Goddess Cleo : Je bossais pour l'un des 10 meilleurs cabinets de services financiers du département de recherche. Avant ça, j’ai occupé des postes de gestion et de recherche dans divers secteurs, dont le commerce de détail, l'hôtellerie et le divertissement. J’ai aussi été opératrice dans un centre d’appels, ce qui était définitivement le job le plus merdique que j’ai eu. Les journées me paraissaient interminables et je me sentais physiquement malade en y allant – j’ai tenu huit mois, et il m’a fallu un moment pour m’en remettre.

En quoi ce job était-il aussi merdique ?
Il y avait très peu de flexibilité et c’était très répétitif. Les heures étaient longues et les egos démesurés. Et puis, je n’aimais pas travailler dans un environnement plein de gens ultra stressés et exténués. Et bien sûr, en tant que femme, j’étais exposée à la discrimination sur mon lieu de travail.

Qu’as-tu décidé de faire à la place ?
Je suis devenue dominatrice professionnelle, planificatrice d’événements et coach de vie.

Professional dominatrix Mistress Cleo with a slave in a cage licking her foot

Photo publiée avec l'aimable autorisation de Goddess Cleo

À quel moment as-tu eu une illumination ?
En gros, je suis tombée sur le blog d’une femme qui parlait de manière très ouverte et honnête de sa vie. Elle dansait dans des strip-clubs et touchait un peu à la findom [la domination financière, ndlr]. Son nom de scène est Madame Says. Elle a été une inspiration pour moi et m’a poussée à envisager la domination comme une profession. Je lisais son blog régulièrement et j’étais complètement fascinée par le monde qu’elle décrivait.

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Un jour, j’ai vu une annonce sur Craigslist qui disait simplement « aimerais-tu devenir dominatrice professionnelle ? » et j’ai littéralement hurlé « PUTAIN, MAIS OUI !! » J’ai répondu à l’annonce et j’ai rencontré le type qui l’avait postée. Deux autres filles lui avaient répondu aussi et étaient présentes. Nous nous sommes tous très bien entendu et avons décidé d’aller au Torture Garden comme introduction à la scène fétichiste et au BDSM. Cette nuit-là a changé ma vie pour le mieux et a marqué le début de mon apprentissage de l'art de la domination.

« Une fois, je torturais les couilles d’un client et j’y suis allée un peu trop fort – il a chié sur mon pied »

Qu’aimes-tu le plus dans ton boulot ?
J’aime être celle qui montre à quelqu'un ce qu'est le subspace [l’état de conscience altéré vécu par les personnes soumises lors de séances BDSM, ndlr] – la plupart des gens n’ont pas conscience de l'impact positif que cela peut avoir sur la santé mentale, ce qui est assez triste. Les sportifs parlent souvent de l'endorphine sécrétée après un footing ou une séance de muscu. Le subspace, c’est ça multiplié par vingt. On a l’impression de flotter. On se sent calme, heureux et confiant. C'est comme une thérapie. De plus, la communauté est vraiment accueillante et tolérante envers tout le monde, peu importe le genre ou la sexualité. Ah, et je gagne beaucoup plus d’argent qu’avant.

Y a-t-il des mauvais côtés ?
Les horaires ! Je bosse littéralement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

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As-tu des anecdotes ?
Il arrive beaucoup de situations marrantes pendant les sessions. Une fois, je torturais les couilles d’un client et j’y suis allée un peu trop fort – il a chié sur mon pied !

Te sens-tu en sécurité ?
Oui, complètement ! J'ai des tonnes de mesures de sécurité en place. Tout est traçable, mais je n'ai jamais eu de mauvaise expérience jusqu'ici. Je touche du bois.

Qu'aurais-tu aimé savoir de ce boulot avant de commencer ?
Rien ! J’y suis allée avec les yeux grands ouverts. Mon seul regret est de ne pas avoir fait ça plus tôt ! J'ai l'impression d'avoir perdu mon temps dans un travail que je détestais alors que j'aurais pu avoir beaucoup plus de plaisir et me sentir plus respectée dans mon rôle.

Quel a été le pire moment de ton job ennuyeux ?
On ne m'a donné que deux semaines de congés pour me remettre d'une chirurgie de remplacement de disque, alors qu'une autre personne ayant subi une chirurgie identique s’est vue accorder six mois de rétablissement. C'est ce qui m'a décidée à changer de carrière. Soit dit en passant, il m'a fallu entre trois et quatre mois pour me remettre de cette opération.

Si tu devais noter sur 10 ta vie d’avant et celle d’aujourd’hui ?
Avant, j'étais à 4/10. J'étais malheureuse. J'avais un problème de santé depuis longtemps qui me causait beaucoup de douleur au travail et je recevais très peu de soutien de la part de mon employeur. Je me sentais complètement coincée. Aujourd'hui, même dans mes pires jours, je tombe rarement en dessous de 8/10, parce qu'il n'y a littéralement rien dans mon travail actuel que je déteste. Dans les meilleurs jours, je dirais que c'est définitivement 10/10. J'ai maintenant la liberté dont j'avais envie et je fais ce que j'aime.

À quel point es-tu arrogante quand tu parles à tes potes qui ont des boulots de merde ?
Je ne suis pas du genre à être arrogante, mais je défends complètement l’idée qu’il faut quitter un boulot de merde, et je soutiendrais n'importe quel ami qui voudrait faire la même chose.

Quel conseil donnerais-tu aux personnes qui détestent leur job ?
Qu’elles sont les seules à pouvoir opérer un changement positif dans leur vie.

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