J’ai passé une semaine à dire « oui » à tout ce qu’on me demandait

Je suis le genre de personne qui dit souvent non. J’adore ça. Récemment, une amie m’a demandé : « Hey Michael, j’organise une soirée à l’arrache avec des jeux de société et quelques potes, ça te dit de venir ? » Je me suis allègrement foutu de sa gueule. Rien ne me semblait moins excitant qu’une « soirée à l’arrache » incluant des jeux de société, pas même la perspective de choper un herpès génital.

« T’es vraiment super négatif », a-t-elle fulminé. « Essaie au moins une fois. »

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Pour être honnête, je ne comprends pas les gens qui trouvent les jeux de société divertissants. Mais quelque part, mon amie avait raison. Peut-être que je devrais être plus positif ? Peut-être que je devrais m’ouvrir à de nouvelles expériences ? Mû par l’esprit d’aventure, j’ai décidé de passer une semaine à répondre « oui » à toutes les questions que quiconque me poserait.


Jour 1

Au début, j’ai eu du mal à trouver des choses auxquelles répondre « oui », probablement parce que je n’avais pas spécialement envie de sortir de mon appartement. Par chance, Facebook grouillait de propositions à accepter. Oui internet, j’aimerais vraiment savoir à quoi ressemble la pire tenue jamais portée par Kendall Jenner – mais malheureusement, là n’était pas vraiment mon objectif.

Les choses ont pris une tout autre tournure le soir où je suis allé au restaurant avec des potes. « Voulez-vous un verre de vin, Monsieur ? » Oui. « Café ? » Bien sûr. « Que diriez-vous d’une crème brûlée ? » Avec plaisir.

« Wow Michael, tu te lâches ce soir », m’a glissé un ami. Si délicieuse que fut cette soirée, le vin et le dessert n’ont pas vraiment réussi à m’ouvrir l’esprit. J’avais besoin de faire plus d’efforts pour trouver de meilleures expériences.

Très vite, je me suis vu offrir d’autres opportunités. Aussitôt arrivé chez moi, j’ai reçu un mail d’une radio qui avait vu ma chaîne YouTube, et qui souhaitait m’inviter pour une émission d’une heure. Étant naturellement anxieux, l’idée d’un show en direct à la radio me terrifiait. Et si le pays entier m’entendait grouiner en riant dans un moment d’abandon ? Et si je faisais une crise d’angoisse et que je tombais dans les pommes ? À contrecœur, j’ai répondu « oui, avec grand plaisir ».

Photo : Alexander Wagner.

Jour 2

Sur le chemin de la station de radio, j’avais la même sensation qu’en me rendant à un rencard Tinder : excité, un peu sceptique et avec une pléthore d’excuses en tête pour m’échapper si besoin.

Une fois arrivé et après avoir salué le staff, j’ai poliment accepté un verre d’eau – que je n’ai pas tardé à renverser. Par chance, le tableau de contrôle a été évité de justesse. Je ne suis pas un expert du langage corporel, mais il semblait évident qu’une bonne partie de l’équipe avait envie de me tuer. Abstraction faite de cette maladresse, ma performance s’est déroulée sans incident. J’ai lâché quelques vannes et jonglé entre les appels d’auditeurs enthousiastes. « Haha, Tamara, tu es vraiment quelqu’un d’unique ! » – pour être honnête, elle ne l’était pas du tout.

Cette expérience fut un véritable succès.

Jour 3

Le jour suivant, en me baladant dans la rue – toujours sur mon petit nuage du passage radio de la veille – une de ces femmes arborant une pétition pour défendre la veuve et l’orphelin m’a intercepté. « Avez-vous une minute à m’accorder pour parler de la forêt tropicale ? » Et merde.

« Oui, j’ai tout mon temps », lui ai-je répondu. Elle a commencé à déclamer son petit discours, tandis que j’acquiesçais tel un robot programmé pour imiter les humains. J’ai trouvé ça assez intéressant. « Alors, vous souhaitez adopter un arbre ? » m’a demandé ma nouvelle amie. Heureusement, un pote m’a envoyé un message à ce moment précis. « Ça te dit qu’on aille faire du sport ensemble demain ? »

Mon ami – le genre de type ridiculement athlétique qui se lève à 7h du matin pour faire du CrossFit au moins trois fois par semaine – me demandait de faire du sport avec lui depuis des mois. Envahi par la flemme, j’ai fini par lui dire que j’adorerais l’accompagner.

Photo : Dominik Pichler

Jour 4

Je ne suis pas sportif pour un sou, et ne voyez aucune fausse modestie dans mes propos. Pour vous faire une idée, disons que si j’achetais un truc chez GoSport, ma banque m’appellerait dans la minute pour me signaler un vol de carte.

