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Sports

Fartage des skis : rencontre avec un orfèvre du fer à repasser

On a rencontré Thomas Parfait, ancien snowboarder pro et aujourd'hui farteur à plein temps, pour qu'il nous explique comment prendre soin de son matériel et, ainsi, optimiser la glisse.

Alors les jeunes, on part au ski ? Ça va rider la poudre ? Dévaler les pentes comme des dingos ? Super. Et en plus, vous avez votre propre matériel ? Quelle classe. Et là, vous vous dîtes : « Oui, c'est vrai que j'ai la classe avec ma planche, mais sur le plat, je galère toujours plus que mes potes, qui louent leur matériel, comment est-ce diable possible ? »

Eh bien, jeune lecteur avide de sensations fortes, c'est parce que ces planches, bien que souvent moches, sont traitées avec affection et doigtées par des orfèvres de la board, des artisans du fer à repasser, des affuteurs de l'ombre… Des professionnels qui leur apportent régulièrement les soins cosmétiques que tu négliges même pour ta propre personne.

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Je suis allé voir Thomas Parfait, un ancien snowboarder professionnel qui travaille maintenant chez Sport Rent, à Serre-Chevalier. On a passé une bonne heure dans l'atelier du shop, et il m'a montré en détails comment prendre soin de son matériel. Eh ben, laisse-moi te dire que, sur le park comme derrière son fer à repasser, cet homme-là impose le respect ! J'ai tenté de retranscrire son enseignement le plus fidèlement possible, mais il est fort possible qu'arrivé à la fin de cet article, tu doutes toujours de la marche à suivre pour enfin avoir une glisse digne de tes ambitions. Pas de panique kiddo : où que te mène la ride, tu trouveras toujours un farteur à la hauteur de tes ambitions.

Photo d'illustration via Flickr.

Reboucher les trous

Prenons une planche qui revient de location. Si elle a des trous, la première chose à faire, c'est de les reboucher avec un fer à p-tex (sorte de bobine de fil plastique qu'on place sur les trous et qui, en chauffant, le comble avant que le farteur n'égalise le tout à la truelle, ndlr). Il existe plusieurs p-tex différents – du noir, pour les semelles noires, ou du blanc, translucide, pour celles qui ont des graphismes. Mais de mon point de vue, le noir tient mieux – c'est pas une légende ! Et les deux couleurs existent en version classique et en version enrichie à la colle Araldite. C'est ce qu'on utilise pour les gros trous, près des carres. Ça adhère vraiment à la carre, et c'est aussi celui qu'on utilise pour les trous profonds, qui atteignent la structure de la board. On applique ça avec un fer à p-tex, conçu spécialement pour ça, car le p-tex doit fondre mais surtout ne pas brûler. Chez soi, on peut le faire fondre avec un briquet, en faisant attention que ça ne fume pas trop. Sinon, il perd ses propriétés et on s'en fout plein le museau… c'est pas bon du tout !

Une fois qu'on a rebouché nos trous, on laisse sécher la planche, puis on utilise une raclette métallique pour virer le surplus de p-tex – attention : il faut toujours gratter à plat, et s'assurer que sa raclette est bien affutée.

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Le passage à la bande

Si besoin, on passe la board à la ponceuse à bande – là aussi, dans le sens de la glisse. Il faut la passer à plat, en appuyant légèrement. Un coup à gauche, un coup à droite, et un coup au milieu. Elle va aussi nettoyer les dernières traces de p-tex, et surtout une partie de la carre, qui va être propre de chez propre.

Depuis plusieurs années, les constructeurs innovent et font toutes sortes de cambres (courbure de la planche, qui peut varier selon les modèles, ndlr) : normal, inversé (ou rocker), double rocker… Mais ça ne change rien pour le passage à la bande. Les seules planches avec lesquelles il faut faire attention, c'est celles qui utilisent la Triple Base Technology : la bande centrale est un peu plus bombée, donc il faut y aller léger, pour ne pas la poncer.

Il existe des gros robots électroniques, qui font tout automatiquement – tu prends ton ski, tu règles la machine et ça ressort nickel. Mais en général, les snowboards, ne passent pas en machine. Et ici, on fait presque tout à la main.

L'affûtage

Une fois que la carre est bien propre, la machine est aussi dotée d'une petite affûteuse – une petite bande qui tourne sur le côté, où tu vas venir passer ta planche pour venir travailler la carre.

Normalement, la carre doit être à 90°, mais on peut descendre, pour avoir un carving plus rapide. Nous, on fait tous nos skis à 89. Les skis de slalom et de compétition, c'est 88°, 87°. Pour les freestylers, 90 ou 89… Mais le freestyler, il s'en fout : il a pas de carre, et quand il fait du rail, il les défonce. En fait, rail ou poudreuse… Pas de carres, pas de souci !

