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Illustration de Vincent Vallon.
Music

« Tu donnes ta vie pour la musique, et d'un seul coup tout est broyé »

Artistes et techniciens confinés, salles et festivals à l’arrêt, livestreams un peu pétés : comment le confinement permet aux acteurs de la musique de repenser l’écosystème dans lequel ils évoluent, le tout dans un flou total quant à la reprise.
Marc-Aurèle Baly
Paris, FR

C’est bien connu, en temps de crise sanitaire ou environnementale, la culture n’est pas vraiment la priorité des gouvernants, lesquels préfèrent réinjecter de l’argent dans des secteurs industriels plus essentiels à la nation, à l’image d’Air France ou d’autres pollueurs notoires. Le secteur de la musique en particulier se situe un peu entre deux eaux : tout le monde se désole de ne plus pouvoir aller en club ou en concert, certains vont même jusqu’à sortir la citation de Nietzsche erronée la plus tarte à la crème qu’ils puissent trouver, « il n’y a pas de vie sans musique ». Mais tous reconnaissent que ce sont les soignants, les caissiers, les livreurs ou encore les travailleurs sociaux qu’il faut avant tout protéger, plutôt que les Nuits de l’Accordéon de Lunel, ce qui est bien normal.

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Car même si on se targuera toujours dans notre pays de vouloir à tout prix « sanctuariser la culture », il n’y a qu’à regarder en Allemagne, où le gouvernement a déboursé près de 50 milliards d’euros en soutien au secteur culturel, pour se rendre compte qu’on a plus affaire chez nous à des effets d’annonce sans lendemain qu’à un véritable plan Marshall de la culture. Mais bon, notre ministre de la Culture Franck Riester s’est tout de même fendu d’une jolie vidéo, ce qui est déjà ça de pris :

Et s’il bafouille, on peut toujours se rassurer en se disant qu’il soutient symboliquement ceux qui trébuchent sur leurs fins de mois, entre les intermittents qui doivent annuler des tonnes de dates, les tourneurs et bookeurs sans dates, la saignée des festivals de l’été qui tombent comme des mouches, et les exploitants de salles qui envisagent de déposer le bilan – ce métier consistant à mettre de l’argent sur la table, et non à taper dans une trésorerie pas vraiment pourvue de double-fond.

Mais peut-être plus encore que cette urgence économique, qui risque de paralyser toute l’industrie musicale si le live venait à ne pas reprendre d’ici 2021 (ce qui est une option envisageable à ce stade), ce coup d’arrêt vient grandement bouleverser ce qu’on peut appeler communément la
« fonction sociale de la musique ». Comme le dit Vincent Carry, le directeur du festival lyonnais Nuits Sonores dans le dernier numéro de Trax, « la distanciation sociale est l’antithèse exacte de ce que nous défendons, soit rassembler les gens pour partager de la musique, des idées, du débat, des contradictions. » Du coup, on peut légitimement se demander comment les acteurs du secteur dans toute sa diversité vivent ce paradoxe actuellement. Mais également si cette crise n’est peut-être pas, au fond, l’occasion de repenser tout un écosystème qui a de plus en plus des allures de Foire du Trône d’une certaine économie libérale à qui on aurait décidément trop lâché la bride.

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Le confinement, une période d’adaptation

Au début du confinement, on a d’abord vu émerger pas mal d’initiatives de solidarités ainsi que projets de soutien sur Internet pour permettre à la musique de marge de battre encore le fer, tout du moins en terme de visibilité – ça sonne marketeux dit comme ça, mais sans personne à qui partager sa musique, eh bien un musicien n’existe pas. Comme l’a dit Julie Raineri, co-fondatrice de Metaphore Collectif à Marseille, « le meilleur moyen de soutenir les artistes à notre échelle, c’est encore de partager leur travail. » Ainsi, de nombreux livestreams de confinement ont commencé à apparaitre dans les feeds d’actualité des uns et des autres, c’était souvent nul et personne ne regardait, mais au moins c’était moins malaisant que les journaux de confinement d’écrivains hors-sol. Notons par exemple Boiler Merde, fausse réponse à Boiler Room mais vraie fenêtre de tir pour tout un pan de l'underground français qu'on ne voit pas ailleurs. Depuis le début du confinement, l'émission diffuse sur Twitch et YouTube des lives d’artistes à la visibilité médiatique famélique, et dont l’esthétique « concerts maison en 144p filmés avec une patate et enregistrés avec un dictaphone » lui donne paradoxalement un certain petit cachet.

