Johnny Marr prend la mode et la musique très au sérieux


Photos : Kevin Shea Adams

La mode est à la musique ce que les pédophiles sont aux enfants. Mode et musique constituent une alliance malsaine, embarrassante, résultant d’une perversion mentale avancée. Johnny Marr est le seul musicien qui soit parvenu à associer les deux avec classe. Il a d’abord développé son style en s’opposant avec élégance à celui de Morrissey qui, lui, avait opté pour une vibration exagérément féminine durant leurs années passées ensemble dans les Smiths – qui est toujours le groupe le plus cool du monde et dans lequel Johnny Marr jouait de la guitare, l’instrument le plus cool du monde. Vous, les mecs qui portez des baskets ridicules, trois fois trop de bijoux (bijoux qui d’ailleurs devraient être interdits aux hommes) et des pantalons presse-couilles : vous feriez mieux d’examiner à la loupe les looks que Johnny a arborés tout au long de sa carrière. Avec un peu de chance, vous apprendrez enfin à vous saper comme un homme adulte et non plus comme un chômeur longue durée. The Messenger, le premier album solo de Johnny, vient de sortir ; c’était l’occasion rêvée de parler musique avec lui, de savoir comment il avait appris à ne jamais se comporter comme un trou de balle et surtout, lui demander qui de lui ou de Moz était le plus fort des hommes vivants.

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VICE : Très peu de groupes ont été aussi exigeants que les Smiths, et cette exigence s’est accrue d’année en année. Selon vous, il est sain de prendre la musique très au sérieux ?
Johnny Marr: Je pense que la pop culture, celle que je connais du moins, recouvre un champ large et n’est pas seulement liée à la musique. La pop met en valeur une certaine esthétique, un certain mode de vie, et une politique – quand il s’agit de bonne pop. Je me contrefous que les gens prennent mon boulot à la légère, ou prennent à la légère les trucs qui les intéressent. D’autres personnes prennent ça très au sérieux et sont heureuses de retrouver ces éléments dans mes disques.
 
Certains groupes et certains albums ont bouleversé les fondements de la culture occidentale – j’ai le sentiment qu’il n’y en aura plus jamais. Je suis trop cynique, selon vous 
Ça dépend de ce que tu cherches. Si tu veux de la poésie profonde, personne ne t’en donnera. Si tu as 15 ans, que tu veux changer de sapes et que tu découvres les Strokes, ça marche, non ? Si tu es au lycée et que tu découvres Karen O, ça marche aussi : ce disque peut te changer.
 
 
The Messenger a l’air fortement influencé par les girl-bands des années 1960 et par le blues – et ce, aussi bien d’un point de vue musical que d’un point de vue vestimentaire. Vous avez n’avez laissé passer aucun élément contemporain ?
Honnêtement, non. Je ne vois pas l’intérêt d’être régressif et de sans cesse me répéter, mais d’un autre côté, je me dois d’être parfaitement moi-même. À l’école, j’aimais les gens qui avaient une certaine éthique, une philosophie de vie, et qui d’un point de vue esthétique s’en tiraient plutôt bien. Si j’ai quitté l’Angleterre pour Portland, c’était pour pouvoir me souvenir de l’endroit où j’ai écrit mes premières chansons. Être pertinent est le cadet de mes soucis ; je préfère laisser ce truc aux autres musiciens. Je les mettrai dans mon iPod. Tout ce qui m’importe, c’est d’être moi.
 
Depuis vos débuts avec les Smiths, vous avez toujours été contre les rock stars et leurs ridicules paires de couilles en élasthanne. Ce serait faux de dire que si vous êtes gynocentriste – ou du moins, « à l’écoute des femmes » –, c’est parce que vous écoutiez tous ces girl-bands quand vous étiez ado ?
Ça a été volontaire à partir du moment où des femmes me l’ont fait remarquer. Ça doit être un truc générationnel. Les mecs de ma génération, Anglais comme Américains, n’ont jamais été contre les femmes, tu vois. Et ça n’a jamais été difficile pour les filles de mon époque d’intégrer des groupes, etc. J’ai grandi entouré de femmes : toute ma vie, j’ai pu compter sur une présence féminine. Alors ouais, on m’avait fait remarquer avant que je rentre dans les Smiths que ma manière de jouer de la guitare n’était pas macho. Je l’ai plutôt bien pris.
 
J’ai gardé cette question pour la fin, au cas où elle vous donnerait envie de me frapper. Qui gagnerait au bras de fer entre Moz et vous ?
Sûrement lui. Attends, qu’est-ce que je dis… Moi ! Clairement.