Ancien joueur de Brive et de Grenoble, Julien Caminati a commencé sa saison de Top 14 à Toulon en tant que joker pour la Coupe du monde. En novembre, il signe à Castres pour pallier l’absence sur blessure de Rémy Grosso. Et le 10 février, le club castrais annonce la prolongation de contrat de deux ans de l’ailier après ses performances remarquées. Même s’il ne figure pas dans le groupe castrais qui affronte Clermont ce samedi, dans le cadre de la 15e journée de Top 14, Julien Caminati a su faire son trou dans le Tarn. Fidèle a lui-même on l’a vu encourager ses potes depuis les tribunes, avec l’excentricité et la gouaille qui le caractérisent tant.
Au-delà de ses qualités rugbystiques, Julien Caminati s’est toujours trimballé une étiquette de mauvais garçon du rugby français. Arrivé pro sur le tard, le bonhomme a en effet de quoi dénoter dans un milieu de plus en plus aseptisé. Sans chichi, il a accepté de revenir longuement sur son parcours du combattant, entre fiestas bien arrosées, accident de scooter et travail acharné.
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VICE : Après la période compliquée que t’as traversée avant de rejoindre Castres, tu dois doublement savourer le fait de rejouer de nouveau ?
Julien Caminati : Ah ouais carrément, à 300%. Ça se passe très bien depuis mon arrivée. J’ai enchaîné les matches et ça fait du bien.
T’as même songé un moment à mettre un terme à ta carrière après ton court passage au RCT ?
Bah ouais, quand t’as pas de club… En fait, l’agent que j’avais à l’époque ne m’a jamais donné de nouvelles donc si jamais tu le croises, dis-lui de me contacter ( rires) ! Quand t’es dans ce cas-là, il faut regarder les choses en face. Si t’es dans cette situation c’est que tu n’intéresses personne et tu te dis alors qu’il est peut-être temps d’arrêter.
Comment tu as vécu cette période d’incertitude ?
C’est long… D’autant plus qu’avant ça j’avais cassé mon contrat avec Grenoble pour signer deux ans avec Toulon. Mais au final on ne me propose qu’un contrat de 4 mois. J’ai été obligé d’accepter parce que je n’avais que ça et que je n’avais plus trop le temps de me retourner. Du coup, tu te manges les couilles car tu te dis que t’as pas fait les bons choix de carrière. Tu remets tout en question en fait. Mais bon, finalement, j’ai eu un peu de chance et je savoure pleinement ce que je vis avec le Castres Olympique aujourd’hui.
S’il n’y avait pas eu d’offres, c’était quoi le plan B ?
Le plan B c’était de toucher le chômage pendant un certain temps et de me trouver un club amateur en attendant.
C’était quoi le problème ?
Honnêtement je ne sais pas. J’ai aussi une part de responsabilité dans le sens où je paye un peu mes conneries passées, l’image négative que les gens ont de moi en général. C’est un tout et ce sont les aléas du métier. Tu peux te retrouver au chômage et être de nouveau en pleine lumière deux mois plus tard, à marquer 3 essais en 3 matches. C’est le système qui veut ça.
Dans quel contexte tu signes au CO ?
En fait je m’étais d’abord mis d’accord avec Mont-de-Marsan. Et trois heures avant de prendre l’avion, le président Revol m’appelle pour me dire qu’il est intéressé. Je lui dis qu’il faut se dépêcher car je suis sur le point de partir pour Mont-de-Marsan et il me propose alors de passer immédiatement le voir à Castres. J’ai dû simplement changer mon billet d’avion.
Tu n’avais encore rien signé avec Mont-de-Marsan ?
Non. J’ai appelé le coach et il a compris ma décision. Il m’a dit qu’il était super content pour moi et qu’il n’y avait aucun souci pour que je signe au CO. Après voilà, il aurait très bien pu m’embêter mais c’est quelqu’un d’intelligent et je dois dire qu’il a assuré sur ce coup-là.