Forcément, des plateformes de diffusion aux rendements plus substantiels (comme, au hasard, Boiler Room) se sont engouffrés dans la brèche, et ont commencé à proposer soit de nouveaux formats, soit des opérations spéciales. Une des initiatives les plus notables est sans doute celle de Bandcamp, qui a renoncé à ses parts de revenus sur les ventes de disques le 20 mars dernier pour les reverser directement aux artistes, et qui va réitérer l’initiative le 1er mai – il y a également un coup de com de la part de Spotify, mais pour le coup personne n’a été dupe de l’arnaque trop longtemps. Certains y voient l'occasion d'explorer de nouveaux formats, comme Guillaume Malaret, co-directeur du label Le Cabanon et artiste sonore , et qui sort le disque de l’artiste Nebulo, en plein confinement : « Le public a très bien réagi avec l’opération de Bandcamp, en achetant massivement pour supporter directement les artistes et les labels : 4,3 millions de dollars ont été récoltés en une seule journée, au sein d'un système de rémunération sans intermédiaire. Je trouve ça extrêmement encourageant. »

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Lui qui a l’habitude de créer en s'isolant, et navigue principalement « entre Paris, Toulouse et l’Ariège », ne se sent pas trop touché personnellement par le confinement. Ça lui permet même d’envisager concrètement de nouveaux canaux de communication : via son label, il s’apprête à lancer une série de diffusions sonores sur le site Mixlr, comme une sorte de festival en ligne, lequel se tiendra du 8 au 14 juin, « avec la possibilité d'écouter et de discuter en même temps ».

« Tu donnes ta vie pour la musique, et maintenant tout est broyé. Tous mes revenus proviennent de mes DJ sets. J’ai un loyer, un prêt » – Miley Serious

Il comptait sur l’année 2020 pour accéder à son statut d’intermittent. Il se demande comment il pourra le renouveler si les concerts sont appelés à ne plus se produire pendant un moment. Car parmi les effets d’annonce de Franck Riester, celui concernant le statut des intermittents est sans doute le plus flou. Ceux « sans contrat signé, qui ne sont pas aujourd’hui dans ces dispositifs de l’intermittence, ou auraient dû avoir leurs droits » devraient bénéficier d’un « fonds spécifique » en collaboration avec Audiens, spécialiste des questions sociales pour l’intermittence, « pour que personne dans l’intermittence ne soit laissé sur le bord de la route ». Mais pour l’instant, rien de concret, sans parler des modalités qui apparaissent de plus en plus sibyllines.

De plus, et c’est sans doute une lapalissade qu’il est tout de même bon de rappeler, tout le monde n’est pas égal face à la crise. Pour tout Bob Sinclar qui verra le chômage technique comme une manière de se réinventer, il y aura toujours un DJ, dont les rentrées d’argent ne viennent que des cachets de DJ sets, qui sera laissé au bord de la route. Ce qui est le cas d’Aurore par exemple, qui évolue en tant que DJ sous le nom de Miley Serious. Elle a compté : jusqu’en juin, elle se retrouve avec pas moins de 18 dates annulées. Sa réaction a d’abord été épidermique : « Il y a eu un jour où j’ai fondu en larmes. Tu as 4 ans de ta vie où tu vois l’intermittence comme le graal. Tu donnes ta vie pour la musique, et maintenant tout est broyé. Tous mes revenus proviennent de mes DJ sets. J’ai un loyer, un prêt. Si les clubs ne rouvrent pas avant très longtemps, financièrement ça va être très compliqué, sachant que le statut ne dure que 10 mois. Le mien devait se renouveler en novembre, je ne sais pas comment ça va se passer pour le reste de l’année. » Mais le confinement lui a également permis de se concentrer sur d’autres choses : « J’ai le temps d’écouter tout, de penser à tout, de réfléchir à ce que je veux, ce que je ne veux pas, je retrouve l’envie de me reconnecter à ça. Tu te rappelles pourquoi tu fais ça. Et il ne faut pas oublier que les techniciens sont encore plus les derniers maillons de la chaine. »

