Les DJs ont la réputation de faire le travail le plus facile du monde. Vous pressez sur Play quelque part près d’une piscine à Ibiza, vous prétendez que vous êtes en train de tourner des boutons et après votre ‘set’, vous vous engouffrez dans un jet privé avec 20 000 euros en poche et êtes en route vers votre prochaine soirée au Japon. Toutefois, tout le monde n’est pas Steve Aoki. Et heureusement. Afin de démystifier ce cliché, j’ai décidé de suivre pendant une semaine le programme de ma tourneuse de vinyles préférée et – attention divulgation complète – amie de longue date, Black Mamba.
Depuis cette année, Black Mamba présente Hooray sur Studio Brussel, est bookée jusqu’à trois fois par nuit et a été élue sixième meilleur DJ du pays aux Red Bull Elektropedia Awards. « Ça a tout d’un coup été super vite pour moi », me dit-elle à propos de l’année écoulée. Si vite qu’après l’été, elle s’est rendue compte qu’elle devait adapter son mode de vie pour pouvoir tenir le rythme. Histoire de ne pas finir comme Avicii. « L’été a été génial, mais j’avais un mode de vie vraiment malsain. Je me suis goinfrée de trucs hyper gras et je buvais des boissons énergisantes comme si c’était de l’eau. Je voulais retrouver un mode de vie sain, c’est pourquoi je me force à suivre maintenant un planning super strict. Entraînement sportif quatre fois par semaine, complété par un régime détox de haut niveau. C’est probablement pourquoi elle me rit au nez quand je lui propose de vivre comme elle pendant une semaine. J’ai vraiment compris pourquoi quand on a jeté un oeil à son planning hebdomadaire.
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La semaine a commencé, comme bien souvent, un lundi. Mais alors, bien plus tôt que d’habitude. À sept heures, Black Mamba m’attend à la salle de sport du Ghent Watersportbaan. De cette façon, elle évite les files d’attente et les odeurs de transpi sur les machines, et elle pourra aussi arriver à l’heure pour son émission sur Studio Brussel. Quand j’arrive avec une légère gueule de bois, Black Mamba m’attend déjà dans sa voiture. Sa voiture ? « Oui, je sais », dit-elle avec culpabilité. « La prochaine fois je viendrai à vélo, mais il faut toujours que j’achète des gants. »
Le premier repas de la semaine est un shake plein de protéines que Black Mamba boit trois à quatre fois par jour, selon son emploi du temps. « Je continuais à manger comme si je menais une vie normale. La nuit, j’ai toujours faim et j’avais envie d’aliments super gras. Maintenant, je mange toute la journée et toute la nuit, mais des trucs sains. » Je ne sais pas si ce shake peut vraiment satisfaire une envie de mal-bouffe. Ce que je sais, c’est que Black Mamba m’a ajouté du café instantané et de la cannelle dedans et que du coup, ça goûte Noël. Tous mes préjugés sur les fana de fitness et leurs shakes disparaissent C’est une très bonne façon de gérer son temps.
« Ok d’accord, mais un cul au top, c’est bien aussi, non ? »
Black Mamba m’explique pourquoi elle fait du sport trois à quatre fois par semaine. « En premier lieu, je m’entraîne pour mon propre bien-être. Je veux être au top pendant le week-end et les longues journées que je me tape. En tant que DJ, je ne peux pas me permettre d’avoir un petit down. Les gens viennent faire la fête et je dois bien m’occuper d’eux. » « Ok d’accord, mais un cul au top, c’est bien aussi, non ? » Black Mamba rigole. « Je prends souvent des photos de moi de profil et je deviens consciente de mon propre corps qui change, oui. La santé, c’est le plus important, mais j’avoue que je ne veux pas non plus de bras raplaplas quand je les agite derrière les platines. »
Après l’entraînement, nos routes se séparent car nos vraies journées vont maintenant commencer. Peu de temps après, Black Mamba m’envoie une photo de son petit-déjeuner, qui consiste en un duo de galettes de riz à l’avocat, deux œufs sans leurs jaunes, un peu de mozzarella, des tomates cerises et du poulet. Moi aussi, j’instagrame ma création avec une esthétique très brunch d’influenceur. Pas besoin de m’enfiler trois tasses de café et cinq cigarettes. Mais je me sens quand même coupable parce que je vais devoir manger beaucoup trop d’avocats.
