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Divorcés à la vingtaine

On s'est mariés pendant l'hiver. Tout est parti en vrille au printemps.

À en croire les statistiques, il est de plus en plus difficile de trouver l'âme sœur : depuis 2004, le pourcentage de couples mariés ne cesse de diminuer en Franceet les gens attendent plus longtemps avant de se passer la bague au doigt. Pour les générations passées, se marier vers 20 ans était relativement courant, alors qu'aujourd'hui, c'est considéré comme étrange ; en 2011, seulement 16 % des 18 – 24 ans en couple étaient mariés.

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Dans certains cercles, se marier avant ses 30 ans peut-être vu comme une décision hâtive. Mais sachant que notre société nous dicte de passer notre vingtaine dans l'insouciance la plus complète, les personnes déjà divorcées avant 30 ans sont encore plus stigmatisées.

Ci-dessous figurent trois histoires anonymes de divorcés qui viennent de milieux complètement différents. Ils nous ont expliqué pourquoi ils se sont mariés si jeunes, et ce que ça fait d'expliquer à de nouveaux partenaires qu'ils ont déjà été mariés par le passé.

Divorcé #1
Âge actuel : 29 ans
Âge lors du mariage : 24 ans
Âge lors du divorce : 27 ans

J'ai rencontré mon ex-femme alors que nous nous étions tous deux enrôlés dans la Marine à Camp Pendleton en Californie, pas loin de San Diego. Nous vivions tous deux dans les baraquements sur place. Je l'ai très vite remarquée, puis nous avons commencé à sortir ensemble – dîners galants, cinéma et tout le toutim. Les choses ont naturellement évolué. Ça faisait trois ans que j'étais dans la Marine. Elle avait 20 ans, et n'y était que depuis un an. Avant de nous marier, nous nous sommes uniquement fréquentés sur la base militaire.

Nous avons commencé à parler de mariage assez rapidement. Après un mois, on a commencé à rigoler là-dessus en se disant des trucs du style « Ce serait marrant si on se mariait, non ? » J'étais vachement amoureux de cette fille à ce moment-là et je savais que c'était réciproque. On pensait tous les deux que c'était la meilleure chose à faire. En même temps, quand vous êtes dans l'armée, dans une base, vous êtes seulement payés une petite somme toute les deux semaines. Quand vous vous mariez, vous pouvez emménager dans un appartement sur place ou demander une prime pour vous installer ailleurs – environ 2 000 dollars par mois, ce qui est plutôt motivant. En plus, vous êtes séparé des femmes dans les Marines, et vous suivez une routine quotidienne qui ne permet pas vraiment d'avoir des interactions sociales. La perspective de vivre en dehors de la base et d'avoir une vraie relation était vraiment tentante.

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Quand j'ai fait ma demande, c'était très simple. Je me suis rendu dans sa chambre avec une bague bon marché et je lui ai demandé d'être ma femme – ce n'était pas une surprise ou un truc du genre. Je ne me suis même pas mis à genoux. À vrai dire, je ne me souviens même plus de la date. On s'est mariés environ deux mois plus tard. Tout est arrivé si vite.

On était tous les deux excités jusqu'à ce qu'on soit finalement mariés. On a pris un appartement près de Oceanside en Californie, même si on ne savait pas trop ce qu'on faisait et qu'on n'était clairement pas préparés à vivre ce genre de vie. Après quatre mois de mariage, j'ai voulu arrêter l'armée. J'avais pensé à poursuivre une carrière dans l'armée jusqu'alors. Elle y tenait aussi, parce que ça nous permettait de rester ensemble et de bénéficier d'une certaine stabilité. En plus, il lui restait deux ans et demi avant qu'elle ne puisse arrêter à son tour.

« C'était définitivement une grosse connerie. J'ai fini par faire gonfler les statistiques, par devenir un chiffre parmi tant d'autres. »

Mais mon contrat s'est terminé et mon mode de vie a radicalement changé. Je suis passé d'une routine très stricte à un emploi du temps extrêmement libre. J'ai cherché du taf et me suis inscrit dans une école. J'avais la vingtaine et j'empochais tout cet argent du gouvernement sans travailler, tout en faisant pas mal la fête. Elle était encore dans l'armée. Avant, mes potes étaient tous dans les Marines. Après ça, je me suis fait des potes qui fumaient des joints, sniffaient de la coke, sortaient beaucoup – qui vivaient à la californienne, en somme. Elle a commencé à s'impliquer de plus en plus dans ses loisirs – faire de la moto, aller voir des concerts de country, etc. Quand nous nous sommes rencontrés, nous étions sur la même longueur d'ondes – huit mois plus tard, nous étions comme des étrangers.

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Un an plus tard (peut-être un peu moins), nous nous sommes séparés, et nous avons divorcé quelques années plus tard. Ce n'était pas une rupture dramatique. On a décidé de rester mariés pour qu'elle garde son appartement et ses autres bénéfices jusqu'à la fin de son service.

