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Culture

Van T. Rudd a passé 15 ans à voler les fourchettes des puissants de ce monde

Hillary Clinton, le Prince Harry, Murdoch ou Branson: les couverts des plus riches font de parfaits ready-mades.
Images courtesy the artist(s)

Van T. Rudd n’est pas un artiste comme les autres. Son médium ? Il le vole. Son message ? Une sorte de guerre qui le voit depuis plus de 15 ans s’attaquer sans relâche à l’argenterie des plus riches et plus puissants de ce monde. Cet artiste de Melbourne est un professionnel du chapardage de fourchette.

Dans sa collection, intitulée The Rich Forks, on compte plus de 40 couverts intacts. Sur la plupart, on trouve encore des résidus de nourriture séchée. Autant de ready-mades qu’il conserve de manière scientifique. Rangé selon des catégories que seul lui maîtrise. Le Prince Harry, Rupert Murdoch, Richard Branson et même la candidate au primaire démocrate américaine font partie de son butin. Parmi ses autres travaux, on trouve des caricatures et des statues ultra-réalistes de personnages politiques.

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Tout a commencé il y a 15 ans alors que Rudd travaillait comme serveur dans un palace huppé de Melbourne — l’artiste a tenu à garder le nom du lieu secret. Il n’a pas voulu non plus dévoiler à The Creators Project si d’autres artistes étaient de mèches.

« Avec des collègues, on commençait à en avoir vraiment marre de bosser avec des horaires changeants et interminables pour vraiment rien. On servait de la bouffe incroyable et des vins millésimés à des gens vraiment très riches et souvent à des politiques dont parfois, des conservateurs bien craignos en marge d’événements politiques ou économiques. On devait être parfaitement invisible mais totalement disponible si vous voyez ce que je veux dire. »

« Je ne peux pas dire grand-chose sur le projet sans le mettre en péril mais à ce moment nous avions toujours les mains pleines de couverts en tout genre. On était perpétuellement en contact avec des gens très riches et comme on change souvent de poste, on ne fait jamais trop attention à nous. »

Rudd décrit sa façon de travailler comme très mécanique, et si collectionner des fourchettes utilisées par des riches n’a jamais été pensé pour finir en exposition. Le but du projet est simplement de garder des traces de ces moments où il rentrait chez lui après avoir travaillé pour les personnes les plus riches au monde et où, lui, n’avait pas de quoi se nourrir correctement. Pour lui ce n’est pas du vol, c’est même de « l’anti-vol ». Une façon de reprendre ce qu’il n’a pas.

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« Si on prend en considération les énormes montants d’argent qui sont subtilisés à la majorité des gens par seulement 1% de la population, je trouve que ce projet fait sens. Je veux dire, il suffit de jeter un coup d’œil au Panama Leaks et on s’aperçoit combien de milliard disparaissent dans les poches cachées de quelques-uns. Alors bon, quelques fourchettes. »

Il a fallu deux ans à l’artiste pour concevoir l’exposition de ses fourchettes. Pour définir le message, le manifeste et la muséographie. Lui-même n’est toujours pas sûr que ce type de projet ait vocation à être montré. Est-ce qu’il prend des risques ? Est-ce que les gens ont un quelconque intérêt pour les fourchettes ?

S’il n’était pas super chaud, Rudd s’est attaché à trouver le bon lieu pour dévoiler The Rich Forks au public. Le lieu devait être tourné vers les gens et financé publiquement. C’est ainsi que le projet s’est retrouvé au Footscray Community Arts Centre de Melbourne. « C’était assez dur de trouver un endroit pour cette exposition, les trois quarts des espaces d’arts sont en partie financés par ces mêmes 1% que je dénonce. Et étonnamment, les gens ont l’air supercontents de pouvoir regarder des fourchettes. »

« C’est pour garder cette authenticité qu’il était crucial de garder les traces de salives et de bouffe. Une sorte de petite trace de leurs vies. Ils prennent des jets, ils mangent cinq plats par repas, et s’en contrefoutent de savoir qui est la personne qui leur apporte toutes ces assiettes. J’espère sérieusement que les gens verront ce projet comme artistique et non pas comme une sorte de voyeurisme. Si pour eux c’est de l’art alors on s’en fout que ce soit volé. »

The Rich Forks est exposé au Footscray Community Arts Centre jusqu’au 21 mai prochain.

Retrouvez tous les travaux de Van T. Rudd sur son site