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Kari Faux n’a pas à se justifier, vu ?

Kari Faux est une rappeuse de 22 ans originaire de Little Rock, capitale de l’Arkansas. Son flow impassible et le don qu’elle a pour défragmenter ont fait d’elle une des artistes les plus uniques du moment, et tant pis si certains s’arrêtent à sa salopette bariolée ou ses semelles de 10 centimètres. Kari Faux est vraie, et c’est bien le principal. Rien à battre du hit à tout prix ou du buzz instantané. Kari produit sa musique dans son coin, avec une équipe ultra-restreinte composée d’elle-même et de deux amis proches : Malik Flint et BLACK PARTY.

L’été dernier, Kari a sorti sa première mixtape, Laugh Now Die Later. Ses productions brutes et futuristes ont tapé dans l’oreille de Childish Gambino, qui a remixé son morceau « No Small Talk » sur sa mixtape STN MTN. Il est également apparu dans le clip du morceau « Gah Damn », qui a atteint les 100 000 vues sur YouTube en quelques heures, et l’a confiée à son manager. Bref, Kari est désormais dans le biz jusqu’au cou.

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Je lui ai passé un coup de fil il y a quelques semaines, alors qu’elle s’apprêtait à prendre la route pour sa nouvelle vie et sa nouvelle ville, Los Angeles.

Noisey : Ça va comme tu veux ?
Kari Faux :
Carrément, je pensais juste pas que ça allait prendre des proportions pareilles… J’ai toujours voulu garder le contrôle. Je ne voulais pas exploser trop vite et que les gens s’intéressent seulement à ce que je fais maintenant. J’espère qu’ils me suivent depuis le début.

Oui, je vois ce que tu veux dire.
Je ne veux pas qu’on me dise « Ah oui ! C’est toi qui as fait ce morceau… » Je ne veux pas que les gens ne connaissent qu’un seul de mes morceaux. Je bosse beaucoup et je veux aller toujours plus loin. Je sais que ce que je fais aujourd’hui n’est pas mauvais. J’ai beaucoup progressé depuis le début, mais je veux que les gens me laissent encore du temps pour m’améliorer. Je fais pas mal de vues, d’écoutes, de likes, et c’est cool, mais j’ai encore beaucoup de travail. En tous cas, je ne veux pas saouler les gens. Certaines personnes se plaignent que je ne sorte pas assez de morceaux, mais si je balançais des nouveaux trusc tous les jours, ils en auraient vite marre. Tout le monde veut son moment de gloire, perso, je ne suis pas du genre à laisser les gens me presser.

Qu’est-ce que tu penses de Los Angeles ? C’est différent de l’Arkansas, non ?
Au niveau de la météo carrément. Après, je ne sais pas. L.A. c’est super cool, les paysages et les points de vue sont incroyables. Mais les gens sont super bizarres parfois. Ce sont eux qui te disent quoi faire. J’ai l’impression que les gens font des trucs dans l’optique de dire aux autres : « Tu as vu ce que je fais, je suis cool. » Et moi je suis là « Ok… Ouais, c’est cool ce que tu fais mais, en fait, je m’en tape complètement. »

Du coup, tu passes par Internet pour ne pas t’encombrer de tout ça ?
Je respecte ce que font les gens. Si tu as du talent, je respecte.

Si les gens sont sympas mais n’ont pas de talents particuliers, tu les respectes quand même ?
Oui. J’ai horreur des gens qui se croient tout permis juste parce qu’ils font des vues sur YouTube et qu’ils ont des tas de followers sur les réseaux. Aujourd’hui, tout le monde veut être important et ça me rend folle.

Tu penses que les gens considérés comme « importants » ont plus de place pour exister ? Les gens leur prêtent plus d’attention ?
Oui, ils s’en soucient plus, mais quand t’es connu tu ne peux plus être toi-même. Tout ce que tu fais va finir sur la toile et les gens cherchent toujours un truc croustillant à se mettre sous la dent. C’est le revers de la médaille, tu vois ? Personnellement, je ne veux pas que les gens viennent fouiller dans ma vie privée pour avoir des réponses à leurs problèmes.

Tu ne penses pas avoir ces réponses ?
Non, honnêtement je ne les ai pas. Il y a un tas de trucs que je ne sais pas, et j’assume.

