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C’est dans un bar à chicha, à deux pas de la Canebière, que Julien Lopez, 24 ans, nous reçoit pour cet entretien. Tout juste sorti de l’entraînement avec son équipe de Consolat, le Marseillais a accepté de se poser un moment pour nous parler de sa passion pour le foot, de son enfance à Marseille et de l’éclosion vitesse grand V de son petit frère, Maxime, sous le maillot de l’OM. Passé par le centre de formation de Montpellier, Julien n’a malheureusement pas signé pro chez les Héraultais et c’est aujourd’hui en National, du côté de Marseille Consolat, que l’attaquant vit de sa passion pour le ballon rond. Entretien sans langue de bois avec un garçon bien dans ses pompes qui ne cache pas sa joie de voir son petit frangin s’imposer avec l’Olympique de Marseille.
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VICE Sports : Avec Marseille Consolat, vous aviez presque un pied en Ligue 2 après votre très bonne saison l’an passé et tout s’est effondré dans le sprint final. Ça a dû être dur à vivre, non ?
Julien Lopez : Ouais ça a été une grosse déception. Une très grosse même vu comme on était bien parti pour monter… A cinq ou six journées de la fin, on avait pas loin de six ou sept points d’avance sur le quatrième et on se voyait déjà tous en Ligue 2. En plus on était sur une belle dynamique, on enchaînait les victoires et d’un coup tout s’est inversé et on s’est mis à empiler les défaites. Sur la saison entière on n’avait jamais perdu deux matches d’affilée et là, lors du sprint final, on en a paumé trois de suite…
Comment tu expliques ça ? C’est lié au stress de la dernière ligne droite ?
Oui c’est ça, c’est le stress. Durant toute la saison on n’avait jamais vraiment été attendu, mais sur la fin ce n’était plus la même chose. Au début on jouait sans pression, on était juste dans l’euphorie et quand on a commencé à réfléchir à ce qu’on allait peut-être réaliser, ça nous a coupé les jambes et on a complètement craqué…
Les vacances ont dû être difficiles à savourer.
Oui, on a pris un énorme coup au moral. D’autant qu’en cas de montée, on allait tous signer le premier contrat pro de notre carrière. Ça impliquait pas mal de choses nouvelles : le club aurait changé de dimension, on serait passé pro, on aurait joué en Ligue 2 à la télé le vendredi. Ce sont des trucs qui changent une vie, hein… Du coup oui, mauvais été. En plus je me suis blessé donc c’était la totale. Même la reprise a été compliquée, l’effectif n’avait pas beaucoup bougé, on avait encore tous ça en tête et à l’arrivée on a perdu beaucoup de matches en début de saison.
Votre histoire était belle en plus. Vous étiez soudés à mort.
Ouais, de toute façon jouer à Consolat c’est comme intégrer une vraie famille. Pour la plupart d’entre nous ça fait des années qu’on joue ensemble, on se connait par cœur, on a vécu la montée en National ensemble. Marseille Consolat ça reste un club de quartier et on vit tous bien ensemble. Tous les joueurs qui débarquent ici te le disent, tu trouves une ambiance comme ça nulle part ailleurs.
Tu as été formé au Montpellier Hérault mais malheureusement tu n’as pas signé pro chez eux. Comment tu expliques ça aujourd’hui ?
Je ne sais pas, j’étais jeune, j’étais loin de mes parents, j’ai pris un appartement seul à 18 ans. Du coup tu découvres la vie, la vraie vie, tu dois te faire à manger, tu dois faire ta lessive, tu dois tout faire et puis, surtout, il faut éviter de trop sortir et avoir une bonne hygiène de vie. C’est ça le plus dur, c’est de se retrouver seul, à 18 ans, dans une ville étudiante qui bouge bien comme Montpellier et il faut arriver à résister aux tentations. Et voilà, moi je n’ai pas su résister à tout ça ! Je pense aujourd’hui que si j’avais eu une bonne hygiène de vie, j’aurais signé pro là-bas mais le truc c’est que sur le moment tu ne te rends pas compte de tout ça. On te dit « il faut se coucher tôt, il ne faut pas sortir, tatati tatata », mais toi t’as 18 ans, tu crois que t’es bon sur le terrain et que ça va le faire quoi qu’il arrive.
Au centre de formation, ils vous le disaient ça, ils vous mettaient en garde contre les dérapages ?
