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Janet Jackson vient reprendre ce qui lui est dû

Pour célébrer son 49ème anniversaire, le week-end dernier, Janet Jackson a balancé une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle elle déclarait ceci : « Je vous avais promis que je vous le dirais en personne, voilà qui est fait. Cette année vous aurez le droit à de nouveaux morceaux, à une nouvelle tournée mondiale et à un nouveau mouvement. J’ai bien écouté tout ce que vous avez dit ces dernières années. Poursuivons la conversation. » Janet a accompagné sa vidéo du hashtag #ConversationsInACafe, laissant ainsi planer l’idée que ce pourrait-être le nom de son nouvel album après sept ans de rien.

Ça fait en effet un moment qu’on a envie de lui retourner la question qu’elle posait sur son troisième album Control : « What have you done for me lately ? » Ses derniers albums —Damita Jo en 2004, 20 Y.O en 2006 et Discipline en 2008— étaient terriblement inégaux pour ne pas dire franchement médiocres. En fait, depuis All For You sorti en 2001, Janet n’a rien sorti de vraiment mémorable. Mais si Miss Jackson (If You’re Nasty) connaît depuis quelques temps une période de vaches maigres, elle reste une artiste de premier ordre, à l’impact et à l’influence extrêmement sous-estimés.

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Car si les pop-stars se trémoussent dans les arenas du Monde Libre sur des chorégraphies réglées au millimètre, c’est grâce à la brêche que les performances avant-gardistes de Janet ont ouverte dans les années 90. Britney Spears qui choisi un membre du public lors d’un concert à Vegas pour le tenir en laisse et le fouetter devant une assemblée médusée ? Janet l’a fait avant. J-Lo qui base toute une vidéo sur une féroce battle de danse ? Janet l’a fait avant. Miley Cyrus ? Elle ne fait rien d’autre que de marcher sur les pas de Janet, qui est passée, elle aussi, d’actrice de sitcoms pour enfants à une icône pop internationale après la sortie de son album Control, en 1986.

Même 25 ans après sa sortie, le clip de « Rythm Nation », avec ses chorégraphies à couper le souffle et ses visuels post-apocalyptiques, reste une source d’inspiration intarissable pour tout performer aspirant à devenir un chanteur-danseur-superstar-symbole-d’une-époque. Quand on voit sa prestation sur « Fight For This Love » à X Factor en 2009, on se dit par exemple que Cheryl Cole a été très attentive au clip de Janet.

Mais Janet n’a pas seulement imposé un personnage et une esthétique, elle a aussi et surtout durablement marqué les esprits grâce à sa musique. Tous les artistes R&B modernes surfent sur une vague que Janet a façonné pas à pas, au terme d’un nombre incalculable de singles produits par Jimmy Jam et Terry Lewis entre la fin des années 80 et le début des années 90. Avec leurs hooks en béton et leurs beats XXL, les bangers de début de carrière de Janet comme « Nasty », « Escapade », « Love Will Never Do (Without You) », « Alright » et « Miss You Much » sont toujours aussi efficaces aujourd’hui. Dans ce sillage, Teddy Riley a créé le New Jack Swing (ou swingbeat), un mouvement d’où sortiront plus tard de futurs grands comme Mary J, Diddy, Missy, Timbaland ou Pharell.

Aussi bizarre que ça puisse paraître, des artistes alternatifs rendent hommage à Janet. Blood Orange et How to Dress Well ont repris certains de ses titres; Shura se présente comme une fan ultime de la cadette de la fratrie Jackson; et Yukimi Nagano de Little Dragon reconnait que la manière dont elle chante « a été très influencée par Janet Jackson. » Même le duo noise-pop Sleigh Bells a reconnu l’influence de Janet. Le leader du groupe, Alexis Krauss, considère « Rhythm Nation » comme « un morceau d’une puissance incroyable », et voit dans Janet « une artiste au style parfaitement équilibré — à la fois robuste et féminin. »

« Robuste et féminin » , voilà une description qui colle bien à la vision que Janet a d’elle-même. À 27 ans, avec la sortie de son album éponyme, Janet a commencé à explorer ouvertement sa sexualité, allant jusqu’à poser à moitié nue en couverture de Rolling Stone avec les seules mains de son mari pour cacher ses seins. Dans le clip de « If », elle faisait allusion au cunnilingus en guidant la tête du danseur vers son entrejambe. Si le clip est osé, les lyrics le sont d’autant plus : « You on the rise as you’re touchin’ my thighs and / Let me know If you like, I’ll go down… »

Même si son tristement célèbre « accident de garde robe » au Super Bowl en 2004 lui colle à la peau (mine de rien, elle avait vingt ans d’avance sur #FreeTheNipple), Janet n’a jamais joué la carte de la provocation gratuite. Ses morceaux, et plus précisément ceux de The Velvet Rope, sorti en 1997, abordent tous les facettes du sexe, y compris les plus sombres — du SM aux plans à trois en passant par l’homophobie et les violences sexuelles. Dans la sublime ballade électro « Empty », Janet anticipe même, près de 15 avant l’apparition de Tinder ou Twitter, les travers des relations en ligne : « Is this a new way to love ? Never face to face, is it enough ? Does it really count or am I a fool ? »

On prend trop souvent Janet à la légère, en évoquant son poids qui fait le yoyo, ses relations secrètes, sa famille, son mariage avec Jermaine Dupri ou les sommes faramineuses dépensées pour ses vidéos (qui défoncent, c’est un fait indéniable). Rares sont ceux qui se souviennent d’elle comme ce qu’elle est vraiment : une des personnalités les plus importantes et influente de la pop de ces 40 dernières années. Et si cet impact peut aujourd’hui être analysé et intellectualisé, n’oublions pas l’essentiel. Janet est une artiste hors pair, une performer totalement électrique et on l’aime avant tout pour ça. Prenez le clip de « The Pleasure Principle », dans lequel Janet ne fait que chanter et danser et prend un pied monumental en le faisant, le plus simplement du monde. Ce move où elle saute sur la chaise ? On a jamais rien vu de mieux dans le genre depuis.

Welcome back, JJ, tu nous avais vraiment vraiment manqué.