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Ce qui est le cas d’Aurélien, régisseur à la Station. Pour lui, ça se passe plutôt bien, dans le sens où il a renouvelé son statut en août dernier, et a donc fait les 507 heures nécessaires, ce qui devrait le laisser tranquille au moins pour le reste de l’année. « Si les concerts reprennent en janvier, ça devrait aller. Mes Assedic tombent tous les mois. Mais tout le monde n’est pas dans la même situation. Ou t’as tes heures, et c’est bon, pour le reste c’est plus compliqué. » Pour résumer, tout dépend de la date du renouvellement de statut. Léa, ancienne régisseuse de la Station, doit recalculer ses heures en septembre : « Je renouvelle le 19 septembre, c’est pas idéal comme position. J’ai 439 heures qui ont sauté, j’ai arrêté de compter après. Actuellement, j’ai pas d’employeur qui a mis en place le chômage partiel. J’ai mes allocations journalières, j’ai des trucs qui tombent tous les mois, mais ça me fait une grosse perte de revenus, au moins de la moitié. »

Eve, qui l’a remplacée à la Station, n’a pas le statut d’intermittent, car elle était en CDI l’année passée, et a démissionné fin janvier pour prétendre au statut. « Je suis sur le point d’avoir mon intermittence, j’aurais pu avoir mon statut le mois prochain. Plus de 200 heures entre mars et avril qui ont sauté, je suis pas indemnisée par Pôle Emploi. Comme j’ai démissionné, j’ai pas de régime général. J’ai pas d’exploitation, pas de revenus, pas de chômage, et donc pas d’intermittence. J’ai touché une partie des dates de début mars, ça m’a fait un petit revenu pour attaquer le mois, et ensuite la Station a proposé de m’aider à déclarer une partie en chômage partiel, pour que je puisse avoir le statut d’intermittent. Mais pour l’instant je suis bloquée. Et même si j’ai mon statut, et que tout est bloqué, je vais devoir envisager de trouver un boulot alimentaire ailleurs. »

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Signe de l’instabilité actuelle, les situations changent d’un moment à un autre. Si dans un premier temps, Vincent et Raphael, qui s’occupent de la programmation de l’Espace B dans le 19 e à Paris, ont l’impression de vivre leur « meilleure vie » en prenant le temps de se poser chez eux et de monter des émissions à travers de radios en ligne comme Lyl Radio ou Station Station, l’état d’esprit a changé lorsqu’on les recontacte une semaine plus tard : « C’est bien, parce que je fais plein de musique à distance avec mon groupe mais aussi pour mon label. Mais par contre on commence vraiment tous à sérieusement flipper pour la rentrée. Car même si les concerts reprennent, la grosse interrogation est de savoir si les gens vont vouloir venir s’entasser dans une petite salle de 200 personnes. D’une manière générale cette crise est révélatrice de pas mal de dysfonctionnements dans notre secteur. Pour mon petit cas personnel, j’y pensais déjà avant, mais là j’envisage de plus en plus de me reconvertir. C’est trop de galères. »

Processus créatif ou impératif de productivité ?

Outre ces impératifs économiques, le confinement a la particularité de bouleverser le processus créatif. Pour Julie, basée à Nantes et qui joue dans le groupe Polar Moon, qui n’a jamais trouvé autant de temps pour faire de la musique : « Je bosse sur ma basse, le live c’est très important. J’ai pas mal de dates qui ont été annulées, notamment dans des lieux indépendants, où c’est compliqué de demander l’intermittence. Pour les lieux indépendants, ils sont payés au black. Pour beaucoup de petits cafés concerts, on ne va pas signer de contrats avant. Ils ne peuvent pas forcément éditer les contrats. Avec mon groupe, on a sorti un EP, on sort juste un objet, et c’est très bizarre, car la musique c’est intrinsèquement collectif. Pour un groupe, sortir un disque c’est pas sortir un produit fini, c’est aussi le défendre en live. Du coup c’est très particulier. L’impression d’être mis de côté, les mesures avec le télétravail, en tant que musicienne, ça ne change pas que je reste à composer ou que j’aille dehors, ça change rien. Les premiers jours c’était compliqué de composer, quand t’es musicien t’es obligé de sortir un album, je sais qu’au début ça me bloquait. »

« J'arrive pas à me dire que je vais faire un live tout seul chez moi devant mon ordi. Pour moi ça perd totalement de son sens »

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Julie travaille également comme chargée de production pour l’agence de promotion Klonosphère spécialisée dans le rock et le metal, ce qui lui permet de couvrir les 507 heures d’intermittence. Fondée par son acolyte de groupe Guillaume Bernard, basé à Poitiers, lequel joue également dans le groupe de rock progressif Klone. Pour lui, « Ce qui manque vraiment c’est la communication par rapport à la musique. Je compare ça à un match de foot. Je me souviens de la dernière coupe du monde, moi qui n’en ai rien à foutre du foot, j’ai vibré parce que j’étais avec des personnes autour de moi qui vibraient. Là, sans l’aspect social de la musique, on perd vraiment quelque chose. »

