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Alerte aux gros lourds : par pitié, arrêtez de toujours vouloir draguer la serveuse

Si vous êtes sexuellement frustré par la vie, masturbez-vous avant d’entrer dans un bar plutôt que de l’utiliser comme un exutoire à votre frustration.

Bienvenue dans Cuisine Confessions, une rubrique qui infiltre le monde tumultueux de la restauration. Ici, on donne la parole à ceux qui ont des secrets à révéler ou qui veulent simplement nous dire la vérité, rien que la vérité sur ce qu'il se passe réellement dans les cuisines ou les arrière-cuisines des bars ou des restaurants. Dans cet épisode, on donne la parole à la proprio d'un bar qui y bosse et qui en a marre d'être harcelée sexuellement.

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« Avec tout le respect que je te dois, est-ce que je peux te poser une question indiscrète ? »

Un de mes plus fidèles clients m'a un jour balancé cette phrase. Jusque-là, je n'avais que du respect pour ce mec. Et je pensais que c'était réciproque. Il mettait des fringues chics et conduisait une jolie caisse. On avait des conversations banales alors que je lui offrais des shots – il venait tous les jours de la semaine après le taf et laissait des gros pourboires.

Mais il a tout niqué le jour où il m'a posé question à laquelle je ne m'attendais pas. Mais alors vraiment pas.

« Est-ce que tu portes des sous-vêtements ? »

J'ai immédiatement perdu tout le respect que j'avais pour ce gars. Cela m'a profondément attristé. J'ai mis tout ça sous le tapis et je suis passé à autre chose. C'est la meilleure solution quand vous êtes une meuf dans cette industrie. Je lui ai répondu un truc marrant, parce qu'effectivement, je ne portais pas de culotte, ce que l'absence de marque sous mon fute rendait ostensible : « Pourquoi tu me poses cette putain de question alors que tu as la réponse sous les yeux ? ».

Le pire, c'est qu'il ne s'était jamais montré intéressé auparavant. Et moi non plus. Il vient toujours régulièrement mais ce n'est plus la même chose. Je suis très froide quand il me parle et je dirais même que je garde une profonde rancœur envers lui depuis. En tant que femme qui possède et travaille dans un bar, c'est une des nombreuses formes de harcèlement sexuel que j'ai eu à subir.

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Il y a une autre phrase qui a immédiatement coûté quelques tournées gratuites de shots d'anniversaire à son auteur. Alors qu'il passait un super moment avec ses potes et que je les servais, il m'a demandé candidement : « Est-ce que je peux boire ce shot sur toi ? Parce que t'es vraiment canon. J'aimerais beaucoup connaître le goût de ta peau. » J'ai rigolé et je me suis cassée.

J'ai d'autres histoires en stock. Des clients plus ou moins chelou qui me fixent quand je bouffe pendant ma pause et qui me disent ; « J'aime ta façon de manger ». Ou un autre qui déclare : « Je sens ta chatte d'ici ». Je n'ai jamais eu à me débarrasser physiquement d'un malotru. Il y a eu cette lesbienne qui était obsédée par ma personne et qui refusait catégoriquement de rentrer chez elle. Elle a essayé de foutre des pains à l'agent de sécurité qui tentait de la mettre dehors.

Mes parents étaient propriétaires de bars bien avant ma naissance. J'ai toujours aimé la vie nocturne puisque j'y ai grandi et quasiment passé ma vie entière. Avant l'âge légal de boire, j'aidais mon père dans ses différents rades et je servais de l'alcool à des hommes bien plus âgés et bien plus imbibés que moi. C'est là que j'ai réalisé qu'être une jeune serveuse face à des mecs saouls pouvait avoir des conséquences particulières.

Quand j'étais gosse, ça ne me gênait pas trop parce que tout le monde savait que j'étais la fille du boss et personne n'aurait osé me toucher. En vieillissant et devenant une femme, j'ai commencé à entendre des commentaires de plus en plus stupides. Je les ignorais ou ne les prenais pas sérieusement. À l'époque, je ne savais pas qu'être exposée à des vieux croulants surexcités était une sorte de répétition générale. Que ça me préparait aux remarques qu'on entend quand on travaille derrière le zinc et qu'on a une paire de seins.