Dès notre séparation, je me suis mis à sortir avec d'autres filles. Je suis même resté avec l'une d'elles pendant quatre ou cinq mois. On ne peut pas vraiment dire que mon mariage ait affecté ma jeunesse, même s'il est vrai que les gens de mon âge ne sont pas nécessairement à l'aise à l'idée de sortir avec un jeune divorcé. Alors que j'étais simplement séparé, je me rappelle en avoir parlé à une fille, qui s'est braquée très vite. Ça m'a fait réaliser qu'il fallait que je divorce pour de bon.

Aujourd'hui, je parle très rarement de mon ex-femme – je pense que de nombreuses personnes stigmatisent les jeunes divorcés, surtout quand on vient d'une petite ville. Je pense qu'on se sent d'autant plus coupables lorsqu'on est très proche de personnes issues de la génération d'avant. Dans les grandes villes progressives, les gens sont moins influencés par la vie de leurs parents. Ils prennent plutôt exemple sur leur entourage. Heureusement, je vis à un endroit habité par des personnes qui sont très critiques à l'égard de la génération de leurs parents, et pour qui le divorce n'est absolument pas tabou.

Je dois avouer qu'au fond de moi, je me décevais pour ne pas avoir écouté mes parents et les autres adultes responsables qui m'avaient dit que se marier si jeune était une mauvaise idée. C'était définitivement une grosse connerie. J'ai fini par faire gonfler les statistiques, par devenir un chiffre parmi tant d'autres. »

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Article associé : Notre génération ne sait plus quand s'arrêter de faire la fête

Divorcée #2
Âge actuel : 25 ans
Âge lors du mariage : 23 ans
Âge lors du divorce : 25 ans

À bien des égards, je ne suis pas une personne « normale ». J'ai grandi dans une communauté polyamoureuse qui voyageait souvent à travers l'Europe en bus. Aujourd'hui, je suis une doula – j'assiste les naissances et je donne conseil aux femmes enceintes. Ma vision de la monogamie et du mariage est probablement très différente de la vôtre – ce qui ne m'a pas empêchée de me marier très jeune.

J'ai déménagé de New York pour m'installer à Londres car j'avais quelques clients là-bas. J'ai rencontré mon ex-mari peu de temps après mon arrivée. Notre relation est très vite devenue intense. Après notre premier rencard, pendant l'été 2013, je me suis rendu compte qu'il éveillait en moi une passion que je n'avais jamais ressentie auparavant – j'étais déjà tombée amoureuse, mais pas comme ça. On a plus ou moins passé le mois suivant collés l'un à l'autre, jusqu'à ce que je doive rentrer en Europe pour le boulot. Il m'a dit qu'il m'aimait juste avant que je parte, puis il est venu me rendre visite à Londres. C'est à ce moment que je suis tombée enceinte, sans qu'aucun de nous ne s'en rende compte.

Je suis allée lui rendre visite à New York, et nous avons parlé de mariage. Quand j'ai réalisé que j'étais enceinte, il m'a dit qu'il ne voulait pas que je garde l'enfant. Pourtant, le mariage semblait toujours une étape logique : j'étais folle de lui, j'avais besoin d'un visa pour revenir à ses côtés, et j'attendais un enfant.

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Nous nous sommes mariés en février 2014 – moins de six mois après notre rencontre. Notre mariage a commencé à battre de l'aile au printemps. Mon amour pour lui n'a jamais faibli, mais nous avons vécu des moments très difficiles. J'avais l'impression qu'il me forçait à avorter, chose que je ne m'étais jamais imaginé faire. Je ne suis pas là pour shamer qui que ce soit, mais ce n'était tout simplement pas mon genre. Ce n'est pas tant l'acte qui me gênait, mais le fait de m'y sentir obligée. Mon mari m'a fait comprendre très clairement qu'il ne m'aiderait pas financièrement si je gardais l'enfant.

Je peux difficilement résumer cette situation compliquée en quelques lignes, mais disons que l'idée de se marier pour avoir une carte verte l'a énormément stressé. Il avait l'impression de mettre sa carrière en péril. De mon côté, j'avais peur d'avorter – ça allait à l'encontre de ma carrière de doula. On s'est séparés pendant l'été, bien qu'on soit resté mariés jusqu'à ce que je décroche mon visa.

Cette relation m'a fait beaucoup souffrir. J'étais très choquée, et je me suis affranchie de cette souffrance en faisant du mal aux autres. Je suis une personne très sensible, mais je peux être aussi très sexuelle et avide de pouvoir. Après notre séparation, j'ai couché avec tous les mecs qui m'attiraient, quand je le voulais. J'occultais complètement les sentiments de mes nouveaux partenaires.

« Accepter son divorce, c'est aussi accepter un échec. »

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Je leur disais quand même que j'étais encore mariée d'un point de vue légal. Si cela rebutait certaines personnes, d'autres trouvaient ça attirant. Ça leur donnait l'impression de faire quelque chose de non-conventionnel, et donc, quelque chose d'excitant. Mais je refusais de parler de mon mariage raté à mes clients – à savoir des femmes enceintes et leurs partenaires. Quand on accepte son divorce, on accepte aussi un échec. Je n'avais pas envie de parler de ça à des personnes qui étaient sur le point de commencer une famille.