Dans un premier temps, on a l’impression que les choses s’aplanissent. Boiler Merde et Boiler Room, c’est la même chose. Tout le monde regarde le même écran, patauge dans la mouise, se retrouve logé à la même enseigne. En se retrouvant le nez dans le cambouis, comme Mehdi, le fait de sortir son premier projet en tant que Mehdi Palmtree est un peu particulier vu le contexte. « Je me rends compte que j’ai un rapport différent à la musique, et même à la vie. Mes seuls potes en ce moment, c’est les chiens en bas de l’immeuble quand je vais m’acheter un pack de bières. Je fais des trucs beaucoup plus basiques musicalement aussi, plus épurés. C’est une bonne chose. Par contre j’angoisse, je n’ai personne avec qui les partager. En tout cas concrètement. »

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Certaines angoisses remontent naturellement à la surface. Antonio du Villejuif Underground et de Danse Avec les Shlags, qui s'apprête lui aussi à sortir en disque en plein confinement : « Pour moi c’est la merde, mais mon avis change tout le temps. Je me demande à quoi on sert en fait. En tant que musiciens, en temps qu’artistes. J'arrive pas à me dire que je vais faire un live tout seul chez moi devant mon ordi. Pour moi ça perd totalement de son sens. C'est ça en fait, le "spectacle vivant" ? Et puis j'arrive pas à comprendre qu'on ne fasse rien, qu'on se laisse docilement contrôler pour sortir de chez soi, que les libertés individuelles soient entravées et qu'on trouve ça normal. Mais c'est peut-être juste parce que je suis isolé et que je rumine tout seul. Ça donne envie de plus s’investir politiquement en tout cas, d’aller voir ailleurs. Je crois que je vais devenir zadiste en Biélorussie en fait. Au moins je pourrai aller voir des matches de foot. [à l’heure où on l’interviewe, la Biélorussie est le seul pays au monde où se déroulent encore des matches avec un public, NDLR] »

Même ceux qui ne s’en sortent pas trop mal, comme Ed Isar, et son label Musique pour la danse, trouvent que quelque chose cloche. Et repensent le rôle des artistes et des fournisseurs de musique : « Le capitalisme vient toujours te rattraper par le col en te demandant d'être productif même chez toi quand tu es tout seul, du coup je préfère ne rien faire. Mais j’ai le luxe de pouvoir me le permettre, contrairement à beaucoup d’autres. »

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Même son de cloche chez Michèle, pourtant dans une situation précaire. En plus de jouer dans des groupes, elle s’occupe de la programmation d'une micro-salle parisienne dont le modèle économique est quasi-inexistant. Grâce à un tour de passe-passe administratif, elle parvient à bénéficier du chômage partiel. Et a un rapport tout à fait nouveau au temps : « Je fais des choses que je ne faisais jamais avant. Je me pose, j’écoute des podcasts. Je me rends compte que je n’avais absolument jamais le temps de faire ça avant. Je ne me rendais pas compte à quel point je courrais partout, tout le temps. Pour une fois j’ai coupé mes mails. Cette situation permet de repenser le rapport avec le monde extérieur, nous qui faisons partie de cette sphère privilégiée d'une petite scène créative et musicale. Réfléchir sur ce qu’on peut faire nous, ça va être à des niveaux très symboliques, des collectifs de collectifs d'une certaine manière. À une échelle petite et moyenne, mais à travers des réunions, des groupes de travail, des systèmes d’entraide. »

Vers l’après-confinement

Ce qui revient chez les uns et les autres, malgré les situations différentes, c’est un certain discours général qui mise sur une forme de production et de diffusion plus locales. Jonathan, qui officie sous le nom de Crave entre autres, prépare son prochain album tout seul. Pour le confinement, il est retourné vivre à la campagne, au bord de la forêt, « dans un cadre un peu à la Lynch ». Il espère « moins de capitalisme, moins d’ego, plus de partage et de réseaux de solidarité. En tout cas ça permet de se focaliser sur les choses qui importent. Par exemple je me rends compte que j’ai envie de faire que ça, de la musique. Ce que je sais, c’est que je vais arrêter le boulot alimentaire que j’ai pour le moment. Je fais pleins de tutos de mastering, j’envisage de me professionnaliser là-dedans, peut-être dans la musique de film ».

