« J’ai un truc à te dire : je suis séropositive »

Lucie Hovhannessian a longtemps été une étudiante comme les autres. Qui n’a jamais une thune, sèche les cours de socio, enchaîne les fêtes et rencontre des mecs. Des coups d’un soir, des plans foireux, des fucking friends, des vrais crushs… Mais l’insouciance de ses 20 ans s’est fracassée ce jour de juin 2012 où trois lettres sont venus bouleverser sa vie : VIH, ce « putain de virus mortel », comme elle dit. Qui lui a filé ça ? Et quand ? Est-ce que c’est Esteban ? Ils étaient à court de capotes lors du week-end qu’ils ont passé ensemble. Ou Fabrice, ce mec qui l’a draguée dans la rue et qu’elle a fini par sucer ? « Mais ça ne suffit pas pour attraper le Sida… Est-ce que ça suffit ? Putain, je sais pas » : en quelques secondes, Lucie a réalisé qu’elle était finalement mal informée sur cette maladie – qu’elle n’avait, au fond, jamais pensé attraper.

Soudain, elle s’est souvenue de toutes les fois où elle s’est mise en danger – la nuit où « on a oublié le préservatif », celle « où on n’en avait pas sous la main » – sans même en avoir conscience. « Nous prenions tous ça un peu à la légère, pensant que nous étions à l’abri, comme par magie. Il paraît que la jeunesse nous enivre d’un sentiment d’invincibilité », raconte aujourd’hui Lucie dans Presque comme les autres. Ma vie de jeune séropositive (éditions Robert Laffont), un livre témoignage qui vient de sortir en librairie. La jeune a femme a poursuivit son enquête pour savoir « qui » lui avait transmis le virus : avec Cédric, avec Gaël, elle s’est protégée. Au départ. Puis au bout de quelques temps et une brève vérification – « t’as rien ? – Non. Toi non plus ? – Non » – la capote a disparu du paysage. « Je n’avais pas le réflexe de demander à mon partenaire de se faire dépister, ni d’y aller moi-même », reconnaît Lucie. Tous ses ex sont clean. Elle les a prévenu, ils ont fait le test. Négatif, assurent-ils. Elle ne les croit pas tous – il doit forcément y en avoir un qui ment… Au final, elle ne saura jamais qui l’a contaminé : « J’ai simplement été insouciante et un peu stupide, j’ai accordé ma confiance trop vite, trop facilement. Même si cela semble un peu tard, je vais désormais devoir toujours me méfier. De tout. De tout le monde. Tout le temps ».

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« Prendre tous les soirs mes trois pilules rend les choses très concrètes »

Dès lors, rencontrer quelqu’un est devenu impensable pour Lucie. Ses nouveaux partenaires s’appellent Norvir, Truvada et Reyadaz. Chaque jour, à 19h30 tapantes, elle a rencard avec eux. « D’un coup, prendre tous les soirs mes trois pilules rend la chose très réelle », réalise Lucie. « J’ai désormais des produits concrets et un rituel pour me rappeler quotidiennement que je suis porteuse du VIH ». Reste que la vie s’est pas arrêtée avec le virus. Elle a décidé de quitter son Est natal pour le soleil de Cannes où, sur les bancs d’une fac de journalisme, elle est tombée amoureuse de Maxime. Un baiser, les corps qui ont commencé à se rapprocher. Et cette phrase, difficile à sortir : « j’ai un truc à te dire, avant qu’on aille plus loin. Je suis séropositive ». Silence. Malaise. Le VIH n’empêche pas d’être en couple. La charge virale de Lucie est très faible et les risques de contamination, quasiment nuls dans les rapports avec préservatif. Mais lui a peur de la maladie. Et elle, qu’il la quitte pour un fille qui n’a pas le VIH. Mais c’est finalement la distance et la – comme toute très banale – lassitude du couple qui aura raison de leur histoire.

Comme n’importe qui vient de se faire larguer, Lucie a cherché à se consoler en datant sur Tinder ou Adopteunmec. A une différence près : à chaque match, la même phrase, de moins en moins difficile à prononcer : « je suis séropositive ». Il y a les types qui fuient, ceux qui ne décollent pas leurs yeux du préservatif pendant qu’ils font l’amour, et heureusement, ceux qui s’en fichent… Tristan est de ceux-là. Elle l’a rencontré à Paris, où elle vit aujourd’hui. Elle est amoureuse, a toujours des galère de thunes, enchaîne les petits boulots et les voyages. Une vie comme les autres. Enfin, presque.

« Presque comme les autres. Ma vie de jeune séropositive » de Lucie Hovhannessian. Editions Robert Laffont. 19 euros