Tu débarques à Castres en tant que jocker médical de Rémy Grosso. Le malheur de l’un a fait le bonheur de l’autre en fait !
Bah ouais, exactement. C’est pour ça que je disais que ce système est un peu bizarre parce que si la blessure de Rémy n’avait pas duré autant [3 mois, ndlr], je ne serais jamais venu ici.
On parle cette saison du CO comme d’une équipe qui a la dalle, une équipe de revanchard. C’est comme ça que tu le sens toi aussi ? Moi je suis effectivement comme ça ( rires) ! Après oui, je sens certains mecs qui sont là pour se relancer, qui ont envie de prouver. Mais ce n’est pas du tout un esprit de revanche un peu malsain, on veut juste jouer au rugby, montrer ce qu’on vaut. Il y a un vrai état d’esprit dans cette équipe et tout le monde a envie de bien travailler. L’ambiance dans le groupe est excellente, on essaie que ça se ressente aussi sur le terrain et jusqu’ici ça marche plutôt pas mal ( Après un début de saison compliqué, le CO reste sur une série de 4 victoires en 5 matches de Top 14, ndlr).
Tu es issu d’une famille de rugbymen, tu as baigné dedans depuis tout gosse. Tu te souviens voir tes parents jouer ?
Ma mère non puisqu’elle a arrêté de jouer quand elle est tombée enceinte de moi, mais j’ai des souvenirs de mon père. Dès 7 ans je le suivais tout le temps. Je suis naturellement allé vers le rugby même si j’ai aussi fait un peu de moto, de foot et de lutte. Mais le rugby a toujours été présent dans ma vie.
On lit souvent que tu étais un gamin turbulent. C’était vraiment le cas ? Oui, et un peu bringueur aussi !
Tu es passé par le centre de formation de Narbonne puis de Castres pendant ta jeunesse mais ça a tourné court. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Ça n’a pas marché parce que j’étais un bon vivant on va dire ! Voilà, trop de bringues, j’aimais pas trop l’école en plus. J’étais un élément perturbateur et l’autorité c’était pas trop mon truc.
Avec le recul, comment tu juges ces deux expériences avortées ? Tu as de regrets ?
Si je devais le refaire je pense que je ne changerais rien parce qu’au final s’il ne m’était pas arrivé tous ces trucs je n’en serais peut-être pas là aujourd’hui. Mais je suis quand même déçu qu’à Narbonne et à Castres cela se soit mal passé parce que c’était des occasions de progresser. Avec le recul, je me dis que si j’avais su à l’époque tout ce que je sais maintenant, ça aurait franchement pu marcher. Je vois aujourd’hui, les jeunes sont carrés, ils vont à la muscu, ils mangent bien, ils ont un cadre clair qui leur permet de bien avancer. C’était différent avant. Moi à l’époque j’étais un peu livré à moi-même et dans ces cas-là, quand t’es minot, tu te disperses assez vite.
Le rugby était moins professionnalisé qu’aujourd’hui aussi, non ?
Oui c’est clair. Nous, pour aller à la musculation à Narbonne, il fallait qu’on aille dans une salle de gym et qu’on se paye l’abonnement. Les centres de formation n’étaient pas comme maintenant.
Après ça tu pars jouer à Cannes Mandelieu, mais là encore tu te fais remarquer [Julien a été suspendu trois ans pour avoir craché sur un arbitre, ndlr]. Est-ce que tu t’es dit que tu as grillé tous tes jokers ?
Ah bah oui là dans ma tête c’est clair. Je me suis dis que c’est terminé.
Comment réagit ta famille face à tous tes écarts ?