En plus du Meta, Julie Raineri bosse comme agent et bookeuse au sein de Bi-Pole, agence qui s’occupe du festival Le Bon Air à Marseille. Elle est aussi Dj sous le nom de Vazy Julie. Ses multiples casquettes lui permettent de voir comment ces velléités décroissantes s’appliquent concrètement en musique, même de manière inconsciente : « Bien sûr, il y a l’angoisse de payer le loyer du Meta vu qu’on n’a pas vraiment de trésorerie, en tout cas qu’on finance la soirée d’après avec les recettes de celle de la veille. Mais il y a aussi autre chose. On s’attend à ce que tu deviennes la meilleure version de toi-même, que tu produises énormément et que tu sois active sur les réseaux et que tu fasses plein de mixes. Mais foutez-nous la paix ! J’en parlais avec Shlagga [également co-fondateur de Metaphore Collectif, NDLR], il faut se détacher de cette compétition-là. Là, je me suis rendu compte, vu mon état d’esprit en ce moment, j’avais envie de faire des mixes ambient, voire "chill", ce que je ne fais jamais d’habitude. Pourquoi on devrait se freiner là-dessus ? Qui nous regarde en fait ? »

Pour ce qui est du Bon Air, le festival a d’abord préféré reporter, plutôt qu’annuler, avant d’opter finalement pour la seconde option, dans le sillage des déclarations d’Emmanuel Macron du 13 avril. « On a eu la chance d’avoir affaire à des gens qui étaient hyper réglo. Par exemple l’agent de Laurent Garnier nous a remboursé ses avances direct. C’est classe. »

Un signe encourageant pour la suite pour Kévin Ringeval ? Membre de l’association Technopol, qui promeut les musiques électroniques auprès des pouvoirs publics, mais aussi de l’association BaRk Agency, il signait une série de tribunes au début du confinement pour repenser le modèle économique de la fête, repenser la transition écologique des festivals, mais également miser sur une jauge peut-être moins dense et plus locale : « Ça n’a pas de sens qu’au Hellfest par exemple, on fasse venir tel groupe pour 250 000 euros pour qu’au final il joue une heure. Et pour qu’en plus tout soit fait ensuite quand tu as fini d’assister au concert, que sur le chemin tu consommes ta bière à 8 balles et ton burger à 12 balles. Et puis il faut repenser les politiques culturelles à ce niveau-là, que toutes les subventions arrêtent d’aller toujours aux mêmes mastodontes, qui bouffent tous les autres projets à côté. Et puis que les politiques n’aient plus de lien avec des grosses entreprises, qui investissent dans ces mêmes festivals. Lesquels n’ont plus qu’un attrait industriel. »

David et Olivier, co-fondateurs du collectif Mu qui gère la Station, bénéficient d’aides de l’état, mais elle sont infimes par rapport à leur modèle économique, qui repose en grande partie sur la billetterie. En plus de réfléchir à de nouveaux formats, comme des concerts en vidéo ou des jauges réduites, ils gardent dans un coin de tête ce que peut apporter la Station au sein de l’underground en terme d’infrastructures en ces temps troublés. Pour Olivier, il faut « repenser les résidences, au niveau local. Accompagner les artistes, pas seulement du point éphémère à Petit Bain. On peut imaginer qu’il y ait des projets qui émergent, et qu’on soit un des lieux supports de créations nouvelles. Toute l’économie qu’il faut réimaginer autour de ça. Quand on avait créé la station, sortait des attentats, avec des normes de sécurité de dingue, avec des couts d’exploitation à tous les niveaux. » Pour David, « on ne va pas partir sur un modèle de croissance comme avant. C’est un rebond, et ce rebond là il faut le choisir. Si on compte sur le secteur créatif pour ne pas juste animer la ville pendant le corona, mais prendre une part à une forme de reconstruction du vivre ensemble à Paris, il faut aider les gens et les artistes et les structures. Les gens ont réussi à tenir le coup avec des films, des musiques en ligne et des lectures, mais on sait que ce n’est pas ça qui fait qu’on habite une ville. »

Les deux sont unanimes quand ils en appellent aux pouvoirs publics. « Ce n’est pas cher à financer ce genre de lieu ou d’initiatives comparé à d’autres. En tout cas, s’il n’y a pas de plan de relance massif dans la culture de la part du gouvernement, ça risque vraiment de mal se passer à la fin. »

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