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J’ai vu un Belge battre le record du monde d’enfilage de fricadelles

À Lembeke, chaleureux petit patelin situé non loin de Gand, le café Bardot a organisé début du mois un marathon de 24 heures afin de célébrer Pâques comme il se doit. En tête d‘affiche, un concours plus qu’attrayant : manger le plus de fricadelles possible. En tant que touriste culinaire, je suis allée jeter un coup d’œil dans ce trou perdu qui, pendant quelques heures, s’est vu transformé en digne fief de la culture gastronomique belge, à savoir un énorme boudin de viande frite.

Je précise que mes attentes étaient très élevées. Je pensais que les participants allaient s’empiffrer comme s’ils n’avaient rien mangé depuis des lustres, jusqu’à l’implosion. Déception. « Ça ne devient vraiment passionnant que si un Américain prend part au concours. C’est un autre niveau. Ces types sont des professionnels, ils sont payés pour ça. Leur endurance est bien plus élevée », m’explique Rik Nauwelaerts, ex-champion du monde parmi les mangeurs de fricadelles

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Dans l’arrière-salle du café, qui ressemble à un sauna en bois, ma patience est mise à mal par les bribes d’enthousiasme sauvage de supporters rougeauds et ivres. Plusieurs générations sont venues ici soutenir leur candidat préféré à coup de cris rauques et de sifflements perçants. La salle est bien trop exiguë pour le nombre de spectateurs entassés, mais j’essaye tant bien que mal de me tailler une place parmi les personnes présentes. D’où je suis, j’ai une vue idéale sur les plateaux de fricadelles qui arrivent en direct d’une tente plantée dans le jardin où elles sont cuites. Je suis à moitié dans la salle, à moitié sur la terrasse. L’endroit idéal pour se délecter d’un délicieux fumet de cigarettes et de friture.

Le concours commence. Pendant quinze minutes, la salle bondée regarde plus ou moins attentivement les participants signaler que les fricadelles qui leur ont été servies sont bien trop chaudes. À mon grand étonnement, je les vois manger tout à leur aise, comme s’ils dégustaient une petite frite mayo accoudés à la table en formica du fritkot du coin. Je regarde autour de moi avec désespoir, dans l’attente d’un regard complice qui s’offusquerait avec moi de cette flegme que je lis dans les yeux des participants, alors que mon estomac gronde de faim.

Le premier tour est maintenant terminé, avec un maximum de onze fricadelles englouties. Personnellement, je me sens à cet instant capable d’en manger deux fois plus. « Nous distribuons le surplus dans le café », m’explique alors un serveur. Son plateau rempli de morceaux de fricadelles se vide en deux temps trois mouvements.

Au total, il y aura quatre tours, dont trois seront uniquement composés de participants de sexe masculin. Au cours du dernier round, l’excitation est à son comble, grâce à Rik, le champion belge, qui prend maintenant place à la grande table et porte un t-shirt jaune sponsorisé par Eetwedstrijden.nl. Le champion est âgé de 30 ans, présente un visage amical et n’est, à mon grand étonnement, pas gros. En fait, il semble étrangement en bonne santé. Il me dit que son métabolisme est somme toute assez bon, car il fait beaucoup de sport. Il est évidemment plus que conscient que les fricadelles ne sont pas ce qu’on pourrait appeler « des produits diététiques ». Mais ça ne semble pas le déranger plus que ça. « En règle générale, j’essaie de mettre le moins de sauce possible et de ne pas boire trop de boissons sucrées, parce que c’est déjà assez gras comme ça », me confie-t-il. J’observe Rik s’envoyer douze fricadelles pendant son quart d’heure. Pas une de plus.

Assis à côté de lui, Joachim Carpe, de Sint-Niklaas, également trente ans mais aucun passif dans les concours de bouffe. C’est sa toute première participation et il écrase immédiatement notre ex-champion avec dix-neuf fricadelles et demi au compteur. C’est même deux de plus que le record du monde détenu jusqu’à présent par le Néerlandais Ton Firing. Rik n’est pas jaloux. Il pense justement que c’est ça qui rend le truc amusant, qu’il y ait de la compétition. « Je n’aurais jamais pu m’enfiler autant de fricadelles en quinze minutes. » En ce qui concerne Joachim, sa participation au concours n’était que ponctuelle. « J’avais juste envie d’essayer une fois », dit-il nonchalamment. Suite à sa victoire, Joachim se voit offrir un bon de 50 euros et sort tranquillement sur la terrasse du café.

Les supporters ivres continueront à faire la fête jusqu’au lendemain après-midi puisque le marathon de l’enfer n’en est qu’à sa première moitié. Arrivée chez moi, je profite de ce retour au calme pour allumer mon ordi et binge-watcher des vidéos de concours de bouffe Américains pour continuer sur ma lancée.

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