Ils étaient déçus, c’est normal. Ils ont dû être un peu dégoûtés que je me gâche. Tu vois ton fils qui a le potentiel pour faire quelque chose et qui n’y arrive pas, forcément ça te touche. Mais ils me connaissent, ils savent comment je fonctionne et ça ne les étonne pas trop de voir où j’en suis aujourd’hui. Ils savent que je suis un gros bosseur et vu que le travail paye toujours…
Quand tu apprends la durée de ta suspension, tu te dis quoi au fond de toi ?
Ben j’avais 18 ans, je jouais en Fédérale 2, donc je ne pensais pas vraiment au monde pro. Je venais de rencontrer ma future femme, je ne vivais plus chez mes parents, donc je pensais surtout à trouver un travail pour pouvoir manger à la fin du mois. T’as surtout envie de t’installer, de faire ta life, et donc de bosser pour ramener un peu de thunes. J’ai dû faire tous les petits de boulots qui existent: menuisier, livreur de sushis, plongeur, cuistot, barman, plagiste, la totale !
Ces erreurs de parcours, c’était un mal nécessaire pour te construire ?
Oui peut-être. C’était un moyen de se forger en tant qu’homme… Enfin j’en sais rien en fait ! Le truc c’est qu’à force de tendre la joue tu finis par te prendre une claque. Et comme j’avais tendance à la tendre facilement… Mais à un moment, à force de prendre des tartes dans la gueule, tu finis par comprendre et dire stop.
Et là pas de chance, t’as un accident de scooter. Il s’est passé quoi ?
C’est un truc tout con. Une femme veut me doubler, je me déporte trop et je me prends un mur en pierre. Donc là, la rotule explosée, le scooter en miettes. Les pompiers sont arrivés et j’ai été opéré en urgence.
Que te disent les docteurs ?
Que ça allait être compliqué de refaire du sport parce que j’avais la rotule en mille morceaux. Mais bon, je me suis accroché, j’ai fait deux ans de kiné et feu ! Avant d’arriver à Nice j’ai bossé avec un prépa’ physique et j’ai finalement pu reprendre le rugby.
Après tout ce que tu avais vécu, cet accident a dû te mettre un sacré coup au moral ? Ouais, à 20 ans j’avais déjà vécu sept vies ! Après ça, tu te dis que tu ne peux pas tomber plus bas. Ça a été dur oui. Même si j’étais bien entouré par mes amis et ma copine. Et puis t’es jeune donc même si tu n’as plus le rugby, tu kiffes la vie autrement. C’est ce que j’ai fait.
T’en a bavé en rééducation ?
Ouais. J’avais des séances tous les jours, ça a vraiment été un chantier de fou. Du coup durant les six premiers mois, tu sors des séances en pleurs tellement la kiné t’a massacré le genou. Mais comme j’étais jeune, je sortais beaucoup, je m’amusais pas mal. Je n’allais pas non plus rester enfermer chez moi à me morfondre. Je n’étais pas du tout dans cet état d’esprit.
La rencontre avec ta future femme a été salvatrice ? Ouais à fond. Si je ne l’avais pas rencontrée, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui. Elle m’a apporté un cadre, du calme, de la sérénité. Elle a fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui, plus posé, plus serein, avec plus de confiance en soi. Si j’en suis là aujourd’hui c’est en grande partie grâce à elle.
Tu disais dans une interview « Sans elle j’aurais pu mal tourner et finir en prison ». C’était à ce point-là ? En tous cas c’est vrai que j’aurais pu faire des conneries. Tu sais maintenant, tu te retrouves en prison pour trois fois rien donc… T’as une boulette dans la poche, tu te bagarres en boîte, ça va très vite. Donc quand t’aimes bien faire la bringue, que t’aimes sortir et faire des conneries, ça va vite.
Et après toutes ces galères à répétition, c’est là que tu pars à Nice ?
Ouais, j’étais barman sur une plage privée et Christophe Moni m’appelle et me dis que ça serait bien que je vienne faire la reprise avec eux. Même si j’étais encore suspendu, il me propose de venir m’entraîner normalement jusqu’à ce que je récupère ma licence.