Donc tu ne veux pas avoir de fans maniaco-dépressifs comme Eminem ?
Non, ces gens sont super bizarres. J’ai une relation ambiguë avec les fans de Donald [Glover alias Childish Gambino] par exemple. Ils m’aiment ou me détestent. Certains se demandent « Pourquoi Donald est cool avec cette meuf ? Elle joue sa diva. » Hey, je ne suis pas une diva, même si vous pensez le contraire. J’ai une personnalité aux multiples facettes. Je pourrais être une diva, j’ai trainé avec pas mal d’entre-elles donc je sais comment elles se comportent. Mais je sais aussi me montrer intelligente. Ok ? Regarde la manière dont j’ai balancé cette vidéo. Si je l’ai fait de cette façon, c’était pour une bonne raison. Je voulais que ce clip marque l’esprit des gens car j’avais l’impression que personne ne proposait du neuf. Donc je me suis dit « Ok, laissez-moi de la place, on va rigoler un peu. »

C’est toi qui a fait tous les beats de ta mixtape ?
J’en ai fait une partie moi-même, j’ai fait « No Small Talk » avec BLACK PARTY et il s’est occupé du reste. On essaye de toujours bosser ensemble. On travaille en duo et on essaye de placer nos prods chez d’autres artistes.

Comment t’as appris à faire des beats ?
Sur Fruity Loops, grâce à Malik. C’est un super pote, on se connait depuis qu’on a 15-16 ans. Depuis que je le connais, il a toujours fait des beats.

Vous venez tous les deux de Little Rock. J’ai lu beaucoup de choses sur cette ville quand j’étais plus jeune.
Ah ouais ?

Oui, surtout par rapport à l’histoire des Neuf de Little Rock.
Ouais. J’ai eu la chance de rencontrer certains d’entre eux. J’ai été dans la même école qu’eux, la Little Rock Central High School. Cette école est formidable.

Avec Malik on se connait depuis un bout de temps et pendant que lui faisait du son, moi je rappais. Au fil du temps on s’est dit, « on a qu’à faire de la musique ensemble. » Je suis parti à Atlanta et je suis revenu dans l’Arkansas vers mes 19 ans. À mon retour, on a décidé de s’investir à fond dans la musique. J’ai dit à Malik que je voulais apprendre à faire des beats, et il m’a installé Fruity sur mon ordi. Je ne me considère pas comme une productrice ou une beatmakeuse, je m’amuse, tout simplement.

Tu te considères comme une songwriter ?
Maintenant oui, avant ce n’était pas le cas. Je pensais simplement à être une rappeuse. Mais en fait, je suis plein de trucs à la fois. Je commence à découvrir que je suis un condensé de plusieurs choses. C’est cool, j’apprends à me connaître.

T’as 22 ans, c’est ça?
Exact.

Tu peux toujours écouter les morceaux de Taylor Swift alors.
Ouais, pour mon anniversaire j’ai pris des champis et j’ai écouté Taylor Swift toute la nuit.

Qui sont tes producteurs favoris ?
J’adore les Neptunes, Kanye, Kanye, Kanye et Timbaland aussi. Il est complètement taré.

C’est lui qui fait la bande-son de la série Empire. Tu connais ?
Non. Mais j’en ai entendu parler. Je crois que mon frère regarde.

Il faut que tu mates cette série .
Ouais je sais. Sur Tumblr, je vois tout le temps passer plein de GIFs dessus.

Tu écoutes qui comme rappeuse ?
En ce moment j’écoute beaucoup Azealia Banks. Son album dé-fonce.

Tu as entendu parler de Barf Troop ?
Oui. Sinon j’écoute aussi Jungle Pussy. Elle incarne bien ce dont elle parle dans sa musique. Mais je ne retiens jamais le nom des rappeuses !

J’ai l’impression que la presse ne les met pas vraiment en avant. On ne connait que les grosses têtes comme Nicki.
Nicki c’est une évidence. Mais je ne la mettrai même pas dans la catégorie des rappeuses.

C’est la number one ?
Ouais, c’est Nicki.

Tu te considères féministe ?
Ça dépend. C’est quoi ta définition du féminisme ?

Imaginons qu’on te demande : « est-ce que tu soutiens toutes les femmes ? » Tu répondrais quoi ?
Je dirais que je ne suis pas une féministe. Mais si mes textes et mes actions te font penser que je le suis, alors vas-y, dis-le. Mais, moi, je ne le dirai pas car je sais qu’il y a une connotation négative liée à ce terme. Certaines personnes ne savent même pas ce que ça signifie.

Tu veux être populaire mais tu ne veux pas que des abrutis viennent écouter ce que tu fais.
Que des gens disent de moi « Oh c’est une féministe elle, je la déteste ». Et puis quoi encore ? Je trouve ça dingue que des mecs en viennent à détester une personne juste parce qu’elle veut juste que les femmes aient le droit de respirer. J’aime les femmes et je veux que les femmes s’aiment entre-elles pour tout défoncer.

Sur Twitter l’autre jour, tu t’en es pris aux « stalkers ».
Je hais les gens qui font ça. « Je ne vais pas soutenir cette meuf mais je vais quand même la suivre pour mater. » J’ai l’impression que des gars essayent de pomper mon style.

On veut des noms !
Non, je ne dirai rien.

Beaucoup de gens ont voulu reprendre ton instru de « Gahdamn ».
Ouais, mais les gens n’auront rien de moi, c’est clair ?


Safy Hallan Farah se pose plein de questions sur Twitter.