Le mardi soir, j’apprends qu’il arrive que Black Mamba ne soit pas toujours parfaite. « Je me sens mal », m’envoie-t-elle. « Je viens de manger un beignet lors d’un event. Et maintenant, je le regrette vraiment. » Ah, mais attendez, la meuf n’a pas fini de s’entraîner. A sept heures un mercredi soir, par exemple. Pendant les exercices de sit-ups, Black Mamba me parle du Mediatalk VRT NXT où elle était invitée la nuit précédente. « Beaucoup de jeunes filles m’ont demandé comment devenir DJ. J’aime penser que je peux les inspirer. Certaines m’ont demandé combien les DJ’s gagnent », rit-elle « mais si c’est leur motivation principale, elles ne devraient même pas commencer. C’est aussi et avant tout un job difficile. » On dirait bien, oui.
Sans le savoir, j’ai signé pour un vendredi qui commence par un entraînement à 7h du matin et se terminer à 4 heures du mat’ au Vooruit de Gand.
Jeudi matin, je décide d’expérimenter également le côté fun du style de vie de Black Mamba. Je lui demande si je peux l’accompagner ce week-end et avant de le savoir, j’ai signé pour un vendredi qui commence par un entraînement à sept heures du matin et se terminer à quatre heures du mat’ au Vooruit de Gand. Lorsque vendredi matin, j’arrive à la salle de sport dix minutes plus tard que prévu, notre Black Mamba sportive de haut niveau semble être toujours fourrée au lit. Un petit tour sur le tapis roulant plus tard, je la vois pénétrer le gymnase et se confondre en excuse. Mais la seule chose qu’elle regrette vraiment, c’est de ne pas m’avoir vu me démener sur le tapis.
Le vendredi soir, la plupart des gens normaux noient leur semaine de travail acharné dans des litres de bières. À ce moment-là, Black Mamba est assise à côté de moi dans la voiture, totalement sobre, prête à faire le tour des Flandres, en passant par Anvers, Mortsel et Gand. Outre le fitness et le régime, Black Mamba ne boit pas d’alcool non plus. « J’avais l’habitude de le faire, mais maintenant je veux rester focus, et comme ça mon plus one peut au moins boire quelque chose. » Mais je ne suis pas ce +1 là, car ce que Mamba fait, je dois le faire aussi. Tout pour réfuter le cliché du DJ bourré. J’essaie de me remonter le moral avec la perspective d’un petit snack à la station d’essence, mais bien sûr, c’est interdit. A la place, on s’enfile le shake protéiné du soir. Un pur délice.
Ce soir-là, bon nombre des conversations que nous avons eues au cours des squats de cinquante kilos ont pris sens. Quand Black Mamba se rend à la toilette entre deux morceaux, je joue le DJ suppléant et je sens immédiatement comment tout le monde me regarde. Votre corps, c’est votre outil de travail. Black Mamba, elle, ne souffre pas d’incertitudes. Elle mixe à fond pendant que je tente obstinément de m’amuser en solitaire et sans alcool.
À minuit, le niveau de stress augmente. Nous disposons d’une heure de battement entre les soirées de Gand et de Mortsel, et selon Google Maps, d’environ cinquante minutes de route. Quand le prochain DJ arrive, Black Mamba se précipite vers la voiture et laisse le club faire la fête sans elle. Accompagnés par les beats du Studio Brussels, on file vers Gand et on débarque trois minutes avant qu’elle ne passe. « Eh ben, juste à temps », dit-elle.
Pendant que Black Mamba joue et fait danser un Vooruit plein à craquer, je m’éloigne de la table de mixage avec Mr. Black Mamba. Le public devient plus sauvage. Tout le monde commence à se chauffer et ma compagne de fitness grimpe sur la cabine du DJ. « J’ai toujours rêvé de faire ça. Je pense que c‘était le moment idéal. » La salle ne semble pas lui en vouloir. Au contraire. Dommage pour ces œufs durs qui auraient dû servir de collation nocturnes et qui ont été écrasés sans ménagement par les shakes sous la table.
Un peu après trois heures, Black Mamba joue son dernier morceau de la soirée et me ramène ensuite à la maison. Elle a l’air aussi fraîche que la rosée du matin. Personnellement, je me sens un peu barbouillé, épuisé et socialement fatigué. La perspective d’un autre petit-déjeuner composé de poulet, de protéines et d’un shake ne m’aide pas vraiment à aller mieux. Bien que malgré tout, je commence à piger pourquoi Black Mamba vit comme une athlète. Alors que je suis encore en train de récupérer de la veille, Black Mamba est déjà sur Stu Bru le samedi soir. Je l’entends dire à son audience « Non, c’est déjà fini ? C’est passé trop vite ! J’en veux plus. » De toute évidence, Black Mamba est accro à un rythme de malade.
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