Oui, ils nous le disaient mais bon… On avait tellement la belle vie dans notre appartement, les potes, les sorties, les filles, tout ça. Ça te monte à la tête et tu en oublies le principal…
Et c’est lors de ta dernière année qu’ils te disent que tu ne passeras pas pro ?
Ouais c’est ça. J’avais fait cinq ans au centre et ils m’ont dit non au terme de ma dernière année là-bas. Après c’était l’année où ils terminent champions, ils avaient beaucoup recruté. En plus, j’étais à deux doigts de signer pro en janvier mais il y avait beaucoup de monde à mon poste (milieu offensif/ailier).
Quand tu commences à réussir un peu dans le foot, comment te regarde Maxime à cette époque-là ? T’étais un peu son modèle ?
Ouais on peut dire ça, j’étais une sorte d’exemple pour lui. C’est normal, je suis le grand frère, j’ai cinq ans de plus que lui et en plus il venait me voir à tous les matches avec notre père. Je crois qu’il me suivait depuis ses trois ou quatre ans. Max, c’était notre mascotte !
Pour voir la mascotte en action, c’est à 2’51” sur la vidéo.
Quand tu signes la première fois à Consolat en 2013, j’imagine que ça doit faire du bien de rentrer au bercail, non ?
Oui carrément. En plus je venais d’avoir mon fils et ça m’a fait du bien de retrouver un peu le cocon familial. A partir de là, ça a commencé à aller mieux pour moi sur le terrain et c’est pour ça que j’ai pu signer en National à Fréjus.
Le fait de ne pas avoir beaucoup de moyens, comme c’est le cas avec Consolat en National, ça doit souder tous les gens du club !Ah oui, quand tu fais 15 heures de bus pour rentrer d’Avranches ou de je ne sais où, c’est sûr que ça soude !
C’est un peu le problème du National, c’est une division un peu “bâtarde”… (il coupe)
Oui, c’est entre les pros et les amateurs, on pourrait dire que c’est un niveau semi-pro et même si certains clubs ont quand même un peu d’argent, nous à Consolat ce n’est pas vraiment le cas. Et puis faut dire qu’on n’est pas trop aidé au niveau de la ville et des subventions. Du coup les trajets en bus, c’est quelque chose. Encore que cette année ils font pas mal d’efforts et on prend plus souvent le train. Mais c’est vrai que la saison dernière, on est rentré en bus de Sedan où Belfort. Je peux te jurer que c’est long !
Et puis on voit que ce sont les mêmes exigences que pour les pros, mais avec moins de moyens…
Oui, on s’entraîne tous les jours mais on n’a pas les mêmes salaires que les joueurs de Ligue 1 ou Ligue 2. Bref, tu sens à tous les niveaux qu’on est en dessous. Les matches ne sont pas beaucoup télévisés, du coup au niveau des droits télé ça change la donne (en réalité, cette saison Canal + diffuse un match de National par journée sur ses antennes, ndlr).
Justement, ça donne quoi en termes de rémunération ? T’arrives à te démerder ?
Oui, il ne faut pas exagérer, on vit bien. En moyenne, on a un salaire qui est un peu au-dessus de la moyenne de la plupart des Français donc on ne va pas non plus se plaindre.
On va parler un peu de toi et de Maxime. Quel genre d’enfance vous avez vécue ?
Une enfance heureuse, tut simplement. Nos parents ont toujours tout fait pour nous, on n’a jamais manqué de rien, on partait en vacances, on a eu une enfance de gens normaux. Ma mère est infirmière, mon père travaille à la Poste. Et puis on a toujours été baigné dans le football puisque notre père était un grand fan. D’ailleurs ça énerve un peu notre sœur puisqu’on ne parle que de ça dans la famille (rires).
Et la frangine, elle fait quoi de beau dans la vie ?
Ma sœur c’est la tête de la famille, elle fait des études de droit. Elle est aussi hôtesse au Vélodrome pour se faire un peu d’argent de poche et payer une partie des études.
Avec cinq ans d’écart, c’était quoi tes relations avec Maxime ?
On a toujours été très proches et, même si j’ai quitté la maison assez jeune, il venait souvent me voir à Montpellier avec mes parents. Comme j’étais son grand frère, il était tout le temps collé à moi quand on partait en vacances et tout ça. Et puis quand je suis revenu à Marseille en 2012, c’était la même chose, on est resté très soudé et on est tout le temps ensemble.
Et Maxime, c’était quel genre de minot ? Du genre sage ou plutôt adepte des 400 coups ?
