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La mort est dans le pré : les taux de suicide inquiétants des agriculteurs français

Alors que les prix de vente de leur production continuent de baisser, les agriculteurs français expriment parfois leur détresse de la plus radicale des façons : en se passant la corde au cou.

Malgré l'image d'Épinal que l'on s'en fait, la vie à la campagne en France n'est pas qu'une partie de plaisir.

Depuis plusieurs mois, les agriculteurs français multiplient les opérations coups de poing visant à dénoncer les injustices du système – notamment les prix non rémunérateurs du porc, du lait ou de la viande bovine.

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Paroxysme de la grogne, certains ont décidé d'utiliser la caisse de résonance du Salon de l'agriculture pour faire passer un message à Matignon, balançant insultes et déjections bovines en direction de François Hollande.

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« Ils sont là pour se pavaner mais ils n'ont aucun pouvoir et nous, on crève », raconte un éleveur dans des propos rapportés par Le Monde. Le vocabulaire utilisé à l'encontre du président de la République, traité de « fossoyeur », est symptomatique du désespoir qui touche les zones agricoles françaises.

Le problème dépasse la simple revendication. Si l'on en croit l'Institut de Veille Sanitaire, près de 200 agriculteurs se suicident en France chaque année – surtout par pendaison. Cette triste statistique révèle à quel point les professionnels de l'agriculture en France sont soumis à des pressions économiques. Quand ce chiffre est tombé en 2013, le vice-président de la FNSEA s'est dit « choqué ».

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Mais selon Jacques Jeffredo, un maraîcher du Morbihan, le chiffre des suicides d'agriculteurs s'élève à 600 chaque année. D'autres associations d'agriculteurs s'accordent sur ce nombre revu à la hausse. Pour commémorer les fermiers tombés sur le champ, Jeffredo a décidé en octobre dernier d'ériger quelques 600 croix blanches en polystyrène sur le parvis d'une église, apprend-on dans un reportage sur BFM TV – « comme sur un cimetière militaire ».

« De nombreux anonymes sont morts en donnant leur vie pour nourrir la population. Ils sont morts pour les autres, » justifie Jeffredo pour expliquer le symbole derrière ces 600 croix. « Tant qu'on observera ce phénomène comme une maladie, il y aura un sentiment de honte et peu de discussions autour. Il n'y a pourtant aucune raison que ce problème existe. »

BFM TV a aussi parlé à Louis Ganay. Cet agriculteur de trente-cinq ans a déjà songé à mettre fin à ses jours. En cause, le stress physique et financier de son emploi. La goutte d'eau qui a failli faire déborder le vase, c'est la perte d'une quinzaine de ses vaches la même année.

« Se lever tôt tous les matins, savoir que dans le mois on va pouvoir se prélever que 200 ou 300 euros avec 80 heures de travail par semaine, c'est une véritable torture », explique Ganay alors qu'il trait ses vaches. « La fatigue physique, la pression psychologique, la banque qui veut vous lâcher, la mort des bovins… vous n'avez plus de raison de vivre donc un jour, je me suis mis à tresser une corde. »

Si les Français sont connus pour leurs manifestations, les agriculteurs du pays ont carrément élevé la pratique au rang d'happening d'art contemporain : des tonnes de fruits et légumes pourris déversées Place de la République à Paris, des autodafés d'épouvantails à l'effigie de ministre de l'Agriculture, des blocages de sites touristiques ou encore des livraisons de purin devant différentes mairies en France.

Alors que les prix de vente de leur production continuent de baisser, les agriculteurs français ont trouvé un moyen plus radical d'exprimer leur détresse : se passer la corde au cou.