Tu t’attendais à un tel coup de fil ?
Je ne pensais pas qu’il m’appellerait, non. Christophe me connaît depuis tout petit, quand j’étais minot c’était mon idole, donc quand il m’a appelé j’étais comme un fou ! J’ai dit direct « Bah vas-y, t’inquiète, pas de souci, j’arrive ».
C’est quelqu’un qui a compté pour toi ?
Oui, c’est lui qui m’a inculqué la notion de travail, qui me disait de m’entraîner plus que les autres, d’avoir faim. La gagne en fait. Il m’a toujours dit que j’avais du talent et que si j’étais rigoureux dans les entraînements je pourrais progresser et devenir un bon joueur. D’ailleurs il n’hésitait pas à me mettre la misère à l’entraînement ! C’est pour ça que depuis je suis un gros, gros bosseur. J’ai fini par me convaincre que si lui croyait en moi alors je devais être capable de le faire.
Ça fait quoi de revenir après une telle blessure ?
J’étais trop chaud ! Mes trois premiers matches c’est trois bagarres ! Mes vieux démons étaient de retour. C’est là que Christophe m’a dit « Il faut que tu te calmes, tu viens de retrouver ta licence. Gardes-en sous la semelle ». La suite de la saison s’est bien passée. J’étais titulaire en 15 et j’ai vite retrouvé toutes mes sensations.
Après trois belles saisons à Nice, le RCT te fait finalement faire un essai. Qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête à ce moment-là ?
Quand je suis arrivé à Toulon, je t’assure que j’ai pété un câble ! Je sortais d’un match à Chalon-sur-Saône et d’un match en équipe de France amateur et là j’arrive à Toulon: Sonny Bill, Tana Umaga, Wilkinson, pffff… Que des monstres, quoi ! Je me serais cru au Real Madrid. J’ai passé une semaine avec plein d’étoiles dans les yeux, franchement c’était énorme. A la fin j’ai eu un entretien avec Saint-André et vu que je ne jouais pas à l’aile il ne m’a pas pris.
T’as donc croisé Wilkinson ?
Oui, j’en ai profité pour travailler avec lui et là tu vois que c’est THE monsieur, quoi. Même Zizou à côté il n’est pas invité !
Il est comment au quotidien ?
Il n’y a pas plus simple que Jonny. Après, c’est un personnage à part comme tous les top-joueurs, mais c’est quelqu’un de très humble, de super ouvert. Par contre, quand il fait les entraînements, ce n’est pas lui qui va aller vers toi. Si tu veux travailler, tu vas le voir. Il a une retenue qui peut choquer quand t’es pas habitué. Le mec il te ramène les ballons, il te les pose à côté, et toi t’es là, tu trembles, tu te dis « Non mais c’est bon, je peux aller les chercher moi-même, ne vous embêtez pas ». C’est un grand monsieur.
Et finalement tu signes quand même en pro, à Brive. Tu as eu peur d’entrer dans la cour des grands ?
Il y a une part de crainte, c’est vrai. Mais j’ai rencontré des gens formidables qui m’ont vite mis dans le bain même s’ils m’ont un peu bizuté au début. J’étais vraiment dans un bon environnement et je n’avais qu’une envie, c’était de prouver que je n’étais pas là par hasard. Et puis j’arrivais directement de Fédérale 1, j’étais sur-motivé.
Qu’est-ce que t’as appris à Brive ?
Tout ! Là-bas je suis devenu un homme, rugbystiquement et dans la vie. J’ai encore beaucoup d’amis dans l’équipe, j’y retourne dès que je peux. Brive et moi, c’est une vraie histoire d’amour. Rien que de prononcer le nom ça me donne des frissons.
Et alors que tout se passe bien, la boulette… [Julien est contrôlé positif au cannabis et écope d’une nouvelle suspension, six mois cette fois-ci, ndlr].