Max c’était les 400 coups. Il en a fait voir des vertes et des pas mûres à notre mère, que ce soit à l’école ou au collège ! C’était un casse-cou, il se faisait tout le temps mal, il ne restait pas en place. Il avait un caractère assez difficile. Et comme c’est le petit dernier de la famille, c’était un peu le petit gâté (rires).
A l’école, ça se passait comment pour vous ?
Moi ça va, je me débrouillais bien, j’ai eu le bac S. Pour Max ça a été différent puisqu’il est entré tôt au centre de formation de l’OM (à 14 ans, ndlr) et qu’il s’est vite entraîné avec les pros. Forcément ça devient plus compliqué de poursuivre les cours.
Et votre passion pour le foot elle vient du papa uniquement ?
Oui, à 100%. Notre père est un fanatique de l’OM depuis toujours. Je me rappelle que pour son anniversaire, notre mère lui payait un abonnement au Vélodrome. Il a même fait le voyage pour les finales de coupes d’Europe. Du coup en grandissant on l’accompagnait au stade, on est tous des fans de l’OM dans la famille.
Tu as vite senti que ton frère allait sortir du lot ?
Oui, au fil des années on a commencé à s’apercevoir que sur le plan technique et de la vision de jeu il était au-dessus. A partir des U17 Nationaux, il a vraiment explosé. C’est là que je me suis dit qu’il pouvait faire une carrière pro dans le foot.
C’est à ce moment-là que ta famille a été approchée par Liverpool. Ils ont invité tes parents et Maxime à visiter les installations. Tu y étais aussi ?
Non, je n’y suis pas allé, mais effectivement mes parents ont été invités. Ils sont allés visiter le centre d’entraînement, ils ont été voir le derby contre Everton à Anfield. Liverpool avait sorti le grand jeu ! Mais bon, Maxime n’avait que 16 ans, il aurait fallu que mes parents quittent Marseille pour le suivre, ça impliquait d’énormes changements de vie. Et puis je pense que Maxime était trop jeune, il n’était pas encore prêt à partir, il valait mieux qu’il reste à l’OM car même si le centre de formation était critiqué, on savait qu’il y avait quand même des entraîneurs de qualité là-bas et de la place pour réussir. Et puis voilà, si t’as la chance de jouer un jour en équipe première à l’OM, comme c’est le cas pour Maxime maintenant, tu exploses.
Du coup à aucun moment vous ne vous êtes posés la question ?
Ben si, t’es obligé ! Quand un club comme Liverpool vient te voir, tu te poses forcément la question. Je pense qu’il n’y en a pas beaucoup qui auraient refusé leur offre.
Après, combien ne se sont pas brûlés les ailes en choisissant de partir en Angleterre à cet âge-là ?
Ouais, c’est clair. Mais bon, c’est tellement beau un club comme Liverpool que c’est pas facile de refuser. Tu vois Anfield, tu vois les joueurs qu’il y a, tu vois leur proposition… Mais on a réfléchi en famille et on a préféré décliner. Je pense qu’on a fait le bon choix. Même si sur le coup on a pu se poser quelques questions parce que Max a quand même vécu des saisons compliquées avec Bielsa et Michel. Souvent, quand on voyait qu’il n’entrait pas dans le groupe pro, on y pensait avec mon père et mon oncle et on se demandait si on avait vraiment fait le bon choix. A l’arrivée, c’est sûr qu’on a pris la bonne décision.
Pour sa première sur le banc de l’OM, contre Bordeaux dans un Vélodrome bouillant, Rudi Garcia offre sa première titularisation à Maxime et il fait un match de fou. Comment vous avez vécu ce moment incroyable ?
Je me souviens, en montant dans la voiture pour aller au stade, je dis à mon père : « Tu te rends compte, on va au Vélodrome pour voir Max jouer ? » Avant, quand on y allait, on allait voir l’OM, maintenant on va voir Max. C’est fou comme sensation ! Mes amis peuvent te le dire (il regarde son pote en disant cela, ndlr), ils voient bien les émotions que j’ai en allant au stade aujourd’hui.
Et puis faut voir le match qu’il sort ce jour-là !
Ouais, honnêtement il nous a tous surpris. C’était impossible de penser qu’il soit à ce niveau-là pour son premier match de Ligue 1. T’as 17 ans, tu joues au Vélodrome devant plus de 55 000 personnes et tu sors un match de cette intensité… Wahou !
