Culture

Je suis allée au Noël des chats et mes attentes étaient démesurées

L’exposition féline Le Noël des chats avait absolument tout pour me plaire. Elle réunit deux de mes choses préférées : les chats et fêter Noël dès le mois de novembre. En plus, on prévoyait un concours de décoration de cages des Fêtes.

J’avais donc de très hautes attentes pour cet événement qui promettait d’égayer un jour pluvieux dans un centre sportif au nord du Carrefour Laval.

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Interprétation de La Création d’Adam de Michel-Ange, mais en mieux.

Et décidément, mes attentes étaient démesurées.

Imaginez un croisement entre un gymnase et un abri Tempo géant, trois longues rangées doubles de cages, plus d’une centaine de chats, tout autant d’amoureux des félins affalés sur des chaises pliantes, le tout entouré de stands de merch et de quatre stations de juges, où à tour de rôle les chats se font évaluer. Ah, et trois sapins de Noël.

On me remet un plan de la journée, rédigé dans un vocabulaire spécialisé que je déchiffre à peine. Il y a 32 séances d’évaluation et 16 finales en une journée seulement. On évalue séparément les chats répartis dans quatre catégories : les « champions », les chats opérés, les chatons et les chats domestiques.

Un éleveur nous présente son bel ami.

Tout se produit simultanément dans les quatre stations de juges – qui d’ailleurs ressemblent à un stand de limonades avec des poteaux agrémentés de planches à griffes.

« Pauvre juge, il va t’endurer toute la journée », murmure une dame en déplaçant son énorme boule de poils qui s’époumone dans les allées. Les propriétaires de chats promènent leurs bêtes d’un endroit à l’autre dans une danse à laquelle je ne comprends rien. C’est, à mes yeux non avertis, l’anarchie du minet.

Un minet qui semble prompt à l’anarchie.

– Ça a changé beaucoup, le concept, depuis que ça a commencé? demandé-je à une des personnes qui call régulièrement les chats à évaluer au micro.
– Avant, on était à la place Bonaventure. Maintenant, on est à Laval.

Il y a un silence.

– Ça n’a pas beaucoup changé.

Bien.

J’apprends au fil de mes conversations qu’il y a 118 chats qui participent au concours ce jour-là, en plus des nombreux chatons à vendre qui chillent dans les cages et des autres minets que les exposants n’ont pas voulu laisser seuls à la maison.

J’ai pris plus que la posologie recommandée d’antihistaminiques.

Elaine Gleason, concentrée sur son évaluation.

Entre deux salves de chats à évaluer, la juge Elaine Gleason m’explique le fonctionnement du concours complet, dans lequel les chats sont d’abord évalués par race, par longueur de poils, puis rappelés en finale, et je fais semblant de comprendre.

Les critères d’évaluation, eux, sont assez simples à expliquer : on détermine si le chat ressemble à… ce à quoi un chat de sa race devrait ressembler. S’il correspond plus à sa race que les autres chats correspondent à leur race, il gagne. La personnalité du chat, ses habiletés, on s’en fout. Il faut juste que le chat soit pur.

C’est très félidénormatif comme concept. Ça fait aussi des évaluations un peu drabes. J’espérais – sans l’avouer – voir des tours de chats. J’étais naïve.

Mme Gleason, qui a un air sévère lors des évaluations, s’illumine lorsqu’elle parle de son métier. Elle m’explique être une juge passionnée depuis 32 ans. C’est son mari qui l’a initiée au merveilleux monde du chat de compétition. D’ailleurs, M. Robert Gleason est juge lui aussi, au stand d’à côté. Je lui rends donc visite.

Robert Gleason qui évalue un petit tannant.

« Je suis en train de déterminer qui passe en finale. Je ne peux pas parler », me lance-t-il, visiblement agacé.

Je me suis contentée d’assister à une des finales. « Regardez-moi ces muscles! Et ce magnifique nez aplati! » s’exclame M. Gleason avant de décorer d’un ruban un chat musclé au nez aplati. Le public massé sur – et autour – des chaises pliantes hoche la tête d’un air approbateur.

Un chat de Bengal attaque vicieusement sa récompense de meilleur chat de Bengal.

Le déroulement des évaluations et des finales est assez ennuyeux, à dire vrai. La seule partie excitante consiste à regarder les chats tannants chahuter dans leur cage et attaquer leurs rubans de victoire – mais est-ce vraiment une victoire? Avec toutes les différentes finales, je n’ai jamais compris quel chat avait réellement gagné.

Je vais me noyer dans la foule. Je discute avec Bradley, qui se promène ben relax avec son chaton, un bombay noir, dans les bras. Ce n’est pas tant un fanatique de ce genre d’événements, mais son éleveur était sur place et il a décidé de show off son minet pour le fun. Il est arrivé 10e sur 15, si je me rappelle bien, mais j’ignore 15 quoi.

Bradley et son bombay.

– Ça sert à quoi, ces concours-là? Qu’est-ce que les éleveurs gagnent, à part des rubans et des plaquettes?
– Quoi, comme un prix en argent?
– Ouais.
– Oh non. Il n’y a pas de prix pour le gagnant. Mais je pense que c’est bon pour les éleveurs, de montrer que leurs chats sont les meilleurs. C’est bon pour la business.

La réflexion est intéressante. En dehors des jugements ennuyants, de nombreux éleveurs sont présents pour vanter les vertus de leurs chats. Les visiteurs se promènent, échangent sur les différentes races, montrent les photos de leurs chats à la maison… Et les éleveurs proposent des chatons à 1500 $.

Finalement, j’ai été déçue. Ces concours des meilleurs chats du Canada ne semblent être rien d’autre qu’une animalerie glorifiée à laquelle on a ajouté des décorations de Noël.

Vexé que son maître parle au téléphone, un chat quémande de l’attention.

Au moins, ma journée s’est conclue avec un récit de miracle de Noël, par la juge Hayley Boam.

« Vendredi dernier, ma chatte a fait un cycle complet dans la machine à laver, et elle a survécu. Aucune lésion cérébrale, aucun dommage neurologique, aucune dislocation, aucun os brisé. Ce que je dis en blague, c’est qu’elle a utilisé ses neuf vies, et que les autres chats dans la maison lui en ont prêté. » VICE précise que c’est le père de la juge Boam qui a par inadvertance lavé le chat.

Sinon, c’était pas mal ça.

Un chat de Bengal intrigué par l’appareil photo.

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« Je m’emmerde, se lamente un vendeur de guédis de chats à un autre vendeur de guédis de chats. Est-ce que toi aussi, tu t’emmerdes? »

La complainte du vendeur de guédis de chats s’est réverbérée dans mon être. L’événement était somme toute assez plate. Mais faut peut-être s’y attendre quand la banderole de bienvenue est écrite en Comic Sans.

Justine de l’Église est sur Twitter .