Ouais grave ! C’est la vie hein, si tu joues avec le feu tu te brûles. J’ai fumé, je me suis fait attraper et voilà. A l’époque je me souviens, ma mère a appris ça en regardant I-Télé… Sur leurs bandeaux déroulants, elle voit « Caminati suspendu pour dopage » ! Genre j’avais pris des stéroïdes ou des piqûres… Le truc infâme quoi ! Ta mère qui apprend ça sur I-Télé, c’est horrible. Du coup je me suis fait sermonner par mes parents qui m’ont dit « Putain mais t’es con ». Bon après, j’ai juste fumé un pétard quoi, c’est pas non plus… J’ai joué, j’ai perdu.
Tu t’en es voulu à ce moment-là ?
Je savais que je prenais des risques mais tu te dis que ça ne peut pas t’arriver à toi. Et finalement quand on te prend à la fin du match en te disant « Monsieur, il faut aller faire pipi ».. « Heu non, désolé, j’peux pas j’ai piscine ». Disons que ça a fait plus de mal à mes proches qu’à moi parce que tu passes pour le drogué de service. En fait j’ai surtout regretté parce que je mettais l’équipe et le coach dans la merde.
Quand le contrôle arrive, tu sais tout de suite que t’es foutu ?
Bah oui, j’avais fumé la veille ! Je savais pertinemment que j’étais mort.
Après 6 mois out, tu reviens et tu éclates tout [Julien est élu meilleur joueur de ProD2 en 2012-2013, ndlr]. C’était un mal pour bien en fait ?
Je savais surtout que j’allais partir et ça me tenait à cœur de quitter le club sur une bonne note. Pour le club qui m’a fait confiance, pour les supporters, j’avais vraiment envie de partir en laissant une image positive de moi.
Tu donnes de l’importance à ce genre de distinction ?
Bof, non. Ce que je retiens surtout c’est mon dernier match avec Brive et la bringue qu’on a faite après avec les potes ! Après, le prix me fait plaisir parce que t’es élu par tes paires. C’est une forme de reconnaissance. Mais j’ai eu ce prix parce que j’avais 14 mecs à côté de moi qui ont fait que j’ai pu me surpasser. Au rugby t’es personne sans les 14 autres à côté.
Pourquoi ensuite choisir Grenoble ?
Parce qu’il n’y avait qu’eux !
Là-bas, tout ne se passe exactement comme prévu ?
Non. La première année j’ai pas joué et je n’ai jamais su pourquoi. Et la deuxième année est encore un peu plus compliquée. Je suis rentré d’un stage en Argentine en surpoids, et puis avec le coach on va dire que ce n’étais pas l’amour fou. J’ai donc préféré casser ma dernière année de contrat et partir à Toulon. Mais j’ai aussi ma part de responsabilité. Après j’ai quand même de super souvenirs de mon passage là-bas. J’ai joué dans un stade de fou, le Stade des Alpes, dans lequel on a battu Toulon, Toulouse. J’ai vécu des moments incroyables, j’ai rencontré des personnes dingues avec lesquelles je suis toujours ami aujourd’hui. Mais on va dire que globalement, c’était différent de ce que j’avais vécu avant à Brive.
C’était risqué de faire ensuite le pari du RCT, non ?
Oui mais dans la vie il faut prendre des risques.
Tu aurais pu rester à Grenoble et prendre l’oseille…
Ouais. D’autant que tout le monde a cru que j’étais allé à Toulon pour l’argent mais pas du tout. Je devais signer deux ans et jouer un peu pendant la Coupe du Monde, et au final ça ne s’est pas du tout passé comme ça. A la limite si j’avais joué et que j’avais été nul, je ne dis pas. Mais là j’ai joué une mi-temps en 7 matches de Top 14 pendant la Coupe du Monde… J’ai vite compris qu’ils n’allaient pas me garder.
A l’origine t’étais censé signer deux ans ?
