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Est-ce que le travail, c’est la santé ?

C'est l'occasion ou jamais d'évaluer la scientificité des chansons d'Henri Salvador.

Dans le cadre du second épisode de notre série « Le Pourquoi du Moment », Motherboard répond à vos questions sur le travail. Hier, un utilisateur Facebook s'est demandé : « Est-ce que le travail, c'est la santé ? »

L'adage « le travail c'est la santé » a de quoi agacer quiconque passe plus de 7h par jour à remplir activement son rôle de membre productif de la société. Qu'il s'agisse de travail salarié, de bénévolat ou d'une activité artistique, employer le plus clair de son temps à la réalisation d'une ou plusieurs tâches sans certitude de réussite a de quoi entamer la vigueur et la sérénité de la plupart d'entre nous.

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Le travail salarié, en particulier, peut être épuisant physiquement, quand il ne ronge pas lentement notre âme à l'aide de vagues de doutes, craintes et épisodes anxieux. La pression de la hiérarchie, les contraintes économiques, la peur de se retrouver sans activité, les heures passées dans les transports, la pression et le stress sont autant de caractéristiques peu enviables du travail moderne.

Même si nous sommes assez peu nostalgiques du travail ouvrier issu du taylorisme et que l'extraction du charbon à la mode stakhanoviste nous semble peu plaisant, le travail contemporain a des caractéristiques propres à nous mettre, le vendredi soir venu, dans un état de délabrement proche de la vieille maison hantée. Si chacune de vos journées se solde invariablement par une longue session de bingewatching suivie par plusieurs heures d'insomnie à l'occasion desquelles vous retournez dans votre tête les problèmes rencontrés au bureau dans la journée, si vous vous levez chaque matin épuisé et déprimé, si vous ne vivez que pour les week-ends et que le gif de DiCaprio affrontant sa semaine vous rappelle des moments familiers… il se peut que la corrélation entre travail et santé vous paraisse assez peu intuitive. Voire complètement stupide.

En effet, c'est un miracle si vous parvenez chaque jour à tolérer les remarques ironiques de votre patron, sa chemise ni tout à fait ajustée ni tout à fait en désordre, et les discussions aussi convenues que non sollicitées à la machine à café. Le miracle est encore plus éclatant lorsque vous parvenez à vous lever alors que vous êtes parfaitement convaincu que votre travail n'est pas indispensable à la société, voire qu'il n'a aucune raison d'être. Et pourtant, il se pourrait bien que sans ce boulot pénible, vous soyez encore moins heureux.

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Étonnamment, la plupart des études ayant examiné le lien entre travail, santé et bien-être à grande échelle affirment que bon an, mal an, le travail est plutôt bon pour vous. Le Département du travail et des retraites britannique a ainsi commandé un rapport d'une équipe de l'Université de Cardiff et de Huddersfield sur le sujet. Publié en 2006 et s'appuyant sur plusieurs centaines d'études biomédicales et sociales, il conclue que « les périodes d'inactivité prolongée sont corrélées au mal-être et à une mauvaise santé physique et mentale. On peut déduire de cela le corolaire suivant : travailler est bon pour la santé. »

Le raisonnement est un peu pervers. Il est difficile de prouver que travailler est bon pour vous, mais comme on peut aisément prouver que ne pas travailler est mauvais pour vous, on ne s'en prive pas.

Les chercheurs montrent ainsi que l'emploi est le meilleur moyen d'accéder à des ressources économiques suffisantes (et nécessaires pour obtenir un toit, un couvert, une hygiène décente, accéder à aux soins, à l'instruction, au divertissement, etc.), et que cette accès conditionne en grande partie notre santé. Jusque là, rien qui ne nous fasse tomber de notre chaise.

Plus intéressant : des normes si puissantes gravitent autour du concept de travail que l'inactivité peut avoir des conséquences psychosociales néfastes sur l'individu. Autrement dit, la pression et la culpabilité que vous ressentez lorsque vous ne travaillez pas peuvent mettre votre santé en péril. Il faut dire que dans nos sociétés, le travail participe à nous assigner une identité, un rôle et un statut social. À nous définir parmi les autres, en quelque sorte. De fait, la solidité et la stabilité de l'identité que l'on s'attribue déterminent en partie notre santé mentale et notre bien-être.

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Enfin, l'étude montre que l'emploi et le statut socioéconomique sont fortement corrélés à la santé physique, mentale, et à l'espérance de vie.

L'Association Médicale Britannique et le Conseil Général des médecins britanniques, quant à eux, ont publié une synthèse expliquant qu'en cas de maladie prolongée ou d'accident, le retour au travail permettait un rétablissement plus rapide que lorsque la personne restait à son foyer, et renforçait les effets du traitement.

Cependant, il faut être conscient que ce genre d'étude est un peu biaisée : lorsque l'on montre que les populations sans emploi sont en moins bonnes santé que les populations en possédant un, il faut bien sûr prendre en compte le fait que l'accès à des conditions de vie décentes n'est pas le même dans l'un et l'autre cas. Pour pouvoir comparer adéquatement l'inactivité et le travail, il faudrait également étudier la santé et le bonheur des rentiers, à savoir des personnes qui perçoivent un revenu sans avoir à fournir un travail contre un salaire. Or, cette population, assez réduite, n'intéresse pas particulièrement les institutions médicosociales.

Si quelques études assez peu solides montrent que le retour au travail fait plus pour le bien-être et la santé d'anciens chômeurs qu'une compensation financière, il reste extrêmement difficile d'étudier les corrélations entre travail et santé en s'affranchissant du prisme de la nécessité.

En résumé, le travail c'est la santé, faute de mieux. Courage, on est déjà vendredi.