FYI.

This story is over 5 years old.

techno

La confusion de Gamergate mise en lumière par l’exclusion à vie de Twitter de Milo Yiannopoulos

Pour Gamergate, l'industrie des jeux vidéo n'a pas d'avenir
Milo Yiannopoulos. Photo : G- Dragon sur YouTube

Quiconque dit faire partie du Gamergate et affirme participer à ce prétendu combat pour la liberté de parole et l'expression artistique apolitique, ne peut certainement pas s'en faire pour Milo Yiannopoulos, un partisan très en vue du mouvement qui, avant son émergence, rédigeait des articles dans lesquels il qualifiait les gamers de weirdos, mâles bêta frustrés, et pire encore.

Sur son compte Twitter (maintenant fermé – Twitter a banni Yiannopoulos), le rédacteur se décrivait comme « le plus fabuleux supervilain sur internet ». Son exclusion du réseau social est survenue après qu'il a contribué à la campagne d'injures contre l'actrice de Ghostbusters Leslie Jones. Dans une entrevue à ce sujet sur le site même qui le publie, Breitbart, Yiannopoulos a affirmé : « Ça va leur exploser au visage, comme toutes les actions de la gauche totalitaire régressive, me procurant plus d'adeptes adorateurs. »

Publicité

Pour Gamergate, l'industrie des jeux vidéo n'a pas d'avenir.

Gamergate accuse le monde d'aujourd'hui de forcer les concepteurs de jeux vidéo à afficher et à montrer la justesse de leurs propres opinions politiques. Les sympathisants du mouvement, qui se décrivent comme des libres penseurs de l'industrie du jeu vidéo, invulnérables aux influences politiques ou individuelles, ne suivraient certainement pas aveuglément un leader aussi égocentrique. Clairement, le gars ne pense qu'à lui.

Mais, comme l'illustrent les mots-clés #FreeMilo et #JeSuisMilo, apparus sur Twitter après son exclusion, Gamergate a été doucement amené à valoriser l'image et la perspective personnelle de Milo Yiannopoulos. Gamergate affirme que la politique doit être écartée de la culture populaire. Par contre, ici, dans un geste si ignoble qu'il démolit la crédibilité du groupe, le mouvement et ses sympathisants s'approprient la formule et le souvenir de l'attentat terroriste contre Charlie Hebdo, une atrocité qui ne pouvait pas être davantage politique.

S'il était fidèle à ses idées — le rejet du politique et des idées personnelles dans les jeux vidéo —, Gamergate, en tant que groupe uni en faveur d'une idéologie, n'existerait pas. Il reconnaîtrait que l'union même est un geste politique. Et il ne se regrouperait pas pour appuyer un individu, encore moins un type si éhontément obsédé par lui-même. Un Gamergate légitime serait un Gamergate sans nom.

Publicité

Le refus de la censure et la liberté d'expression sont deux magnifiques causes que Gamergate a exploitées pour faire passer ses idées politiques sordides. Il amalgame tous ceux qui expriment leur mécontentement envers la classe politique. Sans faire la distinction entre la suppression gouvernementale du droit de s'exprimer et les beaucoup moins importantes critiques des médias. Pour eux, tout ça est de la censure.

C'est l'hypocrisie congénitale du groupe : le Gamergate commet à répétition l'erreur de ne pas reconnaître que de faire campagne contre l'absence de quelque chose dans les jeux vidéo, que ce soit le féminisme, la représentation positive de personnes de couleur, ou dans un autre projet taxé d'être « libéral », compte aussi pour de la censure — du moins selon sa définition du terme. À tort, Gamergate assume que les concepteurs de jeux vidéo sont dans sa situation : ils ne pourraient jamais vraiment vouloir concevoir un jeu vidéo mettant de l'avant une femme, par exemple, et s'ils le font, c'est forcément qu'ils sont victimes de quelque chose.

