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Au fond de la fosse des Mariannes, on vous entendra crier

Les sons enregistrés par des chercheurs à 11 kilomètres sous le niveau de la mer risquent de vous hanter un petit moment.
Image : NOAA

Au large de l'île de Guam, dans la zone de subduction où la plaque pacifique passe sous la plaque philippine, on trouve le canyon le plus vertigineux de la planète : la fosse des Mariannes. En se baladant à pied à Challenger Deep, l'extrémité la plus profonde de la fosse, on marcherait sous onze kilomètres d'eau. Suffisant pour y caser l'Everest, et avoir encore suffisamment de marge pour organiser quelques sessions de plongée en sous-marin. En 2012, James Cameron est devenu le premier homme à se balader en solo à cette profondeur infernale, à bord d'un sous-marin en forme de torpille. Et le premier, entre deux récoltes d'échantillons biologiques et minéraux, à tweeter depuis les abysses. À cet endroit, la pression est environ 1100 fois supérieure à celle de l'atmosphère : chaque centimètre de surface équivaut à 1122 kilos. La lumière y est absente, les températures glaciales. Rien, ou presque, ne se développe dans un enfer pareil. Et pourtant, Challenger Deep est traversé, quasiment en permanence, par des sons de différentes origines.

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L'année dernière, l'océanographe Bob Dziak, chercheur à la

National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA)

, qui surveille l'évolution de l'air et des mers du globe, a décidé d'écouter ce qu'il se passe à Challenger Deep, dans l'idée de récolter de nouvelles informations sur la vie à de telles profondeurs sans mettre en place les coûteuses missions d'exploration de James Cameron. Lui et son équipe ont donc imaginé et fabriqué un hydrophone (un simple micro utilisable sous l'eau) spécial, capable de supporter les pressions inhumaines de la fosse. Protégé par sa coque en titane, le micro a ensuite parcouru en six heures les onze kilomètres qui le séparaient du plancher océanique, avec une lenteur toute calculée : si le micro descendait trop vite, les matériaux n'auraient pas le temps de s'adapter à l'augmentation exponentielle de pression et risqueraient de se fissurer, voire d'éclater. 23 jours après avoir touché le fond, l'hydrophone est revenu de son abyssale excursion, et l'équipe a pu écouter ce que l'on entend à l'endroit le plus profond de la Terre. La playlist, plus

deep

que tout, est évidemment disponible sur Soundcloud :

Dans l'océan infini, personne ne vous entendra crier ? Faux

. « Si la lumière ne se propage pas très loin , les ondes sonores voyagent sur de très longues distances dans les océans

», explique Bob Dziak

à Gizmodo

. Pour lui, « le son est le meilleur moyen d'avoir une bonne vision des grandes profondeurs. » De fait, la fosse des Mariannes agit comme une gigantesque caisse de résonance pour les sons de surface comme ceux du sous-sol : on peut y entendre à la fois le bruit distant des hélices des bateaux, les sifflements des baleines et, surtout, la pulsation continue de la Terre elle-même, dans une zone à forte activité sismique. Pour Bob Dziak, son étude est similaire à

« l'envoi d'une sonde aux confins du cosmos »,

à ceci près qu'on explore cette fois-ci

« les confins inconnus de notre espace intime. »

Il n'a pas tort : depuis Youri Gagarine en 1961, environ 500 hommes ont goûté à l'immensité spatiale, et seuls douze ont connu l'indescriptible émotion de fouler le sol lunaire. Ils ne sont en revanche que trois à avoir visité le fond absolu des océans.