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Culture

La série 13 Reasons Why aide-t-elle à la prévention du suicide?

Elle vient d'être renouvelée pour une deuxième saison, mais plusieurs croient qu'il y aura des modifications à faire.
Photo de Netflix

La populaire série 13 Reasons Why fait beaucoup jaser d'elle ces derniers temps et vient d'être renouvelée pour une deuxième saison. Après tout, c'est une des rares émissions qui aborde des sujets sensibles sans trop embellir la réalité; que ce soit l'anxiété adolescente, le viol et, surtout, le suicide, le nouveau projet de Selena Gomez reçoit l'admiration des critiques pour son exécution, mais plusieurs s'inquiètent de la manière dont les sujets sont abordés. Au Canada, et surtout au Québec, si 13 Reasons Why choque autant qu'elle plaît, c'est que le suicide reste encore un sujet tabou. Selon les données de 2015, le Canada se retrouve au 87e rang des pays avec le plus haut taux de suicide. Néanmoins, selon les données de 2013, à un taux de 13,3 suicides par 100 000 personnes, le Québec se placerait en 11e position des pays avec le plus haut taux de suicide des membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). On a au Canada un grave problème, un problème dur à résoudre, parce qu'on ne sait pas vraiment comment le traiter. La prévention, bien entendu, ça aide. Mais c'est souvent difficile de convaincre quelqu'un qui est rendu à ce stade-là de décrocher le téléphone et d'appeler un inconnu pour l'aider. Étant donné cette situation, une émission comme 13 Reasons Why aide-t-elle à la prévention ou romance-t-elle trop le suicide? Les avis divergent. En Nouvelle-Zélande, pays aux prises avec un grave problème de suicide chez les jeunes, l'Office de classification du film et de la littérature a ajouté une nouvelle catégorie restrictive spécialement pour 13 Reasons Why : RP18, qui oblige les moins de 18 ans à la regarder sous la supervision d'un adulte. À Palm Beach, en Floride, les parents ont étés avertis que les écoles avaient noté une augmentation des comportements suicidaires et automutilatoires, que les élèves avaient associés à la série. Ici, l'Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) et le Centre de prévention du suicide (CPS) ont fait paraître le 27 avril dernier une déclaration officielle en réponse à la série. « L'ACSM est préoccupée par le fait que la série peut glorifier le suicide et que certains passages peuvent causer de la détresse chez les spectateurs, en particulier chez les jeunes spectateurs », peut-on y lire. De plus, l'ACSM décrie aussi le fait que l'émission ne respecte pas le protocole qu'elle a établi sur la représentation du suicide dans les médias. Le protocole recommande par exemple d'éviter de montrer le suicide de manière graphique et surtout de ne pas le romancer.
Comme le rappelle Patrick Devitt du Scientific American, ce n'est pas la première fois qu'une œuvre est accusée de faire la promotion du suicide. Roméo et Juliette, notamment, a reçu cette étiquette peu enviable. Les souffrances du jeune Werther, de Goethe aussi. Après la publication de ce roman, l'Europe a vu une vague de suicide de jeunes hommes habillés comme Werther, dans le roman, et le phénomène de suicide par imitation a même été appelé l'« effet Werther ».
Des recherches ont également été faites sur la « contagion » après la médiatisation de suicides et de fusillades dans les écoles. Elles montrent que si les situations sont largement médiatisées, le nombre d'incidents semblables tend à être en hausse dans les deux à trois semaines suivantes. Par contre, les études sur les suicides dans la fiction sont peu concluantes et les données sont compliquées à évaluer. L'hypothèse générale, c'est que la plupart des gens sont mentalement capables de faire la distinction entre une mort réelle et une œuvre de fiction. En Grande-Bretagne, des chercheurs ont tenté de faire un lien entre la surdose (fictive) d'un personnage de télé populaire et le nombre de cas similaires rapportés dans les hôpitaux britanniques dans les jours suivants. Encore là, les avis ont divergé. Certains chercheurs ont réussi à établir un lien direct, et d'autres non. Il est difficile de démontrer que 13 Reasons Why glorifie le suicide. Une chose est certaine, il y a certainement des éléments mal structurés. L'émission raconte l'histoire d'une jeune fille qui s'enlève la vie après avoir été victime d'intimidation à l'école. Elle laisse derrière elle sept cassettes destinées à différentes personnes qu'elle juge impliquées de près ou de loin dans la détresse qui l'a poussée au suicide. L'aspect « trendy » et « chasse au trésor » du concept atténue grandement le fait qu'au fond, ces gens-là suivent les instructions d'une fille dont, malheureusement, la mort aurait pu être évitée. Ça renforce aussi l'idée reçue selon laquelle l'intimidation à elle seule peut justifier le suicide, alors qu'on sait pertinemment que dans la très grande majorité des cas, les gens suicidaires souffrent de maladies mentales. Le concept des indices laissés derrière soi après son suicide afin que des gens découvrent la clé du mystère et résolvent un crime envoie le message que le suicide était en fait une forme de vengeance. Les producteurs auraient dû considérer que le suicide est quelque chose qu'on se fait à soi-même, et pas aux autres. Et ne parlons même pas du scénario qui nous laisserait croire que le gars sur qui on a un kick va finalement être notre champion et mettra au grand jour la vérité sur notre fin terrible.

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L'émission est loin d'être parfaite, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas y porter attention. Elle s'inscrit dans la lignée de projets qui, dans les dernières années, visaient à contrer le fléau du suicide à travers la culture populaire. Si ça ouvre la porte au débat et à la discussion, ça a intrinsèquement du bon.

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