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Comment obtenir de la supersoie en gavant des vers de nanotubes de carbone

La nature propose, la technologie dispose.
Image: I Love Coffee dot Today/Shutterstock

La soie est un matériau extrêmement étrange. Cette fibre textile d'origine animale, parmi les plus résistantes qui existe, est collectée à partir des cocons de larve de Bombyx mori, un lépidoptère d'élevage. Après 5000 ans de sélection par l'homme, cet animal n'existe plus à l'état sauvage puisque son existence tend vers un seul et même but : produire le précieux fil de soie dont dépend une partie de l'industrie textile. Ainsi, l'insecte a été soigneusement « optimisé » par des générations d'élevage sélectif afin de produire un cocon contenant jusqu'à 900 mètres de fil.

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L'industrie de la soie est en fort déclin depuis près d'un demi-siècle, avec l'avènement des textiles synthétiques comme le nylon. Nous n'avons plus besoin que des armées de chenilles travaillent inlassablement afin que nous puissions tisser des parachutes et des bas en soie. Cependant, les chimistes aimeraient produire une soie plus solide capable de rivaliser avec les tissus modernes, sans se débarrasser pour autant de la partenaire de toujours de l'industrie de la soie, Bombyx mori. Dans un article publié la semaine dernière dans Nano Letters, un groupe de chimistes chinois détaillent la création d'une nouvelle fibre renforcée produite par des vers à soie ayant suivi un régime à base de graphène et de nanotubes de carbone.

La supersoie hybride n'est pas un nouveau concept. Par le passé, de nombreux chercheurs ont déjà entrepris d'ajouter des colorants, des agents antimicrobiens, des polymères conducteurs et des nanoparticules à la fibre de soie, soit en trempant le fil dans un bain chimique, soit en nourrissant directement les chenilles des produits en question.

Les vers à soie sont des créatures assez simples. En fait, ils consistent principalement en… un estomac, que l'on gave de feuilles de mûrier pendant 27 jours. Le ver entreprend ensuite de tisser son cocon, puis de se dissimuler à l'intérieur avant de se métamorphoser en papillon. Le fil soie est produit par plusieurs paires de glandes salivaires et se compose de deux éléments distincts : la fibroïne et de la séricine. La fibroïne est le composant solide et durable de la soie. Elle est excrétée sous forme liquide à travers deux trous disposés sur la face du ver, puis se solidifie et forme des filaments hyper résistants au contact de l'air. Pendant ce temps-là, le ver sécrète de la séricine, qui agit comme un agent de liaison et colle les filaments ensemble.

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Image: Zhang et al

Les chercheurs de l'Université Tsinghua à l'origine de l'étude ne savent pas si la technique d'introduction du graphène et des nanotubes de carbone dans le régime alimentaire du ver à soie (une opération effectuée en aspergeant les feuilles de mûrier d'un liquide contenant les composés en question) pourra être étendue à l'ensemble de la production de soie. En outre, ici, les matières synthétiques sont conservées par l'organisme du ver et non excrétées sous forme de déchets ; elles sont ensuite incorporées dans la soie nouvellement produite.

« Cette stratégie est naturelle et pourrait sans doute être utilisée à grande échelle, ouvrant une nouvelle ère de la production de fibres de soie super-résistantes, » notent les auteurs. « Il reste cependant nombre d'inconnues ici : nous ne savons pas quelle est la quantité maximale de nanotubes de carbone que peuvent absorber les vers sans risque. Nous ne savons pas non plus quels processus biologiques sont à l'œuvre ici. »

Les fils de soie améliorés sont 50% plus solides que de la soie classique, et conducteurs. Cette propriété pourrait permettre d'utiliser la supersoie en électronique, notamment pour construire des capteurs. La résistance accrue du matériau le rend également éligible à une utilisation industrielle pour des implants biomédicaux durables. Mais il faudra d'abord comprendre comment les vers à soie parviennent à produire des fibres ultrarésistantes sans s'intoxiquer. C'est le prochain défi auquel feront face les chercheurs.