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Je suis Américaine et la cuisine française m’a sauvé de la déprime post-Trump

Après la victoire de Trump aux élections, comme beaucoup d’Américains, je suis tombée dans une spirale infernale. Les États-Unis venaient d’élire l’homme le plus vulgaire, grossier, égocentrique et misogyne qui soit au poste le plus important du monde. Les discours et les meetings qui ont constitué la campagne de Trump avaient offert un spectacle confus, saturé de slogans inélégants et de rancœur. Mais si sa campagne m’avait semblé épouvantable, ce n’était rien comparé à sa présidence, qui m’a vraiment poussée dans mes derniers retranchements. J’avais besoin d’une échappatoire, d’un truc qui me permette de focaliser mon esprit sur autre chose que cette terrible transformation de l’image de mon pays dont j’étais témoin.

Cuisiner est peu à peu devenu un refuge face à ce désolant spectacle quotidien. Mais je ne pouvais pas me contenter de cuisiner les plats que je préparais depuis mes vingt ans ; le steak, les spaghettis et le poulet frit n’allaient pas venir à bout de ce gouvernement. J’avais besoin d’une distraction bien plus efficace. Cela m’a pris quelques semaines avant de décider de la direction à prendre, mais la solution m’est finalement tombée toute cuite : la cuisine française.

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Pourquoi la France ? Pas seulement parce que les Français détestent Trump, mais aussi parce que je voyais dans la culture française LE symbole de l’anti-Trumpisme. La France est l’un des pays européens les plus bigarrés, elle a toujours valorisé l’histoire, l’art, l’élégance et les valeurs progressistes. Et leur cuisine est mondialement reconnue. Mais je ne vous apprends rien, pas vrai ? De plus, les Français ont toujours apprécié l’intellect et suivi les règles du savoir-vivre. Et, pour couronner le tout, ça ne peut pas faire de mal que la pierre angulaire de leur cuisine soit le vin et le beurre ; qui peut s’opposer à l’idée d’ingurgiter des quantités gargantuesques de ces deux ingrédients ? (Bon, mon médecin a osé, mais… qu’il aille se faire foutre, il a voté pour Trump.)

Les croque-madames, c’est zéro prise de tête.

C’est ainsi qu’a débuté mon voyage au cœur de la cuisine française. J’ai acheté des livres de recettes françaises, d’autres sur la vie à la française, et j’ai regardé des émissions de cuisine françaises. Je suis devenue cette personne détestable qui se met à tout comparer avec la façon de faire des Français.

Mon amour pour les cuisses de poulet et le vin rouge a fait du coq au vin une véritable partie de plaisir pour ma première tentative. Depuis notre rencontre, il y a quatre ans, j’ai passé tous les Noëls avec la famille plutôt nombreuse de ma femme, mais, sachant que la plupart de ses proches avaient voté pour Trump, il était hors de question de les revoir aussi peu de temps après les élections. Du coup, je me retrouvais seule, et je ne pouvais pas être plus satisfaite de ma situation.


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La recette que j’ai suivie était une version modernisée du célèbre coq au vin de Julia Child. Je l’ai agrémentée d’un pinot noir bon marché et j’ai passé la soirée devant La vie d’Adèle. Je ne pouvais pas imaginer de manière plus française d’envoyer celui qui était alors président élu se faire foutre.

Le coq au vin de l’auteur

Le deuxième classique de la gastronomie française auquel je me suis attaquée a été la quiche, préparée en pleine montée d’adrénaline suite à la Marche des femmes du 22 janvier. Au lieu de, comme à mon habitude, zapper de manière incessante entre Meet the Press, This Week et CBS Sunday morning, je me suis fait une tasse de café avec une cafetière à piston et j’ai préparé ma première quiche avec des brocolis, du poivron, des champignons et du chèvre. Et après quelques dimanches à faire des quiches, je suis passée aux crêpes.

Peu de temps après, la France vivait à son tour des élections controversées, où les citoyens étaient sommés de choisir entre une populiste d’extrême droite remettant en cause l’ordre établi, et un centriste socialement libéral. (Ça ne vous rappelle rien ?) Mais les Français n’ont pas commis la même erreur que nous.

Pour fêter leur rejet de l’extrémisme, j’ai fait un confit de canard.

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Même quand je ne cuisinais pas, je faisais en sorte de manger de la nourriture française autant que possible. À l’anniversaire de notre mariage, avec ma femme, nous avons dîné dans un restaurant français dans le quartier. (Et, oui, la France a effectivement autorisé le mariage pour tous avant les États-Unis.)

À chaque fois que Trump signait un décret discriminatoire, j’ouvrais un de mes livres de recettes et je trouvais quelque chose à cuisiner. Quand il a décidé que les personnes transgenres ne pouvaient pas servir dans l’armée américaine, j’ai fait un bœuf bourguignon. Mon premier essai n’a pas été une franche réussite, mais les tweets incessants de Trump m’ont motivée à le perfectionner.

Quand j’ai enfin réussi à faire un bœuf bourguignon.

En revanche, quand Trump a qualifié quelques néonazis de Charlottesville de « gens très fréquentables », je n’ai pas trouvé l’énergie de cuisiner. J’ai préféré noyer mon chagrin avec un plateau de fromage français et une bouteille de champagne.

Au cours de l’année précédente, j’ai fait de la soupe à l’oignon, des steaks au poivre, des croque-madames, et d’innombrables autres plats typiquement français. Un an a passé depuis l’élection, et on n’a pas fini de subir la Trumpmania. J’ai trouvé un moyen de résister plus directement à ce gouvernement en participant à des manifs et des boycotts, ainsi qu’en faisant quelques dons au planning familial et en essayant d’élever les consciences autant que possible.

Mais le fait de prendre soin de moi en m’adonnant à la délicieuse cuisine française a surtout été la meilleure manière d’envoyer ce sale type se faire cuire un œuf. Pour rester polie.


Cet article a été initialement publié sur MUNCHIES US.