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Quand on a fait les carres, il faut enlever le fil avec une gomme abrasive, sinon, la board ne tourne plus !

Pour le matériel de location, on n'a pas forcément besoin de retravailler la planche à la main. Mais quand on fait des skis de clients, on les retravaille à la lime et avec une équerre à l'angle souhaité. Si la carre est vraiment abîmée, je dégrossis avec une grosse lime, pour enlever les gros accrocs. Et au fur et à mesure, on utilise des limes de plus en plus petites. On affûte toute la longueur de la carre, et on vient désaffûter les spatules ensuite – surtout en snowboard –en passant beaucoup de gomme en spatule, pour éviter que ça accroche trop tôt.

On a un compétiteur qui vient là tous les jours, on lui passe un petit coup à 87°. On lui fait même une finition avec des limes en diamant !

Mais sur ma propre board, je passe juste avec la grosse lime sur les accrocs, c'est tout. Pas besoin que ce soit sur-affûté !

Photo d'illustration via Flickr.

Le fartage

Chez nous, on préfère le fartage à chaud. Beaucoup de loueurs ne font que des fartages en surface : ils passent un coup au rouleau et ça ressort… mais c'est un fartage qui dure bien moins longtemps. Le ski va rentrer tout blanc, parce que ça n'a pas pénétré la semelle. Avec un fartage à chaud, même une board qui est sortie une semaine garde une partie bien grasse. Bien sûr, ça aura séché le long des carres, surtout avec la neige artificielle, qui est très abrasive. Un bon fartage à chaud, au fer, c'est le top… Et c'est tout ce qu'il y a de plus simple, en fait ! Il te faut un fer et de la wax – qu'on appelle aussi du fart, et qui est à base de paraffine.

Il existe plusieurs styles de wax. Généralement, on en utilise trois, selon les types de neige – neige froide, neige chaude et fart universel. Personnellement, c'est celui-ci que j'utilise le plus. Apo a sorti la Magic Potion il y a quelques années – une alternative présentée comme non-polluante, parce que le fart pollue, c'est clair. Mais personnellement, je n'ai pas trouvé ça très efficace…

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Pour waxer, on fait fondre la paraffine sur le fer, et on fait tomber les gouttes sur la planche. Ensuite, on passe le fer sur la planche, comme si on repassait une chemise. Avec la chaleur, le fart pénètre à l'intérieur de la semelle. Là non plus, il ne faut pas que ça fume et il ne faut pas rester trop longtemps au même endroit, sinon on décolle la semelle. Bon, en shop, on a un fer spécial, mais ça marche très bien avec un vieux fer à repasser.

Ensuite, on racle. Tout le monde ne racle pas, mais ça permet d'avoir une glisse fluide tout de suite. Là aussi, on racle toujours dans le sens de la glisse – donc du nose vers le tail – et avec un racloir en plastique. Ensuite, on utilise une brosse métallique, pour enlever le surplus, puis une petite brosse en nylon. Tout ça, c'est vraiment pour avoir une glisse optimale le jour J. Nous, quand on faisait des Coupes du Monde en half-pipe, on fartait la veille pour le lendemain, et ça nous est arrivé de nous planter. Le pipe était bleu – glacé, donc on fartait au froid mais le lendemain il neigeait, donc il fallait du chaud ! Mais pour entretenir sa planche, un coup de wax à chaud, un coup de fer, on laisse sécher 20 minutes, on racle, on brosse et le lendemain on peut aller rider !

En location, on refait le matériel quasiment à chaque fois qu'il rentre, pour qu'il ressorte propre. Donc en février, on fait au moins 150 paires de ski par semaine, tout à la main. Personnellement, je fais au moins 70 sorties par an, et je farte toutes les trois sorties, mais c'est parce que j'ai la chance de travailler dans un magasin. Les potes à qui je farte la planche, c'est plutôt quatre fois dans la saison.

Si vous avez votre matos, venez nous voir une fois au début du séjour, si vous n'avez pas farté à la fin de la saison précédente. Et si c'est la dernière fois de la saison que vous ridez, passez aussi. On vous fera un gros fartage de fin de saison en laissant une bonne couche de paraffine.

Voilà, vous savez tout. Alors n'oubliez pas : c'est important de waxer sa planche. Pour la glisse, pour l'entretien de sa semelle et pour niquer ses collègues en allant plus vite ! C'est surtout ça, en fait : la gagne avant tout, haha !