Avec les pâtissiers qui font du pain d’épices à la weed pour la Saint-Nicolas

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Avec les pâtissiers qui font du pain d’épices à la weed pour la Saint-Nicolas

Aux Pays-Bas, on dit que le Père Fouettard kiffe les biscuits améliorés du Kronkel, ce coffee-shop qui a complètement saisi ce qu'est « l'esprit de Noël ».

La Saint-Nicolas – ou Sinterklaas pour nos amis flamands – est une tradition célébrée notamment en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Le principe est simple : Saint-Nicolas donne des cadeaux aux enfants le 5 décembre. Il double donc le Père Noël de plus de deux semaines. Aux Pays-Bas, tout le monde fête encore la Saint-Nicolas parce que c'est le moyen le plus sûr de récupérer encore plus de trucs gratuits en décembre.

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Étant moi-même Belge, j'ai toujours considéré la Saint-Nicolas comme une tradition bizarre. La magie de cette fête s'éteint tragiquement le jour où vous chopez vos parents en train de discuter du réveil pour ne pas oublier d'aller remplir vos chaussettes. Aux Pays-Bas, par contre, les gens continuent de faire comme s'ils n'avaient pas compris la supercherie.

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Toutes les photos sont de Rebecca Camphens

Kronkel, un coffee shop situé dans la bourgade de Nijmegen (à l'ouest des Pays-Bas), a bien saisi l'esprit de la Saint-Nicolas. Les 4 et 5 décembre derniers, ce coffee-shop proposait un petit cadeau à tous les clients qui se payait 15 balles d'herbe ou de haschisch : un ballotin de pepernoten – des biscuits améliorés au pain d'épices. Cela fait maintenant presque trente ans qu'ils célèbrent la Saint-Nicolas de cette manière. La recette de pepernoten n'a pas changé. Je suis allée leur rendre une petite visite pour participer moi aussi à la tradition.

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« Que le Père Fouettard soit noir ou blanc, petit ou grand, une chose est sûre : il aime partager les biscuits de Kronkel autour de lui », peut-on lire sur le comptoir du coffee-shop. Un client en reçoit un ballotin et rigole, « ça va faire plaisir à ma nièce, ça. » Stan Esmijer, manager depuis vingt ans, estime que c'est la blague la plus entendue dans le coffee-shop à cette période de l'année. « C'est pour ça qu'on écrit lisiblement sur chaque paquet que ces biscuits contiennent du cannabis et qu'il ne faut pas en donner aux enfants. »

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Ce week-end, Stan a confectionné 650 paquets de dix biscuits, fermé ensuite d'un ruban bleu ou rose. « En tout, on a ajouter deux cents grammes de marijuana à la pâte. Tous les pepernoten sont faits à la main et ils ont tous la même puissance qu'une tranche de space cake », explique-t-il.

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Les pepernoten à la weed, tout comme les space cakes en général aux Pays-Bas, ne sont jamais cuisinés directement dans les coffee-shops. Depuis trente ans, ce sont toujours les trois mêmes types qui se chargent de la popote et des pepernoten faits maison. « On est sur le front depuis 78 heures maintenant, mais ce n'est pas grave. Tous les ans, on se dit la même chose : c'est parti et on se relaie. »

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Ces pâtissiers, qui ont préféré rester anonymes, sont sur les rotules après trois jours en cuisine. Stan raconte : « La première fois qu'ils ont fait ça, ils se sont tous installés dans une petite cuisine. Ils ont fait tous les pepernoten un à un, à la main. Et le simple fait de respirer l'air ambiant les avait défoncés. Maintenant, ils cuisinent les fenêtres ouvertes. Je pense que si les voisins sentent quelque chose, ce sera plus le mélange d'épices que l'odeur de l'herbe. Ça camoufle pas mal. Cela dit, si vous malaxez de la pâte à la weed toute la journée, votre peau va finir par absorber des composants chimiques qui vont passer dans votre sang. Donc si vous façonnez les biscuits à la main avant de les mettre à cuire et que vous restez près du four pendant la cuisson, faites attention. Parfois, on doit dire aux cuistots de prendre une pause parce qu'ils sont trop perchés. Ils reprennent généralement le lendemain. »

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« La recette a été conçue par une femme qui fait toujours partie de l'équipe en cuisine, » ajoute Gilbert, le propriétaire du Kronkel (qui préfère taire son nom de famille). « C'est une recette classique qu'on a retravaillée au fil des années. On utilise les restes d'herbe qui collent au fond des pochons. Niveau qualité, c'est pareil voire meilleur que l'herbe vendue, mais personne ne l'achète. »

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Voilà Stan.

Avant, Kronkel se donnait encore plus à fond pour fêter la Saint-Nicolas. « On faisait des lettres en chocolat infusé à la weed, par exemple », se rappelle Gilbert. « On fondait dans un même moule plein de chutes de chocolat et on y a ajouté du haschisch. Mais la couleur était chelou. On aurait dit du chocolat au lait, mais avec des morceaux plus clairs. On a aussi essayé avec des bonbons, mais ça n'a pas bien marché non plus. Les pepernoten, eux, sont toujours un succès. »

En général, les habitués réclament ces biscuits améliorés au moins une semaine à l'avance. Dès qu'ils les ont, ils les avalent en un jour ou deux. Le coffee-shop ne fait pas de com' autour de son produit. Stan se justifie : « On ne peut pas faire de la pub car cela encouragerait la consommation. Je pense qu'en vérité, on n'a même pas le droit de donner ce genre de produit. On a juste le droit de le vendre. »

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Avec le cadeau de la Saint-Nicolas, ce coffee-shop joue donc avec les limites de la légalité. « Rares sont les coffee-shops qui offrent des cadeaux à leurs clients. Nous choisissons de le faire car nous avons une vision à long terme. Nous employons quarante-six personnes à l'année et nous avons beaucoup investi dans ce business pour le rendre agréable et marrant. Le tragique de notre situation, c'est que tout ce qu'on a construit pourrait s'arrêter du jour au lendemain. Il se pourrait très bien qu'un parti politique anti-coffee-shop arrive au pouvoir un de ces jours. Et alors, on devrait sans doute mettre la clef sous la porte. »

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Les habitués savent tout de l'activité du coffee-shop de Nijmegen. Ils savent qu'à la Saint-Nicolas ils peuvent espérer une petite gâterie sucrée, ils savent que les bingos offrent de beaux cadeaux, ils savent que le vendredi c'est soirée DJ et ils savent qu'avec la carte fidélité, ils peuvent avoir de bonnes réductions. En plus, ce coffee-shop est l'un des seuls aux Pays-Bas où l'on peut réellement manger.

« Nous ne sommes pas qu'un coffee-shop, nous sommes une enseigne de restauration. Les gens parlent de nous pour dire à quel point notre café est bon et à quel point il faut absolument venir tester notre milk-shake twix'n'chai », raconte Stan. « Un coffee-shop n'est pas nécessairement un endroit glauque où se réunissent les gens louches. Ça peut être tout simplement un endroit sympa. »

Cet article a été initialement publié sur MUNCHIES NL.