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Pourtant, avoir affaire à ces mecs tout en restant professionnel et sans perdre son taf est une gageure quotidienne, un mélange d'étiquette, de classe et d'éducation.

Je suis plutôt tolérante vis-à-vis du dress-code de mes employés. Je dis à toutes les serveuses et les serveurs de s'habiller en noir et de manière confortable pour qu'ils se sentent tous en confiance au taf. Comme la plupart des gens que j'emploie ont moins de 30 ans, j'ai parfois quelques robes un peu échancrées. Je me rappelle que les premiers jours après l'ouverture, on avait eu un incident avec un client qui n'arrêtait pas de fixer la poitrine d'une des serveuses. Elle se sentait particulièrement mal à l'aise et m'a même demandé si je pouvais faire intervenir la sécurité. Problème, il n'y a aucune loi contre les mecs qui fixent les nichons des meufs.

Voilà, on ne peut pas tortiller du cul et occulter la vérité particulièrement dégueulasse de ce milieu : les femmes qui vous servent des cocktails sont ramenées à l'état d'objet et c'est nase. Cela ne devrait pas être accepté. On ne peut pas traiter les femmes comme des morceaux de viande. Ce qui est difficile, c'est qu'on ne peut pas non plus en faire des caisses parce que c'est un peu le lot de la vie dans un bar et c'est la vie que vous avez choisie. Beaucoup de mecs boivent et disent des tas de connerie une fois bourrés. Si vous êtes une femme, vous en avez fait l'expérience. Même si vous ne travaillez pas dans un bar et que vous êtes habillées avec des fringues un petit peu trop osés, vous allez vous faire harceler, alpaguer et siffler par des gens que vous ne connaissez ni d'Ève ni d'Adam.

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Travailler dans un bar est une extension de cette norme sociale. C'est comme ça pour les gens de ma génération et c'est probablement pour ça que ma mère, qui me file des coups de main dans le bar, m'a toujours appris à avoir une carapace et de ne rien laisser paraître. Pourtant, avoir affaire à ces mecs tout en restant professionnel et sans perdre son taf est une gageure quotidienne, un mélange d'étiquette, de classe et d'éducation.

On est juste là pour le salaire. Point barre.

C'est fatigant. Pour donner plus de pouvoir aux femmes que j'emploie et qui doivent faire face à ce genre de merdes, je leur rappelle toujours : « Souvenez-vous, nous avons une chatte, nous avons le pouvoir, comme on dit. » Et puis, à la fin de chaque shift, croyez bien qu'on se marre en repensant à toutes vos tentatives de drague avortées. On se fout de votre gueule et c'est vous le dindon de la farce. Un compliment est un compliment et je l'accepte volontiers, mais une fois que vous avez introduit une référence sexuelle, quelle qu'elle soit, ce n'est plus un compliment.

Récemment, ma mère et moi, on a réalisé que cette génération de vieux mecs misogynes est sur le point de s'éteindre et va être remplacée par une génération de gamins des années 2000 bien plus respectueux envers les femmes.

Quelques conseils si vous êtes un mec qui fait des remarques crues et vulgaires à caractère sexuel et qui drague des serveuses : s'il vous plaît, si vous êtes sexuellement frustré par la vie, masturbez-vous avant d'entrer dans un bar plutôt que de l'utiliser comme un exutoire à votre frustration. Vous allez passer pour une épave et un mec teubé. La plupart d'entre nous sommes déjà maquées. Vous n'allez pas repartir avec notre 06. Et vous n'allez jamais rentrer avec l'une d'entre nous après notre service. Ne prenez pas la réalité pour un film de cul.

On est juste là pour le salaire. Point barre.

Propos rapportés par Javier Cabral