Comment il a géré ça de son côté ? On imagine qu’au niveau des émotions, ça doit être quelque chose de fou à vivre.
Ouais, en plus voilà, c’est l’OM, tout est multiplié par dix en termes d’émotions mais au final il a bien géré tout ça, il a dit : « Maintenant je ne veux plus sortir de l’équipe ». Max c’est quelqu’un de très déterminé, de très ambitieux, il sait où il veut aller et il met toutes les chances de son côté pour y parvenir.
On dit que tout va très vite dans le football, dans un sens comme dans l’autre, mais alors là pour Maxime, ça a été encore plus dingue...
Oui, c’est fou. Trois mois avant on espérait simplement que Passi le fasse jouer un bout de match de coupe. On priait tous pour qu’il rentre et là, trois mois plus tard, il reçoit le trophée du meilleur joueur de Ligue 1 du mois de décembre !
Dans ces cas-là, est-ce qu’il faut être encore plus vigilant à son égard ?
Oui, évidemment, parce qu’on sait que c’est dur de gérer tout ça quand on a à peine 18 ans. Du jour au lendemain tu dois gérer la pression médiatique, tu ouvres ton téléphone et tu vois Lopez par-ci, Lopez par là. Surtout qu’il fait de bons matches et que ça parle déjà de lui dans des clubs incroyables. C’est sûr qu’on doit être vigilant et c’est pour ça qu’on est autour de lui, qu’on essaye de le protéger et de le garder dans le droit chemin. Moi je comprends que certains jeunes n’arrivent pas à gérer tout ça et craquent au bout d’un moment. Mais honnêtement, Max c’est quelqu’un de droit, de sérieux, il sait où il veut aller et il gère ça très bien jusqu’ici. Notre but c’est de le protéger, de faire en sorte qu’il ne soit concentré que sur le football. Tout ce qu’il y a autour, c’est l’agent et la famille qui s’occupent de ça.
Au vu de ton expérience passée, avec le vécu que tu as, j’imagine que tu profites de tout ça pour lui donner les bons conseils.
Oui, c’est sûr que ça joue, je sais les erreurs qu’il ne faut pas commettre et c’est pour ça que je suis toujours derrière lui. A 18 ans, comme je le disais, tu ne te rends pas compte de tout ça, de tous les efforts que ça demande pour réussir dans ce milieu.
Et comment tu es à ce niveau-là ? Tu es sévère quand il le faut ?
Oui, il peut arriver que je lui dise des choses qui ne font pas plaisir à entendre mais c’est pour son bien. On parle de ses matches, de son comportement, de tout. Je lui dis les choses, je ne suis pas là pour toujours le brosser dans le sens du poil. Il le sait bien, quand il faut que je lui rentre dedans je n’hésite pas.
Tu dirais que tu es plus dur que ton père avec lui ?
Oui parce qu’on est très proche au niveau de l’âge, qu’on est toujours ensemble. Et puis pour mon père, Max c’est son petit dernier, c’est le petit chouchou (rires).
Vous vivez ensemble avec Maxime, c’est ça ?
Ouais on vit ensemble près de la Commanderie. Vu qu’il n’a pas encore le permis, c’est plus simple comme ça.
Et ça se passe bien la vie en coloc entre frangins ?
Oui, ça se passe super. A la maison, Maxime c’est Monsieur Playstation !
Dans une interview croisée que vous aviez faite tous les deux, tu disais en rigolant que c’était un petit assisté, qu’il ne savait pas vraiment où était la poubelle. C’est toujours le cas ?
Un peu oui. Il est jeune, il a besoin de son papa, de sa maman, de son frère ou de sa sœur. Et puis voilà, en tant que petit dernier de la famille, il a été couvé par mes parents.
Et avec les supporters de Marseille, ça se passe comment ? Il peut toujours se balader tranquille en ville ?
C’est vrai que maintenant son visage est connu, mais ça va, les gens sont sympas avec lui. Et puis ils s’identifient un peu à lui je pense. C’est un gamin du coin, un petit gabarit…
D’ailleurs il a dû se faire chambrer à propos de sa taille à l’école, non ? On sait comment sont les gamins entre eux…
Ouais, souvent. Quand il était jeune, à l’école, il n’y a pas coupé mais c’est pour ça qu’il est hargneux sur un terrain aujourd’hui. Il a un gros caractère, sur le terrain c’est une teigne (rires) !
Cet article a été rédigé par la rédaction de Vice Sports, sans la moindre influence de la part du sponsor.
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