Oui, c’était ce qui était prévu mais au moment de recevoir mon pré-contrat, on ne me proposait plus que 4 mois… Après c’était quand même compliqué de refuser. J’avais un pré-contrat sous les yeux, j’étais dans la précipitation car j’allais avoir mon fils donc il y avait une famille derrière…
La pilule a été dure à avaler ?
Oui, d’autant plus que ma femme était enceinte. Tu te dis que t’aurais pu rester à Grenoble, même si ça se passait mal, tu prenais ton oseille et voilà. Et au final je me retrouve à penser au chômage qui arrive à grand pas. C’est le début de longues journées à attendre que le téléphone sonne. Bon après, ça s’est bien terminé pour moi et j’en rigole aujourd’hui. Mais sur le coup t’as du mal à te marrer, t’es bien vénère, t’en veux à la terre entière, t’essayes de savoir le pourquoi du comment sans avoir trop de réponse. Mais ces 4 mois à Toulon restent enrichissants. J’ai vu ce que c’était que d’évoluer dans un grand club. Il n’y a pas eu que du négatif.
C’est Mourad Boudjellal qui te fait venir au RCT ? Ouais. Mon agent était là-bas pour discuter à propos d’autres joueurs et finalement Boudjellal lui propose de me prendre. On va dire que j’ai plus été la recrue du président que celle du coach. Et avec le recul je me suis aperçu qu’il vaut mieux être la recrue d’un entraîneur que celle d’un président !
Quel regard tu portes aujourd’hui sur le monde du rugby professionnel ? C’est un milieu dans lequel tu te sens bien ?
De moins en moins. Ce n’est plus le rugby qu’on a connu par le passé. Aujourd’hui il y a des sommes d’argent énormes qui sont en jeu. Après je ne vais pas cracher dans la soupe, je suis bien payé, je me lève le matin pour aller faire ce que j’aime, mais c’est clair que le rugby a grave changé. Il y a des bons et des mauvais côtés, mais c’est de plus en plus sur l’image, sur le paraître. Les médias aussi jouent un rôle du plus en plus important là-dedans, tout est un peu enjolivé dès que tu fais un bon match… Et puis ça me fait un peu rigoler quand tout le monde parle des valeurs du rugby parce que je pense que ces vraies valeurs ce sont perdues en chemin. C’est sûrement l’argent qui fait ça, je ne sais pas…
Tu penses que t’aurais eu d’avantage ta place dans un rugby à l’ancienne, moins marketing, plus authentique ?
Ouais, je ne sais pas… C’est vrai qu’à choisir j’aurais préféré être pro à une autre époque. Il y a dix ans tu gagnais pas autant qu’aujourd’hui. Là c’est en train de devenir comme le foot, t’as des enjeux financiers énormes. C’est vrai que j’aime un rugby un peu plus brut. C’est d’ailleurs pour ça que j’adore le rugby à XIII. Quand j’ai songé à arrêter ma carrière, j’ai pensé à aller jouer à XIII.
Il t’arrive de penser à l’après-carrière ?
Bah avec le passage à vide que j’ai connu avant d’arriver à Castres, oui, j’y ai pensé à fond. L’année prochaine je vais passer mon BPJEPS pour devenir coach sportif ou pour ouvrir une salle de sport. Ça me ferait kiffer d’ouvrir une salle de cross-fit. Je pense aussi que je passerai mes diplômes d’entraîneur-éducateur.
On réserve le dernier mot pour ton frangin, Benjamin, qui joue à Carcassonne en Pro D2 [Il évolue aujourd’hui en Fédérale 1 à Albi, ndlr]. Vous êtes souvent en contact ?
On ne s’appelle pas trop en ce moment mais je suis très fier de lui et vice et versa. Après c’est un peu compliqué de se voir, il a sa saison, j’ai la mienne, Mais maintenant qu’on n’est plus très loin l’un de l’autre, je vais en profiter pour aller le voir avec mes enfants et renouer les liens.