« Tu sais quoi ? Je me sens pas très bien, là. Je crois que c’est la crème brûlée de la dernière fois. » Mon ami a vite compris que j’essayais lâchement d’esquiver l’exercice, mais elle a quand même tenté de me rassurer. « T’inquiète, c’est vraiment tranquille. En général, on est quatre avec le coach, et si quelqu’un commence à galérer, les autres se mettent à l’encourager. » Est-ce qu’il pensait vraiment réussir à me détendre en décrivant mon pire cauchemar ?

Jour 5

Je me suis pointé à la salle à 8h du matin. Visiblement, c’était la fin du cours. Et comme si je n’étais pas suffisamment inquiet, le coach m’a glissé : « Vous n’avez pas choisi le bon jour pour débarquer. »

« Ouais. Sans déconner. Chaque jour qui commence par une séance de CrossFit est un mauvais jour. »

« Aujourd’hui, au lieu de faire tout un tas d’exercices, on va se contenter de faire 1 000 soulevés de terre avec des Kettlebells. » Et merde.

« Vous pensez y arriver ? »

« Oui. » Là encore, je mentais.

Après seulement 100 soulevés, je me suis mis à transpirer abondamment. Le frottement des poignets métalliques faisait saigner nos mains. Au bout d’un moment, mes doigts étaient en compote.

« Combien de soulevés avez-vous fait, Michael ? » m’a demandé le coach au bout de 30 minutes.

« 600 », lui ai-je répondu en émettant un faible grognement.

« OK, c’est bon. Tu as déjà assez transpiré pour aujourd’hui. » Il n’a pas eu besoin de me dire deux fois.

Une session de CrossFit. Photo : Dominik Pincher.

Jour 6

Après l’entraînement, je me sentais tellement mal que je tenais à peine debout. Même la dame qui m’avait harcelé il y a quelques jours pour que je signe sa pétition m’a regardé avec pitié quand je suis passé en boitant devant elle. Elle a probablement deviné qu’il m’avait fallu trois minutes pour enfiler mon boxer ce matin.

Je me suis rendu dans les toilettes d’un restaurant – un court trajet qui m’a paru aussi éreintant que les cent derniers pas d’un marathon. En me mettant à pisser, j’ai remarqué que mon urine avait une couleur étrange. J’ai immédiatement boitillé jusqu’au cabinet de mon médecin pour savoir ce qui clochait.

« Vous avez une rhabdomyolyse », m’a-t-elle expliqué. « Cela signifie que votre tissu musculaire s’est déchiré. Qu’est-ce qui vous est arrivé ? »

« J’ai fait un cours d’essai de CrossFit. »

Elle s’est retenue d’exploser de rire, avant de m’envoyer à l’hôpital. Sur place, on m’a dit qu’il fallait que j’y passe la nuit pour recevoir les injections nécessaires pour contrer mon surplus d’enzymes CK – ou quelque chose comme ça.

« OK », ai-je dit, cette fois-ci sans le moindre regret.

Alors que j’étais étendu sur mon lit d’hôpital, incapable de dormir à cause de ma perfusion, je me suis demandé si je n’avais pas finalement réussi à vivre la « nouvelle expérience » qui avait motivé mon défi. Ce qui était sûr, c’était que je cherchais à sortir de ma zone de confort – même si je m’étais dit que je ne ferai sans doute rien de plus que manger des fromages couverts de moisissures ou faire de la Zumba.

Photo de l’auteur.

Jour 7

Le matin suivant, mon taux sanguin s’est amélioré et on m’a dit que je pouvais rentrer chez moi. Avec mes aventures de la veille, j’avais complètement oublié de consulter mes messages. Hormis les habituels spams, j’ai reçu un texto de mon amie obsédée par les jeux de société. Cette fois-ci, elle voulait savoir j’avais envie de l’accompagner à un concert de ukulélé. Je commençais à me demander pourquoi j’étais ami avec cette fille.

Au lieu d’accepter immédiatement, j’ai pris un moment pour réfléchir sur la semaine que je venais de passer. Je me suis rappelé de ma conversation profonde avec la femme qui voulait sauver les forêts tropicales, de la crème brûlée, du CrossFit – et surtout, de mon séjour catastrophique à l’hôpital.

En répondant « non », j’ai senti que je pouvais respirer à nouveau. J’ai appuyé sur « envoyer » avec un petit sourire aux lèvres et je suis sorti d’ici, embrassant ma négativité comme au bon vieux temps.