Gamergate affirme être du côté des jeux et des concepteurs. En même temps, il fait campagne pour limiter les possibilités des deux. Et s'il échoue et qu'un jeu féministe est lancé — ce qui arrive et continuera d'arriver, peu importe la résistance —, Gamergate essaie de le démolir, affirmant par exemple qu'il est trop court, trop linéaire, trop politique pour être un jeu vidéo ou, carrément, que ce n'est pas un jeu vidéo. Utilisant le langage politique pour faire campagne en faveur de l'apolitisme ou des tactiques censoriales contre la censure, Gamergate prétend défendre la liberté d'expression des concepteurs de jeux vidéo tout en déclarant que des jeux vidéo sont illégitimes. Bref, Gamergate ne défend pas la liberté d'expression des autres, mais ses propres intérêts. Il n'est pas du côté des jeux vidéo. Comme Milo Yiannopolous, il s'intéresse aux jeux vidéo exclusivement pour lui-même.

Publicité

Gamergate dira ensuite que s'opposer à lui revient à s'opposer aux jeux vidéo eux-mêmes : soit vous appuyez les politiques et les objectifs de Gamergate, soit vous n'êtes pas un vrai gamer. En plus d'accorder une absurde valeur gonflée à l'identité de gamer, sans tenir compte de la capacité d'une personne mature d'apprécier et d'évaluer par elle-même les jeux vidéo, films et autres créations artistiques, Gamergate fait preuve d'une belle arrogance en remettant en question l'intérêt et la passion de quelqu'un pour les jeux vidéo. Tenter de fixer ce qu'est ou ce que devrait être un jeu vidéo est négatif. C'est l'équivalent de dire à un enfant qu'il ne sera jamais astronaute. Gamergate, plutôt que de croire aux jeux vidéo, comme il le pense, empêche l'industrie de s'épanouir, la condamne à rester la même. « Exclure la politique des jeux vidéo » se traduit presque toujours par « empêcher les jeux vidéo d'évoluer ».

Une personne réellement fascinée par les jeux vidéo accueillera favorablement la différence et le changement : elle les considérera comme des conditions fondamentales de leur pérennité. Comme le vrai patriote qui s'engage envers sa société contemporaine plutôt que de lutter pour en rétablir une version historique idéalisée, le gamer est encouragé par la diversité et le potentiel — l'étendue des possibilités plutôt que le statu quo. C'est malheureux que des gens qui se disent passionnés de jeux vidéo en limitent volontairement les possibilités.

Pour Gamergate, l'industrie des jeux vidéo n'a pas d'avenir. Pire, il essaie de prévenir l'avenir vers lequel elle est en marche. Groupe confus dont les actions reflètent tout ce contre quoi il lutte, Gamergate demande un moratoire sur le changement. Contre l'écrasant poids des précédents — de la peinture au cinéma en passant par la musique, toute expression artistique humaine a toujours lentement évolué —, @Nero, pseudonyme que s'était donné Milo Yiannapolous, est comme l'empereur du même nom qui, selon la légende, aurait joué du violon en regardant brûler Rome.

Bien que Yiannapolous et Gamergate aient injustement causé du tort au cours des deux dernières années, ils n'ont pas assisté à la destruction de l'industrie du jeu vidéo, mais à son renouvellement. Le directeur de l'exploitation d'Electronic Arts, Peter Moore, a admis qu'après l'arrivée du Gamergate, la compagnie a accordé plus d'attention à la diversité en matière d'embauche. Des jeux immensément populaires aussi différents que Life Is Strange et Call of Duty : Black Ops III ont donné des rôles de premier plan à des personnages féminins — dans le second exemple, l'inclusion est un peu forcée, mais la possibilité même de cette inclusion est un effet positif de la vague de changements qui a cours en ce moment dans toute l'industrie des jeux vidéo. Des outils comme Unity et Twine et des plateformes comme Itch.io procurent aux nouvelles voix des occasions de créer et de se faire entendre.

Aux messages pernicieux et contradictoires de Gamergate, parfois dictés par des individus comme Yiannapolous, parfois non, se sont opposés les concepteurs de jeux vidéo, les joueurs et leur éloquente demande d'une évolution positive. Tandis que le mot-clé s'étiole, l'industrie des jeux vidéo s'épanouit.

Suivez Ed Smith sur Twitter.