L'été dernier – deux ans après notre rencontre et quelques mois après notre séparation –, nous avons divorcé. J'aurais pu être éligible pour une carte verte valable pendant dix ans si j'étais restée avec lui plus longtemps, mais j'ai refusé. Encore aujourd'hui, je subis ses décisions tous les jours. À mes yeux, cette relation est encore un fardeau.

J'espère me remarier plus tard. J'aimerais aussi devenir mère. Peut-être qu'un jour, je pourrais voir cette expérience comme un mariage test, même si c'était très dur émotionnellement parlant. Je suis persuadée que lorsque je rencontrerais l'âme sœur, j'aurais beaucoup appris.

Divorcé #3
Âge actuel : 24 ans
Âge lors du mariage : 18 ans
Âge lors du divorce : 19 ans

Je suis mariée depuis mars, et tout se passe à merveille. C'est mon deuxième mariage – le premier n'avait rien de rationnel. J'étais tombée enceinte de mon ex, et je me suis mise à le faire passer pour mon mari parce que je ne me sentais pas en sécurité. J'étais terrifiée à l'idée d'être seule et de devoir faire face à mon anxiété. Du coup, je me suis retrouvée à vivre avec un type qui ne me laissait jamais conduire, aller à l'université ou voir qui que ce soit. On avait tous les deux 18 ans, et il m'a souvent laissée seule à l'appartement – il voyait aussi d'autres femmes. Il contrôlait ma vie, et je le laissais faire. Le peu de famille qui me restait avait complètement coupé les ponts. Peut-être que je serais partie plus tôt s'ils avaient été là pour me faire réaliser que son comportement n'avait rien de normal.

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Notre fille est née, et nous nous sommes mariés un an plus tard. Il a acheté ma bague dans la bijouterie d'un centre commercial, et a dépensé énormément d'argent pour pouvoir s'en vanter par la suite. On ne peut pas vraiment dire que c'était très romantique, mais nous étions légalement mariés. Deux semaines avant la « vraie » cérémonie, alors que notre fille fêtait ses 1 an, il m'a trompée pour la dernière fois. J'ai fini par me défendre et il nous a dégagées toutes les deux. Comme j'étais à la fois sous-diplômée et complètement terrifiée, je ne connaissais absolument pas mes droits. Je ne me suis même pas battue. J'ai tout laissé, sauf ma fille, et je suis partie sans jamais me retourner. J'ai même organisé une fête intitulée « L'échappée belle » le jour où nous devions officialiser le mariage devant nos proches.

Nous n'avons même pas parlé de divorce. Je me suis contentée d'arrêter d'utiliser son nom de famille et j'ai fait enregistrer ma nouvelle adresse, puis l'État du Texas a finalisé notre séparation.

Je venais d'avoir 19 ans, et je me suis sentie à la fois gênée et honteuse d'être divorcée aussi jeune. J'avais aussi l'impression d'avoir moins de « valeur ». Il n'était de toute façon pas question pour moi d'entamer une nouvelle relation – du moins, c'est ce que je pensais.

J'ai commencé à revoir mes vieux amis, ceux que mon mari m'interdisait de voir. L'un d'eux s'est avéré très entreprenant. Il tenait à faire partie de ma vie et celle de ma fille. Je trouvais ça aussi étrange que difficile de le voir tenter de gagner ma confiance. Je ne comprenais sincèrement pas pourquoi il était intéressé. Toujours est-il qu'il l'était, et je lui en suis très reconnaissante. Je lui ai dit que je ne pourrais jamais avoir de rencard avec lui, parce que je refusais d'avoir recours aux services d'un(e) baby-sitter. Je lui ai dit que s'il voulait vraiment être avec moi, il devrait rester avec ma fille aussi.

À ma grande surprise, il ne s'est pas contenté d'accepter – il m'a dit que c'était exactement ce qu'il voulait. Du coup, nos premiers jours de romance se sont déroulés dans des fast-foods, des zoos, des parcs, des aquariums, des musées – et à peu près tous les endroits appréciés des enfants. Il était très naturel avec nous deux, et j'avais l'impression de faire partie d'une vraie famille. Mon premier mariage n'en était pas vraiment un. C'était plutôt une conséquence de mon syndrome de Stockholm.

Mon nouveau copain avait neuf ans de plus que moi, et il avait aussi divorcé très jeune après une relation abusive. Beaucoup de personnes m'ont jugée parce que j'avais trouvé un copain très vite, mais j'avais l'impression d'être à l'aube d'une nouvelle vie – une vie où je pourrais être enfin heureuse.

On se dit trop souvent que les jeunes divorcés sont bêtes et impulsifs, mais la plupart des personnes dans mon cas sont des victimes prédisposées à ces circonstances abusives. À mes yeux, les jeunes divorcés sont naïfs, mais loin d'être stupides.